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Un bébé de quatre mois abandonné dans la rue | Sa mère Anastasia Iranah : «Je regrette amèrement mon geste»

Elle reconnaît avoir fait une erreur en abandonnant sa petite fille devant la porte du père de celle-ci, qui aurait démissionné de ses responsabilités trois mois seulement après l’arrivée du bébé au monde. Des regrets plein le cœur, Anastasia Iranah veut réparer sa faute et aimerait que son enfant, qui a été pris en charge par la CDU, lui soit rendu.

Elle aurait souhaité pouvoir changer le cours des choses. Hélas, c’est impossible. Elle a fait un acte qu’elle n’arrêtera pas de regretter de sitôt. Mais sous le coup de la colère, Anastasia Iranah, 23 ans, a craqué. Aujourd’hui, elle s’en veut terriblement d’avoir laissé ce sentiment dicter son geste le matin du dimanche 18 décembre. Ce jour-là, impuissante et désespérée face à sa situation de mère célibataire sans emploi, elle a abandonné son bébé de quatre mois seulement devant le seuil de la porte du père de l’enfant. Selon la jeune femme, celui-ci aurait arrêté de s’occuper de son enfant trois mois après sa naissance et ne l’aiderait plus financièrement.

 

Après avoir laissé la petite dans cette petite ruelle située en face du cimetière de Cassis, Anastasia a regagné son domicile à Cité Borstal. C’est un habitant de Cassis qui a découvert la fillette allongée dans la rue, vêtue d’une robe rouge, avec un singe appartenant à un membre de la famille de son père se tenant à ses côtés, comme pour veiller sur elle. Une incroyable histoire qui a choqué et ému bien des Mauriciens. Beaucoup ne comprennent pas comment une mère peut laisser son bébé ainsi dans la rue, exposé à tous les dangers.

 

Anastasia, elle-même, dit ne pas comprendre comment elle en est arrivée là. En tout cas, elle semble beaucoup s’en vouloir d’avoir fait ce qu’elle a fait. «Je regrette amèrement d’avoir laissé ma petite fille dans la rue. J’ai agi dans un moment de colère. Je demande aux gens qui me critiquent de ne pas me juger car ils ne connaissent pas ma situation. Mais je reconnais avoir eu tort en agissant de la sorte», confie-t-elle, abasourdie par toute cette affaire.

 

La jeune femme nous raconte les circonstances qui l’ont conduite à quitter son enfant dans la rue. Ce matin-là, explique Anastasia, le père de la petite était venu voir celle-ci chez elle, à Cité Borstal. «Une bagarre a éclaté entre nous car je lui reprochais de ne pas s’occuper de la petite. Il ne nous aidait plus financièrement depuis plus d’un mois. Il s’est mis en colère et a démarré sa voiture en trombe. Peu après, j’ai pris l’autobus avec ma fille pour me rendre chez lui. Je voulais lui laisser la petite pour qu’il s’en occupe et voir comment il allait se débrouiller. Mais il a refusé d’ouvrir la porte. C’est à ce moment-là que j’ai déposé l’enfant devant sa porte.»

 

Depuis, l’existence d’Anastasia a pris une tournure qu’elle n’avait pas vu venir et qu’elle ne sait pas gérer. Arrêtée par la police le jour même pour avoir abandonné son enfant, puis libérée sur parole, elle a été présentée en Cour le lendemain, soit le lundi 19 décembre. Elle a ensuite dû payer une caution de Rs 3 300 pour retrouver la liberté conditionnelle. La petite a, pour sa part, été prise en charge par la Child Development Unit et admise à l’hôpital Jeetoo. À sa sortie, elle sera placée dans un abri pour enfants en détresse en attendant que la Cour décide de son sort.

 

«Je veux récupérer mon enfant»

 

Anastasia, elle, veut absolument récupérer son bébé et se dit prête à tout pour y arriver. «Ce que j’ai fait me poursuivra toute ma vie. Mais je veux récupérer mon enfant. Je ne veux pas qu’elle grandisse dans un foyer», lâche-t-elle, au bord des larmes. Même si elle ne sait pas trop comment subvenir à tous les besoins de son bébé et de son aîné, âgé de 3 ans.

 

Anastasia, rencontrée chez elle à Cité Borstal le mercredi 21 décembre, est une jeune femme fragilisée et sans repère. Issue d’un milieu modeste, elle est la troisième d’une fratrie de quatre enfants et a mis fin à ses études très jeune, à 14 ans. Sans diplôme et passionnée par la coiffure, elle devient une autodidacte de la pose de tresses africaines et décroche de temps à autre une petite journée de travail dans un salon de coiffure. Ce qui est loin de suffire pour se construire un avenir et même pour le minimum dont elle a besoin pour vivre. 

 

«Puis, j’ai rencontré un homme. On s’est fréquentés pendant quelque temps avant de s’installer ensemble. Nous avons eu un fils qui a aujourd’hui 3 ans. Mais notre relation n’a pas duré car il me frappait. Je l’ai quitté et je suis retournée vivre chez ma mère. Depuis, mon fils n’a vu son père qu’une seule fois, le jour de son premier anniversaire. Nous n’avons plus du tout de ses nouvelles», raconte Anastasia. 

 

Comme elle est incapable d’assurer l’avenir de son fils, c’est sa mère Marie Louise Allas, âgée de 58 ans, qui s’en charge. Celle-ci trime du matin au soir dans un atelier qui fabrique des bâches de protection pour y arriver. Mais elle avoue être dépassée par la situation. Car elle ne s’occupe pas seulement de son petit-fils et d’elle-même. «Je m’occupe aussi de ma fille et de la petite dernière de la famille. C’est Noël et ma fille n’a pas un sou en poche pour acheter ne serait-ce qu’un petit cadeau pour ses deux enfants», souligne Marie Louise, la voix emplie de chagrin. 

 

Elle ne pourra pas le faire non plus d’ailleurs. Car le budget prévu pour les cadeaux des petits a été utilisé pour payer la caution d’Anastasia. «Mon petit-fils voulait une bicyclette. Je lui en ai promis une. Hélas, après avoir payé la caution de ma fille, je n’ai plus d’argent pour acheter sa bicyclette (NdlR : le nécessaire a été fait à ce niveau). Pour le Nouvel an, je vais essayer de lui acheter des vêtements», déclare cette grand-mère qui n’en peut plus de toute cette tristesse en cette période de fin d’année. En l’absence de sa petite-fille qui est à l’hôpital, Marie-Louise n’a pas le cœur à faire la fête, d’autant qu’elle ne sait pas ce qu’il adviendra de cet enfant dont l’avenir est incertain depuis le dimanche 18 décembre.

 

Le père de l’enfant, Stéphane Youcouable, 23 ans, veut lui aussi la garde de l’enfant. «J’aimerais qu’elle vive à mes côtés, elle sera en sécurité», affirme-t-il. Il ne cesse de s’indigner de la manière dont sa fille a été livrée à elle-même dans la rue. «C’est un petit être sans défense. Rien n’excuse le comportement de sa mère. Nous n’avons plus aucune relation.»

 

Quoi qu’il en soit, ce Noël, la petite ne sera aux côtés de ni l’un ni l’autre de ses parents.

 


 

Un haut cadre du ministère de la Protection des enfants : «C’est la Cour qui décidera si l’enfant sera remis à sa mère ou pas»

 

Lorsqu’un bébé est abandonné par ses parents, c’est l’État qui se charge de la protection du petit. Tout comme c’est actuellement le cas concernant la fillette de quatre mois, livrée à elle-même dans les rues par sa mère Anastasia Iranah. «Il ne suffit pas de dire qu’on regrette pour pouvoir récupérer l’enfant», explique un haut cadre du ministère de l’Égalité du genre et de la Protection des enfants. Notre source avance que dès que l’abandon d’un enfant est signalé, la Cour émet un Emergency Protection Order en faveur de celui-ci et qu’il est ensuite placé sous la responsabilité de l’État. «Et si la maman veut récupérer son enfant, elle doit faire une demande auprès de la Cour qui va prendre une décision. La CDU, pour sa part, sera sollicitée pour faire une enquête sociale sur la condition de la personne qui réclame la garde. Pour voir si elle peut assumer les responsabilités de l’enfant et subvenir à ses besoins.»