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Trois jeunes périssent noyés à Montagne-Jacquot : La terrible souffrance des familles

 Le grand-père de Fanny Muddaththir raconte que ce dernier est traumatisé par ce qu’il a vécu.

Les proches de Suhail Rackloo, Wasim Oderuth et Shahan Jurawon n’ont plus l’espoir de les retrouver vivants, ils veulent juste qu’on retrouve leur corps afin de leur offrir de dignes funérailles. Ils nous racontent leur détresse. Le rescapé Muddaththir Fanny, lui, se remet de ses émotions à l’hôpital, entouré de sa famille.

Il esquisse un sourire. Puis son expression redevient sombre. Le cœur n’y est pas. Assis sur son lit à l’hôpital Jeetoo, entouré d’innombrables proches et amis, Muddaththir Fanny, 18 ans, essaie de se remettre de la terrible tragédie qu’il vit depuis quelques jours. Depuis ce mercredi 8 février où ses trois meilleurs amis ont disparu dans les flots à Montagne-Jacquot, Pointe-aux-Sables, pendant que lui se débattait avec les vagues pour finalement arriver à atteindre la terre ferme. 

 

Parveen, la mère de Muddaththir, retient difficilement ses larmes à chaque fois qu’elle pose les yeux sur son fils, consciente que ce dernier aurait pu y laisser la vie. Si le jeune homme se remet lentement mais sûrement des séquelles physiques que lui aura infligé cet épisode cauchemardesque, sa famille s’inquiète de sa capacité à surmonter émotionnellement cette expérience traumatisante.

 

Conscient de la difficulté qu’éprouve Muddaththir à revenir sur la chronologie des événements de ce mercredi noir, son grand-père maternel, Gorah Binath, se montre très protecteur et refuse qu’on lui fasse revivre ces moments atroces. «Les médecins nous l’ont vivement déconseillé. Il nous a fallu, tant que possible, éviter de parler de ce qui s’était passé mercredi ou lui dire que ses amis avaient disparu. Malgré cela, il s’en est rendu compte par lui-même», confie Gorah Binath, submergé par l’émotion.

 

Et les derniers moments vécus avec ses amis d’enfance, ses frères de cœur, resteront à jamais gravés dans son esprit. Muddaththir Fanny, 18 ans, fils d’un sergent de police, ex-élève du collège Abdul Razack Mohamed, vient d’obtenir ses résultats du Higher School Certificate (HSC) et rêve de travailler sur des bateaux de croisière. Mais en attendant de commencer ses cours de formation, il traîne avec ses amis Suhail Rackloo, Wasim Oderuth et Shahan Jurawon, 18 ans également, et qui viennent de finir leurs classes au collège Abdul Razack Mohamed, avec leur HSC en poche. 

 

Férus d’aventure, ils se rendent à Montagne-Jacquot, en ce mercredi, pour admirer les vagues. Ce, sans prévenir leurs proches. Ne voulant se contenter de regarder la vue spectaculaire qui s’offre à leurs yeux de la falaise, les quatre amis descendent jusqu’en bas pour mieux contempler la mer démontée. Alors qu’ils se tiennent sur les rochers glissants, une immense vague les submerge et les projette dans l’eau. 

 

Pendant plus d’une heure, ils luttent de toutes leurs forces afin de regagner la terre ferme. Muddaththir Fanny sera le seul à y parvenir. Pendant que ses amis implorent qu’on les sorte de là, il enfourche sa moto et se précipite au poste de police le plus proche pour trouver de l’aide. Malheureusement, déplore-t-il, il aura fallu du temps pour que des officiers suffisamment équipés arrivent sur place. 

 

Malgré la mobilisation des éléments de la National Coast Guard, du Groupement d’intervention de la police mauricienne et de l’escadron d’hélicoptères de la police, les trois autres jeunes n’ont pu être sauvés. À l’heure où nous mettions sous presse, seul le corps de Shahan Jurawon avait été repêché. Les recherches se poursuivent. 

 

Avec la disparition de ses amis, ce n’est pas seulement Muddaththir qui est affecté mais toute la famille Fanny. «Les amis de mon petit-fils venaient souvent à la maison. Ils étaient également présents à chaque sortie familiale. Je suis content que mon petit-fils soit en vie mais j’ai l’impression d’en avoir perdu trois autres», regrette Gorah Binath. Les quatre familles sont tellement proches que les Fanny hébergent actuellement la mère de Suhail Rackloo en attendant que sa fille et son époux, qui sont à l’étranger, rentrent au pays. «Elle vivait seule avec son fils», précise un cousin de Suhail qui participe activement aux recherches.

 

Plus d’espoir 

 

Nazima Rackloo s’est effondrée dès qu’elle a appris que son fils avait disparu sous les flots. Jeudi, elle était à Montagne-Jacquot pour suivre les recherches, tout en étant consciente qu’il y a peu de chances qu’on le retrouve vivant. Elle a confié à une proche qu’elle n’a plus d’espoir qu’on retrouve son fils unique en vie mais qu’elle veut lui organiser les obsèques qu’il mérite. «Nou esper o mwin ki retrouv so lekor», souligne le cousin du jeune homme.  

 

Suhail Rackloo rêvait d’une carrière dans la comptabilité. «Il avait obtenu d’excellents résultats au HSC et comptait poursuivre ses études tertiaires à l’ACCA.» «Très intelligent et débrouillard», il avait tout pour réussir. Mais le destin, cruel, en a voulu autrement. 

 

Shahan Jurawon ne pourra pas non plus aller au bout de ses ambitions et réaliser ses rêves. Il est parti trop tôt lui aussi et laisse derrière lui des proches abasourdis par le chagrin. Son père Naushad est soutenu par ses voisins dans cette épreuve difficile. Ces derniers l’ont accompagné jusqu’à Montagne-Jacquot, jeudi, pour participer aux recherches et être les premiers au courant au cas où des développements seraient à signaler. «Shahan me disait toujours où il allait, dit Naushad Jurawon.Mercredi, il n’était pas censé être à cet endroit. Je l’avais eu au téléphone vers 15h30 et il m’avait dit qu’il allait déposer sa petite sœur avant d’aller chez le coiffeur.»

 

Shahan faisait la fierté de son père. Après avoir brillamment réussi ses examens du HSC, il prévoyait de s’inscrire à l’université de Maurice. «Depuis son plus jeune âge, il nous a toujours ramené de bons résultats.Il avait un avenir assuré mais le malheur a frappé. Un fils est supposé enterrer son père mais c’est l’inverse qui se produit», confie Naushad. 

 

Son fils, poursuit-il, était son bras droit.«Il était tout pour moi.» Il aimait aussi beaucoup les amis de Shahan. «Ce sont des jeunes hommes exemplaires. Ils aimaient s’amuser, aller à la mer, escalader les montagnes ou aller à la gym.» Aujourd’hui, Naushad ne veut qu’une chose : que les sauveteurs parviennent à récupérer le corps de Shahan pour qu’il puisse l’enterrer et entamer son deuil. 

 

C’est aussi le souhait de la famille de Wasim Oderuth. Ses proches ne pensent pas non plus qu’il a pu survivre à ce drame.«Nous voulons juste que son corps nous soit remis pour que sa mère soit tranquille», déclare Nahir, l’un des oncles du jeune homme. Si ses cousins et ses oncles s’étaient rendus à Montagne-Jacquot pour apporter leur aide aux sauveteurs, sa mère a, elle, préféré rester à la maison. «Elle n’est pas en mesure de quitter la maison. Elle est vraiment perturbée par ce qui s’est passé», indique l’oncle. Le père du jeune homme, qui était en déplacement à Madagascar pour le travail, devrait rentrer dans les jours qui viennent. Son père étant souvent absent, le jeune homme, fils unique, était un pilier pour sa maman et ses deux sœurs. Un jeune tant aimé qui s’en est allé avec deux de ses amis. Laissant des proches dans une détresse insurmontable… 

 


 

Les recherches se poursuivent

 

Depuis mercredi soir, les éléments de laNational Coast Guard, du Groupement d’intervention de la police mauricienne et l’escadron d’hélicoptères de la police mettent les bouchées doubles afin de retrouver les trois jeunes hommes ayant été emportés par la forte houle à Montagne-Jacquot. Vers 16h30, jeudi, un corps a été repêché. Si dans un premier temps, Naushad Jurawon l’a identifié comme étant celui de son fils Shahan, l’homme s’est finalement rétracté. Tout laisse croire qu’il s’agirait du corps de Wasim Oderuth. La police attend cependant les résultats des tests ADN pour communiquer les résultats définitifs. Entre-temps, les recherches se poursuivent à Montagne-Jacquot afin de retrouver les deux autres corps.