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Un couple de Français tué par un speedboat

Ewa et Dominique Baudron adoraient les voyages et avaient, avant Maurice, visité Le Zanzibar et la Guadeloupe.

Ce voyage était pour cette famille une fête, un moyen de se ressourcer, mais aussi de passer un bon moment à trois. Un accident en mer a tout bouleversé. Les parents ont été tués, laissant derrière eux une fille de 16 ans. De France, celui qui a perdu son fils et sa belle-fille, se confie à 5-Plus. Il nous raconte ses proches décédés et nous parle de sa petite-fille.

Dans sa voix, un mélange de tristesse et de force. Depuis qu’il a appris, lundi dernier,  le tragique décès de son fils Dominique et de son épouse Ewa, tués par un speedboat alors qu’ils faisaient de la plongée à Belle-Mare, Claude Baudron vit au ralenti.  «Toute la famille est en état de choc ! J’avais trois enfants, il ne m’en reste que deux», nous dit ce veuf que nous avons contacté en France. 

Son téléphone n’arrête pas de sonner. Tous ses proches, dit-il, veulent comprendre ce qui est arrivé : comment le rêve que vivait cette famille a-t-il pu se transformer en cauchemar ? «Mon fils et sa femme sont allés chercher le soleil à Maurice et ils ont trouvé la mort», confie ce père qui a perdu le benjamin de ses trois enfants.

 

Dominique Baudron, 43 ans, et son épouse Ewa, 40 ans, étaient en vacances au Maritim Crystal Beach, à Belle-Mare, avec leur fille de 16 ans. Lundi, le couple, qui était à sa première visite à Maurice, décide de s’adonner à du snorkelling. Un bon moment qui vire à la tragédie quand, aux alentours de 15h15, un bateau de plaisance lui passe dessus sans s’arrêter. Mari et femme sont tués sur le coup. Leur fille, qui se repose à l’hôtel, apprend la terrible nouvelle quelques minutes plus tard.

 

Le skipper du speedboat incriminé, Louis Curtis Rezeda, 48 ans, est arrêté dans l’après-midi même, sous une accusation provisoire d’homicide involontaire. Il nie les faits qui lui sont reprochés et donne une autre version de l’accident (voir texte plus loin).

 

Depuis qu’il a appris la tragédie, Claude Baudron est souvent submergé d’émotions, mais fait en sorte, dit-il, de rester fort pour sa petite-fille. L’adolescente a, entre-temps, regagné la France, plus précisément Champagne-Sur-Oise, dans le département du Val-d’Oise, en région Île-de-France. «Évidemment, c’est dur pour elle, car elle est fille unique. Elle se trouve actuellement dans sa maison, car elle a besoin d’être là-bas. Mais elle est encadrée et soutenue par des membres de la famille.» Actuellement avec ses grands-parents maternels, la jeune fille irait «mieux», même s’il lui est difficile «d’envisager l’avenir» en ce moment. La suite, c’est à la justice, selon Claude Baudron, d’en décider : «C’est un juge du tutelle qui décidera avec qui ma petite-fille vivra désormais. Ça peut être moi ou un autre membre de la famille.»

 

Les obsèques ce mercredi

 

Digne dans la douleur, Claude est, par la force des choses, pris par plusieurs démarches administratives qui, dans les moments difficiles, l’aident à penser à autre chose : «Je m’occupe de toutes les procédures pour les obsèques de mon fils et de sa femme, qui sont prévus pour ce mercredi, à 14h30.» En contact avec l’ambassade de France à Maurice, il suit l’affaire de près : «Je vais attendre la conclusion de l’enquête policière, mais je suis sûr que la vérité va triompher.»

 

À chaque fois qu’il pense à ce qui est arrivé, Claude ne peut s’empêcher de revoir son fils et sa belle-fille heureux et impatients à l’idée de se rendre à Maurice : «Ils parlaient beaucoup de ce voyage et avaient hâte d’y être. Je les ai vus juste avant qu’ils partent et ils étaient emballés à l’idée de passer des vacances de rêve. Ils étaient tous les trois très proches.»

 

L’entourage du couple évoque aussi ce goût pour l’évasion et la découverte. «Dominique et Ewa aimaient découvrir de nouveaux horizons et ils y allaient souvent en famille. Ils ont ainsi visité le Zanzibar et la Guadeloupe», souligne l’un des proches. La famille était aussi quelque chose de sacré pour eux. «Mon fils et sa femme étaient très complices et très attachés à leur fille. »

 

Le couple, marié depuis 12 ans, s’était rencontré dans une école à Paris. Ewa, une Polonaise, était à Paris pour poursuivre ses études. «Au début, Dominique écrivait des poèmes en anglais à Ewa», nous confie une source proche de la fille du couple.

 

Notre interlocuteur nous confie que l’adolescente est actuellement soutenue par les parents de sa mère qui étaient venus en France pour s’occuper des animaux de la famille – «un chat, un chien, deux poules et cinq poissons» – durant leur déplacement à Maurice. «Ewa, femme au foyer,  partageait l’amour des animaux avec sa fille. Elle adorait la nature et n’achetait que de la nourriture bio», poursuit notre source. Claude donne la description de sa belle-fille : «Elle était toujours joyeuse et très populaire dans la région. Elle était très active au sein de plusieurs associations et même au niveau de l’école et de la mairie de la commune.»

 

De son fils, Claude confie qu’il était «quelqu’un qui aimait la vie» : «C’était un chef d’entreprise dans le domaine de l’informatique, sa passion.» Un amour que partageait sa fille qui devra maintenant continuer à avancer… sans ses parents à ses côtés.

 

Le témoin, Andy Zhuel : «J’ai tout fait pour éviter le drame» 

 

Les yeux fixés sur l’océan, Andy Zhuel contemple l’horizon. Depuis plus d’une dizaine d’années, il ne jure que par le grand bleu, sa passion. C’est grâce à la mer qu’il mange à sa faim et subvient à ses besoins. Mais depuis une semaine, cet habitant de Trou-d’Eau-Douce ne sait pas s’il aura un jour le courage de retourner en mer. «Je ne sais même plus si j’aurai la force de faire une simple traversée.»

 

La raison de son mal-être : il a assisté au drame qui a coûté la vie à Dominique et Ewa Baudron. Il est l’une des dernières personnes à les avoir vus en vie, profitant d’un moment de bonheur qui allait vite virer au cauchemar. Skipper de profession, Andy Zhuel est celui qui a emmené Nicolas et Ewa et six autres personnes en mer pour une partie de plongée dans une zone réservée à cette activité à Belle-Mare.

 

«Nous avons démarré vers 14h50 et sommes arrivés dans la zone de plongée dix minutes après. Sept personnes se sont jetées à l’eau et moi, je suis resté à bord avec une touriste allemande.» Quinze minutes plus tard, un terrible drame s’est joué sous ses yeux. «Vers 15h15, j’ai vu un bateau qui se dirigeait directement vers la zone de plongée, alors que j’avais bien placé le drapeau Alpha. J’ai hurlé de toutes mes forces pour que le pilote change de direction. Mais il n’a rien entendu, il n’a même pas regardé dans ma direction, alors que je lui faisais des signes de la main et lui disais d’arrêter, de changer de trajectoire. J’ai tout fait pour éviter le drame.»

 

Pour sa défense, Curtis Reseda, le skipper incriminé dans cette affaire, avance qu’un autre speedboat était passé dans cette zone de baignade juste avant lui et que c’est cette embarcation qui serait responsable de l’accident. Mais Andy Zhuel affirme le contraire. «Je sais ce que j’ai vu. Il n’y avait pas d’autre bateau dans cette zone. Je ne peux pas mentir sur une affaire aussi importante. Il s’agit de la vie de deux personnes.»

 

Reddy Lutchmoodoo, superviseur de la NCG: «Notre équipe a réagi rapidement»

 

Il estime que son équipe a réagi rapidement. «Un de nos bateaux était déjà en mer et à 15h42, il était sur place», explique Reddy Lutchmoodoo, superviseur de la National Coast Guard (NCG). «Nous avons eu l’aide du skipper Gerald Paynee pour ramener les corps. Ensuite, nous avons transporté les deux touristes à l’hôpital de Flacq où leur décès a été constaté.» Depuis cet accident, des équipes de sauveteurs montent la garde sur les plages de la région Est. «Nous voulons parer à toute éventualité. Cette équipe de sauveteurs est composée des membres de la NCG et de ceux de la Special Mobile Force.»

 

 

Gerald Paynee, Boat Manager : «Il a fallu beaucoup de courage pour ramener les corps»

 

Impossible pour lui d’enlever les images de cet accident de sa tête. Il est le premier à être arrivé sur les lieux après l’accident. «J’ai entendu l’appel radio du skipper Zhuel et en moins de cinq minutes, j’étais sur place», témoigne Gerald Paynee. Il s’est alors jeté à l’eau pour ramener les corps. «Il fallait faire vite pour empêcher que le courant ne les emporte. Mais la scène était horrible. Quelques minutes plus tard, des officiers de la National Coast Guard sont arrivés. Il a fallu beaucoup de courage pour sortir les corps de l’eau. Nous les avons ensuite placés sur mon bateau pour les ramener à terre.»

 

Suspension des activités nautiques à Belle-Mare

 

La Mauritius Tourism Authority a jugé nécessaire, le vendredi 27 février, de suspendre toute activité nautique dans le lagon de Belle-Mare. Et ce, jusqu’à nouvel ordre. Pour Xavier-Luc Duval, ministre du Tourisme, cette mesure vise à redéfinir les zones de baignade et de plongée dans cette partie du lagon. «On veut avant tout assurer la sécurité des baigneurs et veiller à ce que de tels drames ne se répètent plus.» Dans un futur proche, d’autres parties du lagon devraient être concernées par cette décision. 

 

Textes : Christophe Karghoo, Laura Samoisy et Laura Michelotti