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Une semaine après l’assassinat de leur sœur, ils remportent l’or | Les frères Joseph : «Perdre Sandra est devenu notre force pour gagner»

Samuel et Mathieu, ainsi que leurs potes, se sont dépassés.

Ce sel qui vaut de l’or. C’est la troupe mauricienne «Les Frères Joseph» qui a décroché l’or dans la catégorie danse de création aux Jeux de la Francophonie, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Un cheminement qui a été très dur pour les frères Samuel et Mathieu, meneurs de la troupe, puisque juste avant leur départ, ils ont appris que leur sœur est décédée dans des circonstances atroces en France. Récit d’un combat suivi d’une victoire.

Double challenge. Double victoire. Pour la seconde fois (la première était en 2009, avec l’équipe du chorégraphe Stephen Bongarçon, au Liban), Samuel et Mathieu Joseph peuvent embrasser leur médaille d’or – la première pour Maurice – gagné aux Jeux de la Francophonie, huitième édition. Avec leurs potes de la troupe «Les Frères Joseph» (neuf artistes en tout), ils ont convaincu le jury avec un magnifique show d’une quinzaine de minutes, intitulé Di Sel,où il est question de femmes qui travaillent aux Salines, à Tamarin. Les danseurs Jérôme Mandarine, Curtis Ittoo et Kurty Geneviève, et les musiciens Kurwin Castel, Emmanuel Desroches, Samuel Dubois et Jeff Armand peuvent eux aussi être fiers. Après l’annonce de leur sacre dans la soirée du jeudi 27 juillet, c’était évidemment l’euphorie. Mais au-delà de cette médaille d’or pour Maurice, il y a une histoire, bien plus profonde, pour les deux frères qui mènent la danse. 

 

Le 17 juillet, c’est le choc pour les Joseph. Leur sœur Sandra, elle aussi danseuse, est retrouvée morte en France où elle vivait depuis une dizaine d’années. Elle aurait été tuée par son compagnon qui s’est ensuite pendu dans la même pièce. L’horreur. Le drame. L’incompréhension. La tristesse. Mais à côté, il y a aussi les Jeux de la Francophonie. Di Sel, c’est un an de préparation, dont sept mois d’observation aux Salines de Tamarin. Comment faire pour assurer ? Comment faire pour gagner ? Dans notre édition de la semaine dernière, Samuel Joseph se demandait justement comment ils allaient pouvoir perform lors des jeux. L’équipe s’apprêtait à prendre l’avion pour la Côte d’Ivoire avec l’horrible nouvelle en tête. 

 

Mais c’est mal connaître les Joseph Bros, duo de Cité Mangalkan et surtout duo incontournable du milieu artistique mauricien (Porlwi by light, Akoustik Groove, concert de Linzy, Zee Challenge et bien d’autres shows avec tout un apprentissage aux côtés de Stephen Bongarçon et Jean-Renat Anamah). Malgré l’horreur, ils foncent et gagnent. Et le vendredi 28 juillet, quelques heures après leur sacre, c’est avec beaucoup d’émotion qu’ils nous parlent de cette double victoire dans leur vie, et d’un futur qui s’annonce plus serein et tout aussi dansant. 

 

Mathieu Joseph, 26 ans, se souvient des premiers jours en Côte d’Ivoire, des jours très pénibles. «À notre arrivée sur place, c’était très dur, avec cette épreuve pour nous et pour toute la famille. Le cœur n’y était pas trop. Mais nous nous sommes très vite ressaisis. Nous nous sommes dit que nous étions venus pour gagner, pour que notre sœur soit fière de nous. Et c’est ce qui nous a motivés. C’est devenu très vite notre force», confie-t-il. 

 

Du courage, il a fallu en trouver. Très vite, les frères canalisent toute leur concentration sur leur futur show victorieux : «Nous avons tout pris, l’énergie, la tristesse, et nous avons tout donné. Plus rien ne comptait que cette victoire. Pendant tout ce temps, nous ne sommes même pas sortis mon frère et moi tant nous étions bouleversés par la mort de Sandra. Tout a tourné autour de notre prestation, de Di Sel, d’autant que nous travaillions dessus depuis presque un an. Il n’y avait que cela qui comptait», poursuit le jeune homme.  

 

Son frère Samuel, 28 ans, évoque lui aussi des moments très durs qu’il a fallu gérer tant bien que mal : «Gérer à la fois un tel malheur dans la famille et une compétition comme les Jeux de la Francophonie n’était bien sûr pas évident. Je me suis dit alors que nous avions une mission à accomplir, que l’île Maurice nous regardait, qu’il fallait qu’on gagne, qu’on ne devait pas décevoir notre sœur.»

 

Sandra a été là, à leurs côtés, tout au long de l’aventure. D’ailleurs, Percy Yip Tong, producteur et dénicheur de talent qu’on ne présente plus, qui accompagne la délégation mauricienne et préside le jury de la catégorie chanson, lui dédie cette victoire de la troupe sur sa page Facebook : «Elle a apporté une force, une grâce et une inspiration profonde à tous les artistes de la troupe sur scène à Abidjan. Un soutien invisible mais réel (…)» 

 

Les frères Joseph et leurs potes foncent donc, portés également par les paroles de Jean-Jacques Arjoon pour Di Sel, les costumes réalisés par Emilien Jubeau et le soutien du studio OMADA. La note ne sera pas salée, bien au contraire : le sel se transforme en or ! Dès lors, la fièvre victorieuse gagne les réseaux sociaux, les médias, tout le monde. Maurice est enfin sur la plus haute marche du podium de ces Jeux de la Francophonie. Les bravos sont interminables et viennent de partout. En terre africaine, les frères Joseph sortent enfin pour déstresser. Contents, fiers, médaillés.

 

Merci à la danse, une discipline qui, pour Samuel Joseph, n’est pas tout le temps soutenue : «Il faut l’avouer, beaucoup ne veulent pas soutenir ni investir dans des danseurs ou des spectacles de danse. Cette médaille d’or, c’est la preuve que la danse, quelle qu’elle soit en termes de style, est importante et peut emmener le pays très loin, tout en mettant l’accent sur des sujets comme le patrimoine et sa préservation.»  

 

Et après tout ce maelström d’émotions, les deux frangins veulent une chose plus que tout : la reconnaissance de leur art. «Un artiste doit être reconnu dans son propre pays. Ce n’est pas seulement quand il réussit ailleurs et revient qu’il doit l’être. C’est sans logique. La balle est dans le camp des autorités concernées», souligne Mathieu Joseph. 

 

Les Joseph Bros, eux, ne comptent pas s’arrêter et attendre. Ils laissent entendre qu’ils planchent déjà sur un nouveau projet «qui prendra du temps mais qui sera gros». En attendant leur retour au pays mercredi prochain, place à une victoire dorée, une victoire pour tout le pays, doublée d’une victoire sur le chagrin qui, s’il est toujours très présent et le sera pour longtemps, n’a pas empêché les frères de gagner. Au contraire. Une victoire dédiée à leur sœur Sandra. Une victoire tout court… 

 

Le show gagnant Di Sel est visible sur YouTube ou sur lexpress.mu

 


 

N’oublions pas les autres artistes 

 

L’île Maurice est très présente dans les épreuves culturelles cette année aux Jeux de la Francophonie. Sur les 12 catégories, nous participons dans six : «Les Frères Joseph» pour la danse de création, Kavinash Thomoo pour la sculpture, Koodruth Muntasir pour l’art visuel, Guillaume Fanio pour la littérature, Amaury Bouchet pour la photographie et le groupe rodriguais Mannyok pour la chanson. Ce dernier est sorti sixième de sa catégorie mais a reçu une mention spéciale du jury. Le ministère des Arts et de la culture a alloué un budget de Rs 2,8 millions pour que ces artistes locaux puissent participer aux Jeux.

 


 

Des ministres heureux  

 

Stephan Toussaint, ministre de la Jeunesse et des sports : 

 

«Je suis très content et très fier de cette médaille d’or, de voir le drapeau mauricien flotter aussi haut, d’autant que le spectacle que la troupe a présenté était top ! On verra comment les récompenser quand on rentrera à Maurice.» 

 

Pradeep Roopun, ministre des Arts et de la culture : 

 

«C’est dire que Maurice est sur la bonne voie pour une meilleure visibilité de nos artistes sur le plan international. En tant que ministre des Arts et de la Culture, je réitère ma volonté et ma détermination à me jeter dans cette bataille pour valoriser les talents mauriciens dans une plus grande dynamique. Cette médaille d’or représente une fierté pour l’industrie créative de Maurice.»