• La jalousie amoureuse : quand ça va trop loin…
  • Disparition du vol Malaysia Airlines MH 370 : c’était il y a 10 ans...
  • 13es Jeux d’Afrique : «Moris casse paquet» avec 25 médailles
  • Laura Mooneesamy : quand Gold Models va d’aventure en aventure
  • Accidents fatals : quatre familles pleurent leurs proches partis trop tôt
  • «Ratsitatann» : un pièce mauricienne/malgache pour «enlever le flou»
  • The Two : explosion de blues créole bientôt
  • Un jeune couple crie à la négligence médicale après le décès de son nourrisson - Kimy et Julien : «Deziem tibaba nou perdi par fot lopital»
  • Maurice vs Tchad : le Club M compte sur le soutien de son public
  • Agression mortelle à Cité Mangalkhan - Læticia Laviolette : «Lion Vibe ti deza menas mo konpanion Damien»

Varun Jagganadum, 20 ans, victime d’une overdose | Sa mère Veena : «On m’a volé mon unique enfant»

Jeetun Poinen considérait le jeune homme comme son fils.

La drogue continue à faire des ravages, notamment chez les jeunes. Varun Jagganadum, 20 ans, qui s’apprêtait à aller faire ses études supérieures en Malaisie, a été retrouvé mort dans une maison abandonnée, foudroyé par une overdose. Sa mère Veena est sous le choc. Trois ans après la mort de son époux, elle perd son unique enfant dans des circonstances qui, pour elle, restent floues. Témoignage poignant d’une mère qui n’attend «rien de la vie»…

Ilétait sa seule raison de vivre. Et surtout, il était le seul homme au monde qui faisait encore battre son cœur et qui avait le don de lui arracher un sourire quand tout allait mal. Mais sans crier gare, la vie lui a pris son rayon de soleil de manière violente et inattendue. «On m’a volé mon fils unique. Je n’ai désormais plus aucun goût à la vie», murmure Veena Jagganadum.

 

Dans son salon à Camp-Caval, Curepipe, un verre d’eau, des bâtonnets d’encens et des fleurs encadrent la photo de son fils Varun, selon la coutume hindoue en période de deuil. Sur la photo, le jeune homme de 20 ans a l’air d’une personne très sûre d’elle, derrière ses lunettes qui lui donnent un petit air d’intello. Et selon sa mère, il était bel et bien un jeune brillant qui avait obtenu 13 unités aux examens du School Certificate. Ses résultats du Higher School Certificateavaient aussi été à la hauteur de ses espérances et lui avaient permis de décrocher une place dans une université malaisienne qu’il s’apprêtait à rejoindre en septembre.

 

Mais voilà que cet ancien élève du collège SSS Bissoondoyal à Rose-Belle a été retrouvé mort dans une maison abandonnée à Curepipe, le lundi 2 mai, aux alentours de 18h30. L’autopsie a attribué son décès à un œdème pulmonaire. La police soupçonne que le jeune Varun est mort d’une overdose après avoir consommé de la drogue. Des prélèvements ont été faits et envoyés au Forensic Scientific Laboratorypour confirmer cette hypothèse.

 

Sous le choc de cette tragédie, Veena et les siens arrivent difficilement à croire que Varun avait un problème avec la drogue. «Il était tout à fait normal, il ne présentait aucun signe qui pouvait laisser croire qu’il se droguait. D’ailleurs, il n’y a jamais eu de vol à la maison. Il a toujours été un bon et brillant élève. On ne sait pas comment une telle chose a pu se produire», témoigne Veena, les larmes aux yeux. Le lundi 2 mai, relate-t-elle, un inconnu a frappé à sa porte et informé des membres de sa famille que son fils s’était évanoui dans une maison abandonnée. «Je n’étais pas chez moi à ce moment-là. Ma belle-sœur a pris sa voiture pour aller sur place et a fait la terrible découverte avant d’informer la police. L’homme qui est venu chez nous ce soir-là serait, lui, un drogué.»Elle ne peut cependant expliquer comment son fils a fait la connaissance de cet homme, un habitant de la région.

 

Veena reconnaît que son fils n’allait pas très bien suite à la mort de son père d’un problème cardiaque il y a trois ans. «Varun était très attaché à son père. Et depuis sa mort, il n’a plus jamais été le même. Mais je suis convaincue qu’il a dû se passer quelque chose de louche. Car mon fils était toujours de bon conseil et disait à ses cousins qu’il ne fallait pas tomber dans ce genre de fléau. Il était contre toutes les formes de drogue», précise-t-elle fermement. 

 

«L’a-t-on drogué...»

 

Jeetun Poinen, le frère de Veena, rejoint celle-ci dans ses propos. L’homme, qui considérait Varun comme son fils, affirme qu’il lui avait donné Rs 3 000 quelques heures avant sa mort. «Je lui avais remis cette somme pour qu’il s’achète des vêtements et une paire de chaussures en vue de son voyage en Malaisie. Mais lorsqu’il a été retrouvé, il n’y avait pas cette somme d’argent ni aucun achat en sa possession. Il n’y avait que son portable éteint dans sa poche alors qu’il n’avait pas l’habitude d’éteindre son téléphone. Je trouve cela très bizarre. L’a-t-on drogué à son insu ?»se demande Jeetun, accablé par la perte de son neveu.

 

Jeune homme bien de son temps, Varun Jagganadum était un passionné de sport. D’ailleurs, raconte sa mère, il avait un abonnement dans un centre de fitness de la région et prenait soin de son look. «Il aimait la musique, jouait de la guitare et adorait sortir avec ses amis ou ses cousins», murmure sa mère, le cœur lourd de chagrin. Varun Jagganadum, aussi connu comme Palpan, voulait faire des études en Civil Engineeringet avait prévu de prendre l’avion pour la Malaisie le 3 septembre. Pour financer ses études, sa mère avait contracté un emprunt de Rs 200 000 et reçu l’aide financière de son frère Jeetun afin de compléter le paiement.

 

«Nous avons fait tout ça pour lui. Il était ma seule raison de vivre. Celui qui lui a vendu cette drogue ou qui l’a forcé à en prendre m’a volé mon fils et a brisé tous ses rêves. Maintenant, je n’attends plus rien de la vie», lâche cette mère désemparée. Une de plus…

 

Partout dans l’île, la drogue s’infiltre davantage et est consommée par de nombreux jeunes qui sont parfois âgés de
12 ans seulement, comme l’explique Danny Philippe de l’ONG Lead qui milite contre la drogue. Pour le travailleur social, il serait temps d’adopter une nouvelle stratégie concernant la lutte contre la drogue et il invite le gouvernement à travailler avec les ONG pour ce faire (voir hors-texte).Afin qu’il n’y ait pas d’autres Varun Jaggardanum et d’autres mères de famille complètement brisées, comme Veena.

 


 

Saisie de drogues : la police refuse de communiquer les chiffres

 

Pour les besoins de notre article et pour éclairer nos lecteurs sur l’ampleur que prend le fléau de la drogue à Maurice, nous avons envoyé un courrier électronique au service de presse de la police. Ce, dans le but de connaître le nombre de personnes arrêtées en possession de drogues de synthèse et autres produits illicites durant l’année 2015 et de janvier 2016 à ce jour, ainsi que la quantité de drogues saisie à travers l’île durant la même période. Mais cette instance nous a appris, le samedi 7 mai, que notre demande a été tout bonnement refusée, sans toutefois nous communiquer la raison de ce refus.

 

 


 

Danny Philippe de l’ONG Lead : «On court vers la catastrophe si on ne change pas notre stratégie de lutte…»

 

«Nous nous sentons impuissants face au nombre de jeunes qui succombent après avoir consommé de la drogue», lance Danny Philippe, responsable de l’ONG Lead (Leadership and Empowerment for Action and Development). Le travailleur social, qui milite contre ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans l’île, estime qu’il y a urgence et que le gouvernement doit revoir sa stratégie et sa politique en matière de lutte contre la drogue.

 

«On court vers la catastrophe si on ne change pas notre stratégie de lutte. Nous avons fait plusieurs propositions au gouvernement. Mais celui-ci n’y accorde pas d’importance. Les ONG et le gouvernement travaillent chacun de son côté alors qu’il devrait y avoir un réel partenariat. Les autorités doivent comprendre que nous ne sommes pas leurs adversaires, mais leurs partenaires et que c’est ensemble qu’on pourra apporter des solutions.»

 

S’agissant de la drogue synthétique, Danny Philippe ne mâche pas non plus ses mots. Pour lui, le pays est menacé par la circulation accrue et rapide de ce produit sur le marché local. «La drogue de synthèse se vend comme des petits pains partout dans l’île. Il n’y a pas une région épargnéepar cette drogue dont les composants varient à chaque fois. On ne sait pas ce qu’elle contient exactement. C’est justement là notre plus grand défi», confie-t-il.

 

La prise en charge de ceux affectés par ces drogues est très compliquée, poursuit Danny Philippe : «Le personnel ne sait pas quel médicament administrer aux patients. On peut uniquement leur donner quelque chose pour les tranquilliser.» Le bât blesse aussi sur le plan légal.«La drogue synthétique a un côté artisanal, elle estmélangéeàdes produits qui ne figurent pas sur leDangerous Drug Act, comme la plante hallucinogène qu’on appelle boul pikan. Donc, ceux arrêtés en possession de cette drogue sont souvent relâchés par la suite.»

 

Le travailleur social estime, par ailleurs, que la légalisation du gandiane fera pas disparaître la drogue synthétique. Il s’indigne tout de même face aux incidents qui se sont produits au jardin de la compagnie le vendredi 6 mai, opposant la police à des membres de la communauté rastafari (voir en pages 16-17).«Je condamne la violence avec laquelle la police a agi envers ces personnes. Ceci dit, il y a une perception selon laquelle il y a une pénurie de gandiasur le marché et que cela pousse les jeunes à se tourner davantagevers les produits de synthèse. En l’absence de chiffres, c’est impossible d’être fixé sur la question. De toute façon, je ne crois pas que la légalisation du gandiafera disparaître la drogue de synthèse. Car celle-ci est moins chère que le cannabis. Les jeunes touchent à cette drogue par curiosité, puis essaient de trouver eux-mêmes des produits qui sont en vente libre pour concocter leurs propres drogues.»

 

Danny Philippe ne croit pas, dit-il, en une île Maurice sans drogue. «Personne ne parle de ces drogues qui sont vendues légalement, comme l’alcool et la cigarette. Comment faire de Maurice un drug free islandalors que n’importe qui peut y avoir accès ?»

 

La sensibilisation auprès des jeunes reste la principale arme des ONG pour lutter contre la propagation de la drogue. Mais là encore, leurs actions sont limitées. «On fait des causeries dans des écoles confessionnelles et privées uniquement. On n’a pas accès aux collèges d’État. Certains recteurs de ces collèges nous ont invités. Mais après, il y a eu des répercussions. Comment peut-on toucher la masse dans ces conditions ? Et notre constat dans les écoles est alarmant. Beaucoup consomment de la drogue et savent où s’en procurer. Mais ils ne dévoilent jamais leurs sources. Les écoles sont devenues un lieu privilégié pour écouler de la drogue.»

 

Certaines décisions gouvernementales le mettent hors de lui : «La NaTRESA avait accès aux collèges d’État pour faire de la sensibilisation. Mais le gouvernement a annoncé la fermeture de cette instance alors que le pays fait face à une crise terrible en matière de drogue. C’est un mauvais signal et je suis contre cette décision. Il aurait fallu restructurer cet organisme et non le supprimer. Cela fait réfléchir car il n’y a pas longtemps, le ministre de la Santé a aboli le traitement à la méthadone. Depuis, selon mon constat sur le terrain, beaucoup ont rechuté. Le nombre de seringues distribuées a augmenté. Cela traduit bien ce qui se passe actuellement.»