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Jimmy Harmon : «Le Musée de l’Esclavage transformera le visiteur»

Le directeur du centre veut un musée qui sort des sentiers battus.

Gros projet ! Il y a deux semaines, le Conseil des ministres a voté pour la création d’un Musée de l’Esclavage décrit comme intercontinental, qui devrait se situer à Trou-Fanfaron, à l’hôpital militaire construit dans le passé par Mahé de Labourdonnais. Plusieurs personnes et organisations y travaillent déjà. Parmi : le Centre Nelson Mandela pour la Culture africaine et créole. Son directeur, Jimmy Harmon, nous donne plus de détails sur ce projet.

Parlez-nous de la naissance du projet de musée…

 

Le projet d’Intercontinental Slavery Museumest né dans le contexte des travaux de la Commission Justice & Vérité (CJV), instituée en 2008 par un projet de loi. La CJV avait comme objectif majeur de mener une étude en profondeur sur les conséquences de l’esclavage et le système de l’engagisme. La commission a siégé pendant presque trois ans. Plus de
200 personnes ont déposé devant la commission, en sus des enquêtes de terrain et des interviews. À la suite des ateliers de travail sur l’esclavage, le projet a été élaboré par l’Associate ProfessorDr Benigna Zimba de l’Université d’Eduardo Mondlane, spécialiste de l’histoire de la traite négrière, aidé du Dr Vijaya Teelock et d’autres collaborateurs. En 2011, la commission a rendu public son rapport en quatre volumes et fait plus de 200 recommandations. La création d’un musée de l’esclavage à Port-Louis en fait partie et la commission a soutenu le projet du Dr Zimba. Comme le nom «intercontinental» l’indique, c’est un musée qui porte sur l’esclavage en montrant les liens entre le Mozambique, Madagascar et les îles des Mascareignes. C’est le bassin du sud-ouest de l’océan Indien qui a connu un aussi grand nombre de trafics d’esclaves que l’Atlantique. Comme le disait le Dr Vijaya Teelock récemment sur une radio, Port-Louis fut le «hub esclavagiste» car les négriers (bateaux de cargaison) d’esclaves venaient non seulement vendre les esclaves pour les plantations à Maurice, mais s’y arrêtaient aussi en route pour d’autres destinations telles que les États-Unis ou Haïti et Saint Domingue. Donc, un musée «intercontinental» sur l’esclavage sera une première dans cette partie du monde.

 

Où en êtes-vous actuellement ?

 

D’abord, il faut souligner la portée historique de la décision du Cabinet ministériel en date du 7 avril d’entériner la mise en application de cette recommandation de la CJV. L’ouverture d’un musée des esclaves dans l’ex-Hôpital militaire de Labourdonnais, qui date de 1740, est hautement symbolique. Cet hôpital soignait des soldats blessés et des esclaves. Nos historiens ont pu reconstituer le plan du bâtiment et identifier les différentes salles de cet hôpital. Le Centre Nelson Mandela, à qui incombe la mise en application des recommandations historiques et culturelles de la CJV, travaille en étroite collaboration avec le Centre of Research on Slavery and Indenture(CRSI) de l’Université de Maurice. Nous avons organisé des ateliers de consultations à l’université et dans les régions du Morne et de Ville-Noire, Mahébourg. Pour cela, nous avons eu le soutien duMorne Heritage Trust Fundet du Museum Council. Nous poursuivrons ces consultations dans d’autres régions. Notre plan de travail, incluant différentes étapes, s’échelonne sur trois ans. Même si le Centre Nelson Mandela tombe sous l’égide du ministère des Arts et de la culture, il est évident que c’est un projet de grande envergure qui nécessite un suivi au plus haut sommet de l’état si on veut qu’il aboutisse à bon port. Il y va de l’engagement de l’État mauricien comme État membre des Nations unies dans le cadre de la Décennie des Peuples d’Ascendance africaine (2015-2024).

 

À qui s’adressera le musée ?

 

Ce musée coïncide avec la Décennie des Peuples d’Ascendance africaine, décrétée par les Nations unies pour 2015-2024. Le musée est avant tout un devoir de mémoire. Dans le cadre des recommandations de la CJV, c’est une reconnaissance de la contribution des peuples d’ascendance africaine dans le monde, des Créoles dans l’histoire de l’île Maurice et en particulier de l’histoire de tous ceux dont les ancêtres ont été victimes d’un système économique, social, basé sur la traite négrière. C’est une histoire qui a été longtemps niée et rejetée par la version officielle des colonisateurs et de leurs descendants.   

 

Comment se présente le musée du point de vue physique (comment ce sera à l’intérieur ou à l’extérieur, par exemple) ?

 

Il faut garder le cachet original. Il y a des travaux de restauration et de muséologie à faire. Cela requiert des compétences spécifiques que probablement on ne trouvera pas à Maurice. Il faudra donc faire appel à des compétences étrangères. Il y a plusieurs suggestions que nous recueillons actuellement au niveau du contenu et de l’occupation et la répartition des salles. Le projet «Saturne», un négrier d’époque, que le père Alain Romaine a retracé lors de ses travaux de recherche et qu’il a présenté à l’ouverture des travaux à l’Université de Maurice, a retenu l’attention de plus d’un.

 

En quoi ce musée va-t-il se différencier de tous les autres qui nous parlent d’Histoire et d’esclavage ?

 

Définitivement, ce musée sera différent des autres. Ce n’est pas un musée «entrepôt» pour fouets, chaînes et autres instruments de torture de l’époque. C’est un musée mémorial, c’est-à-dire que tout ce qui sera exposé dans ce musée fera appel à la mémoire. Ce n’est pas forcément des objets. Cela peut être des images, des photos, des effets sonores, de la technologie moderne. Bref, tout ce qui fait appel à nos cinq sens. Un tel musée montrera aussi la richesse de l’Histoire et la culture des peuples déracinés avant l’esclavage. La visite d’un tel musée sera un itinéraire qui, à la fin, transformera la personne.