• Étoile d’Espérance : 26 ans d’engagement, de combat et d’espoir
  • Arrêté après l’agression d’un taximan : Iscoty Cledy Malbrook avoue cinq autres cas de vol
  • Golf : un tournoi caritatif au MGC
  • Le groupe PLL : il était une fois un tube nommé… «Maya L’Abeille»
  • Nilesh Mangrabala, 16 ans, septième victime de l’incendie du kanwar à Arsenal - Un rescapé : «Se enn insidan ki pou toultan grave dan nou leker»
  • Hippisme – Ouverture de la grande piste : les Sewdyal font bonne impression
  • Sept kendokas en formation à la Réunion
  • Plusieurs noyades et disparitions en mer : des familles entre chagrin et espoir
  • Mobilisation du 1er Mai : la dernière ligne droite avant le grand rendez-vous
  • Le PMSD secoué : démissions, rumeurs et confusion…

Trafic de cadavres allégué

Giandev Ghoojooa, ici avec son épouse Sudevi, n’a pas grandi avec sa sœur Jagwantee.

Giandev Ghoojooa n’aurait jamais imaginé que la dépouille de sa sœur serait retrouvée au SSR Medical College des années après son décès. Il ne s’attendait pas, non plus, à se retrouver au cœur d’une affaire qui bouleverse l’île.

Des nuages assombrissent leur soleil. Et de grosses gouttes de pluie s’écrasent contre leur bonheur. À Bois-Chéri, le temps est pluvieux et froid en cette matinée de fin d’été. Il y a quelques heures, la famille Ghoojooa a appris que le corps d’un des siens avait été retrouvé au SSR Medical College de Belle-Rive. Plusieurs cadavres conservés dans du formol ont été découverts dans cet établissement tertiaire suite à une descente de la police. Quatre d’entre eux, dont celui de  Jagwantee Ghoojooa, provenaient du Krishnanand Seva Ashram, dirigé par le Human Service Trust, et seraient des unclaimed bodies, selon le directeur de l’établissement, Premchand Boojhawon. Les autres viendraient d’autres établissements.

Désormais appelée «l’affaire du trafic de cadavres», ces transferts de corps de personnes décédées, qui auraient été utilisés pour les études pratiques des étudiants en médecine, ont choqué cette semaine. C’est suite à une lettre anonyme adressée aux autorités que le Central Criminal Investigation Department a initié une enquête menant aux interrogatoires des responsables de l’établissement tertiaire et de l’ashram, cette semaine. Le ministère de la Santé a, lui aussi, initié une enquête afin d’éclaircir les circonstances de ces transferts car les corps auraient dû, logiquement, transiter par les hôpitaux de l’île.

En ce début de matinée, chez les Ghoojooa, l’heure est au grand ménage. Dans quelques jours aura lieu le mariage de leur fille Lutchmee. Un événement important que la famille prépare depuis des mois. «Malgré les circonstances, c’est impossible que nous annulions les festivités marquant cette union», confie Giandev, le frère de Jagwantee. Néanmoins, il souhaite offrir des obsèques à celle qu’il a très peu connue : «Elle est de mon sang. Et je souhaite lui offrir de dignes funérailles. Elle y a droit.» Il l’aurait fait, dit-il, au moment de son décès s’il avait été contacté par l’ashram. Après tout, la famille c’est la famille, explique-t-il : «Nous n’avons pas grandi ensemble. Mais c’était ma sœur.»

Son fils Oomesh se rappelle vaguement de sa tante : «Je devais être en CPE quand elle a quitté Bois-Chéri.» Il se souvient qu’il y a quelques années, la famille avait appris que Jagwantee était décédée. Néanmoins, il n’y avait rien d’officiel : «Nous avions entendu dire qu’elle était morte. Mais l’ashram où elle résidait ne nous a jamais contactés. Nous ne savions pas exactement où elle se trouvait de toute façon. Nous pensions que cet établissement avait pris les dispositions nécessaires.» Jamais les Ghoojooa n’auraient pensé qu’une des leurs faisait partie des cadavres retrouvés au SSR Medical College : «C’était un véritable choc pour nous tous. Ce sont les journalistes qui nous ont appris la nouvelle. Si vous avez pu nous retrouver, comment se fait-il que l’ashram n’ait pas pu prendre contact avec nous ? Nous nous posons des questions.»

De Jagwantee, Giandev conserve des souvenirs épars : «Je vivais avec mes parents à Mahébourg. Elle, elle était chez une tante à Bois-Chéri.» Une décision dont il ne connaît pas la raison, dit-il. Il n’a aucun souvenir d’enfance avec sa sœur. Leurs vies ne se sont jamais entremêlées. Juste frôlées de temps en temps. C’est quand il a déménagé pour Bois-Chéri qu’il lui est arrivé de la croiser. Mais pas souvent. Selon son fils, celle qui ne s’est jamais mariée ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales : «Elle était unsound of mind. Quand notre tante est décédée, elle est partie travailler avec une couturière chez qui elle habitait également.» Après quelques années, les Ghoojooa apprennent que Jagwantee a été placée dans un home car elle avait des problèmes de santé.

À partir de là, l’infime lien qui les relie s’efface. Et le temps qui passe n’arrange pas les choses. Néanmoins, au-delà de la distance et de l’absence, les liens familiaux, eux, ne disparaissent pas. Giandev n’a jamais envisagé que sa sœur serait un jour un unclaimed body et serait utilisée pour des cours d’anatomie. «Nous sommes tristes de ce qui lui est arrivé. Heureusement qu’elle n’a pas souffert avant sa mort. C’est après que le mal a été fait», explique Giandev qui est le benjamin d’une fratrie de trois frères et d’une sœur. Après le mariage de sa fille, il compte s’occuper de sa sœur. Lui rendre un dernier hommage. Lui faire comprendre que, malgré tout, sa famille ne l’oublie pas. Afin qu’elle repose enfin en paix…

 


La morgue du SSR Medical College sous scellés

 

Depuis que toute cette affaire a éclaté, la morgue du SSR Medical College, située à Belle-Rive, a été mise sous scellés. À vendredi, des policiers se relayaient pour monter la garde au sein de cet établissement. Par ailleurs, le Central Criminal Investigation Department mène son enquête pour savoir si des cadavres ont été vendus au SSR Medical College, d’autant que certaines données concernant les cadavres qui ont transité en ces lieux ont disparu mystérieusement depuis que cette affaire a éclaté. Interrogés, les responsables du SSR Medical College et de l’ashram de Calebasses ont assuré avoir suivi toutes les procédures nécessaires pour le transfert des cadavres de la maison de retraite à l’école.

 


Ce sera au Parlement

L’affaire du «trafic» de cadavres… en question. Ce sera le cas à l’Assemblée nationale, ce mardi 15 avril. Et c’est Satish Boolell, député du Remake 2000, qui interrogera le Premier ministre. Il demandera à Navin Ramgoolam des précisions sur les points suivants : (1) que deviennent les corps des personnes décédées dans les hospices pour personnes âgées, (2) si une enquête est faite par la police à chaque décès et (3) si le Civil Status Office a été informé de cette affaire et quelles mesures ont été prises.

 


La Sanatan Holistic Vidya Academy monte au créneau

Ils ont décidé de réagir ! En fin de semaine, des membres de la Sanatan Holistic Vidiya Academy ont tenu un point de presse pour commenter les transferts allégués de cadavres. Selon le porte-parole de ce mouvement religieux, Sunkur Jugagasing, ces agissements démontrent «que nous vivons dans une société barbare où les vivants et les morts ne sont pas respectés». Il a demandé la révocation de tous ceux impliqués «dans des actes de profanation et qui ne respectent pas les morts».

 


Sheila Bappoo : «Il faut respecter la loi»

La ministre de la Sécurité sociale n’est pas contente. «Une chose pareille n’est pas possible. Surtout sans informer le ministère. C’est impensable que chacun fasse sa propre loi. Il y a une législation et il faut la respecter», soutient Sheila Bappoo. Elle a décidé de prendre des mesures : «Nous allons faire circuler un communiqué à l’attention des directeurs des maisons de retraite et autres institutions charitables pour leur expliquer comment disposer d’un corps. Il y a une procédure à respecter.» La ministre de la Sécurité sociale va également effectuer des descentes dans ces institutions afin de s’assurer que tout va bien pour les résidents.


Que faire des corps non réclamés ?

Comment des corps de personnes décédées se sont retrouvés au SSR Medical College ? En cas de décès et de non réclamation du corps d’une personne en maison de retraite, la procédure normale indique qu’il doit être déposé dans un hôpital et enregistré par le ministère de la Santé qui est appelé à prendre les dispositions nécessaires. Selon la Public Health Act de 2000, si un cadavre n’a pas été réclamé au bout de six mois, c’est au secrétaire permanent du ministère de la Santé de faire une demande en prêtant serment devant un magistrat afin d’obtenir la permission de le remettre à une institution.

Si Premchand Boojhawon donne des éclaircissements (voir texte ci-contre), au SSR Medical College, on s’est muré dans le silence. Nous avons vainement tenté d’obtenir la version des faits de ses responsables. À leur demande, nous avons envoyé un courriel au directeur, M. Singh, concernant l’accord entre les deux parties, les procédures mises en place, entre autres. Nos questions sont restées sans réponse.

 


Premchand Boojhawon, directeur du Krishnanand Seva Ashram : «Nous n’avons jamais vendu de cadavres»

 

Selon le directeur du Krishnanand Seva Ashram, il n’a jamais été question de vente de cadavres avec le SSR Medical College. «Nous n’avons jamais vendu de cadavres à cet établissement. Il s’agit d’un accord entre notre institution et ce collège, dans le but d’aider les élèves en médecine à accomplir leur rêve. Nous n’avons fait qu’aider. Sans plus. Lorsqu’un pensionnaire meurt chez nous, on remet son corps à sa famille si jamais la personne n’était pas délaissée par ses proches. Au cas contraire, on envoie le corps à la morgue de l’hôpital de Pamplemousses. Si personne ne le réclame, à ce moment-là, on fait le nécessaire auprès du Civil Status Office pour avoir un burial permit», explique Premchand Boojhawon. Concernant les cadavres transportés au SSR Medical College, Premchand Boojhawon avance que le premier qui a été transporté là-bas remonte à 2001 et le dernier à mai 2007. «Depuis que j’ai pris le poste de directeur du centre, aucun corps n’a été transféré au SSR Medical college. Toutefois, je sais que seulement sept cadavres ont été envoyés là-bas», précise-t-il.