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Yann Arthus-Bertrand : «Je travaillerai sur mon film “Woman” à Maurice»

Le photographe, reporter, réalisateur et écologiste sera à Maurice du 20 au 25 février prochain afin de présenter Human, son dernier film. La projection se fera en présence de la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, au cinéma Star. Actuellement, il coréalise, avec Anastasia Mikova, son prochain film Woman.

Vous serez à Maurice du 20 au 25 février prochain. Connaissez-vous le pays ?

 

Je suis ravi de venir à Maurice bientôt. Ce sera ma deuxième fois. La première, c’était pour la projection de La terre vue du ciel, qui avait d’ailleurs eu beaucoup de succès. 

 

Vous êtes dans quel état d’esprit à l’approche de votre visite chez nous ?

 

Moi, je vis au jour le jour. Aujourd’hui (NdlR, jeudi), je vais en Turquie pour la projection de mon film Human. Je suis dans l’état d’esprit de quelqu’un qui est en train de tourner un autre film, qui s’intitule Woman, et qui est envahi par ce film.

 

D’ailleurs, on va faire une interview de la présidente de Maurice, Ameenah Gurib-Fakim, ainsi que d’autres Mauriciennes. Je vais travailler sur ce film dans votre île. Celui-ci tourne autour de ce que c’est que d’être une femme dans ce monde d’hommes. C’est un film qui nous envahit. Mon état d’esprit, c’est celui de quelqu’un de passionné, d’enthousiaste et de très curieux.

 

Pourquoi avoir pensé à Maurice pour ce projet ?

 

C’est un peu un concours de circonstances. Nous avons été invités par les hôtels LUX pour animer une conférence et je me suis dis, pourquoi ne pas faire une projection de Human. Du coup, avec la collaboration de la banque MCB, les choses se sont concrétisées. 

 

On pensait faire une seule projection, mais on a finalement décidé d’en faire deux parce que c’est un film important et que j’adore le présenter et en parler. J’aime aussi parler du projet Woman. Je viens avec la coréalisatrice qui va expliquer ce qu’on va faire. Votre présidente de la République est une personne exceptionnelle dont on m’a beaucoup parlé. Je voulais absolument faire une interview d’elle. 

 

Le projet Woman est-il une suite logique de votre film Human ?

 

Oui, c’est une suite logique. Le thème de Human est un peu différent. Il tournait autour de questions telles que pourquoi la guerre et pourquoi l’homophobie, et on s’intéressait aussi au sort des réfugiés. Mais à chaque fois, on s’est rendu compte que la femme avait une dimension autre que l’homme. Les femmes sont faites pour protéger. Elles ont beaucoup plus de bon sens. Elle sont plus faibles physiquement mais elles arrivent toujours à trouver un moyen pour arriver à leur fin. Cela, dans un monde très difficile pour elles.

 

Il y a beaucoup d’endroits où les femmes s’affirment et se libèrent. Mais il y a aussi beaucoup d’endroits où c’est le contraire. Plus ça va, plus je m’aperçois que dans beaucoup de pays, les femmes n’ont pas les mêmes droits. Elles sont considérées comme des sous hommes.

 

Je viens de lire quelque chose sur les veuves en Afrique et en Inde. Quand vous êtes une veuve en Inde, on vous vole tout, vous êtes abandonnée. Et il y a des villes entières où il n’y a que des femmes comme ça, seules, âgées, abandonnées et qui vivent de la charité.

 

Les femmes font 50 % du travail de la planète et elles ne possèdent que 1 à 2 % des propriétés du monde. Avec la crise démographique, la crise des réfugiés, la crise économique ou encore le changement climatique, on aura certainement besoin de plus de bon sens, peut-être plus de bienveillance et de gentillesse dans notre façon de gouverner le monde. On aura besoin de beaucoup plus de féminité dans le monde à venir.

 

Même les hommes devraient plus assumer leur part de féminité. Les femmes ont ce côté incroyable. Elles n’ont pas le droit de tomber. Elles doivent se relever pour leurs enfants. C’est rare de voir une femme abandonner. Les hommes, eux, ils foutent le camp. Les femmes, elles, restent. Elles se relèvent toujours. Elles ont une force incroyable. 

 

Qu’est-ce que cela vous apporte sur le plan personnel ?

 

Ce film m’a fait changer de regard sur ma mère, mes sœurs et les femmes qui m’entourent. C’est un gros projet, soit trois ans de tournage. C’est un long travail, avec trois ans d’interviews. C’est une grosse plate-forme qu’on va faire avec Google et dans le monde entier. Les films que je tourne ne sont pas des objets commerciaux. Même si on a besoin de commerce pour les montrer, je fais de sorte qu’ils soient libres de droit dans beaucoup de pays. On travaille beaucoup avec des fondations. 

 

Pouvez-vous nous raconter comment est né le projet Human ?

 

Ce projet vient d’une rencontre que j’ai faite dans les années 80-90. Mon hélicoptère est tombé en panne dans un tout petit village en Afrique et je suis resté deux-trois jours là-bas. Souvent, vous arrivez comme ça dans des endroits où vous êtes complètement paumé et où des gens vous accueillent et vous ouvrent leur cœur.

 

Je me suis aperçu que ces gens-là sont comme moi. Ils avaient peur de la mort, ils voulaient une bonne éducation pour leurs enfants. On était à la fois très proches et très différents. Nos ambitions étaient complètement différentes. Je voulais faire une couverture pour National Geographic ouParis Match et, eux, ils voulaient simplement nourrir leurs familles. Ce que j’ai vécu là-bas m’a beaucoup touché. Cela m’a vraiment ouvert les yeux. Je me suis souvent demandé ce que ces gens pouvaient me raconter qui allait me rendre plus intelligent. Et c’est vrai, c’est un travail qui m’envahit à chaque fois.

 

Vous attendiez-vous à un tel succès avec Human ?

 

Je le dis avec beaucoup d’humilité, même si le film porte mon nom avec une grosse équipe et des passionnés, je m’attendais à plus de succès. C’est un film très émouvant, et cela grâce à tout ce que les gens nous ont donné. Bien sûr, on reçois beaucoup de mails de gens qui ont été touchés mais je m’attendais à plus. Mais je comprends, ce n’est pas un film facile. Ce n’est pas un divertissement. C’est juste un film qui vous rappelle ce que c’est d’être un être humain. Je pense que c’est le meilleur film que j’ai fait. Je suis ravi même si je m’attendais à quelque chose de plus profond. 

 

Qu’est-ce que ce film peut apporter aux Mauriciens ?

 

Si l’on ouvre son cœur, si l’on écoute les autres parler de leur réalité, cela nous transforme. Je pense que ce film peut nous rendre un peu plus humain. Bon nombre de gens m’ont dit, après avoir vu le film :«J’aime plus les gens maintenant !» C’est de cela dont j’ai envie. Rien que pour cela, il mérite d’être vu. Ce n’est pas mon film. C’est celui des gens qui y sont. Il est comme un miroir. C’est votre film. C’est le récit de ces personnes, c’est pourquoi il touche. 

 

On vous considère aujourd’hui comme une personne aux multiples casquettes. Et vous, comment vous définiriez-vous ?

 

Je suis un activiste et je me sers de tous les moyens à ma disposition pour donner du sens à ce que je fais. Tout le monde peut choisir de donner du sens à sa vie.

 

Vous vous êtes toujours intéressé à tout ce qui touche à la nature et à l’humain. Pourquoi ?

 

On va vers un changement climatique majeur et on ne peut rester les bras croisés. Il faut de l’engagement. Tout le monde peut faire quelque chose. Je suis comme n’importe qui, je cherche à améliorer le monde à ma façon. Chacun peut faire sa part. 

 


 

Bio express

 

Yann Arthus-Bertrand a toujours été un passionné du monde animal et des espaces naturels. Il a publié un livre, Lions, et est photographe spécialisé dans les  grands reportages. En 1991, il fonde Altitude, première agence de photographie aérienne dans le monde. Il est l’auteur de Vu du ciel, une série documentaire télévisée, dont chaque épisode explore une problématique écologique particulière. Il est aujourd’hui un militant convaincu du développement durable.