• Coupe du Monde WSKF : une présélection établie
  • 46e édition du Nando's Open Water Swim le 28 avril
  • Boxe thaï : première édition de «La Nuit des Nak Muay»
  • Badminton : les Internationaux de Maurice à Côte-d’Or
  • Trois univers artistiques à découvrir
  • Handicap et vie professionnelle : un pas de plus vers l’inclusion
  • Mayotte au rythme des crises
  • Une rare éclipse totale traverse l’Amérique du Nord : des Mauriciens au coeur d’un événement céleste spectaculaire 
  • World Thinking Day : les guides et la santé mentale
  • Mama Jaz - Sumrrà : prendre des risques musicaux avec le jazz

Tania Diolle : «Le droit de vote à 16 ans peut être pertinent pour des élections municipales ou villageoises»

Avec les questions sur la réforme électorale, l’abaissement de l’âge de vote de 18 à 16 ans a été évoqué. Cela pourrait-il être envisagé à Maurice ? Parole à Tania Diolle, chargée de cours en sciences politiques à l’université de Maurice.

Dans le cadre de la réforme électorale, il est question de l’abaissement de l’âge de vote de 18 à 16 ans. Qu’en pensez-vous ?

 

C’est une proposition intéressante mais je ne vois pas comment ça peut être central au débat. Le plus important dans une reforme électorale aujourd’hui est d’assurer une représentation juste. Je parle notamment d’une meilleure représentation des idées politiques qui circulent dans notre société et non du principe erroné de la représentation communale qui a pris des proportions démesurées.

 

Le droit de vote à 16 ans peut être pertinent pour des élections municipales ou villageoises mais pas encore pour des élections générales. L’extension du droit de vote s’est faite au fil du temps pour répondre à la demande de groupes exclus du processus de décisions. Des décisions qui affectaient directement leur vie. Par exemple, les travailleurs engagés qui voulaient un représentant des travailleurs au conseil du gouvernement pour influencer les politiques de l’emploi ou même de la redistribution des richesses.

 

Il serait peut-être plus juste de commencer par inciter les jeunes de 16 ans à participer à la prise de décisions dans leur localité respective et ainsi les introduire à une nouvelle culture politique. Il ne faut pas oublier que notre système éducatif fait très peu pour l’éducation du citoyen et le droit de vote à 16 ans peut assurer que notre culture démocratique perdure. Ce serait une belle façon de faire son apprentissage politique, d’assurer une relève politique systématique et un renouvellement constant de la classe politique.

 

À 16 ans, détient-on suffisamment de capacités réflexives pour exercer ce droit ?

 

Nous ne sommes plus au temps où il fallait être doté de grandes capacités intellectuelles pour faire de la politique. D’ailleurs, ce genre de raisonnement va à l’encontre du principe de la démocratie. Les grands penseurs politiques classiques étaient contre la démocratie comme forme de gouvernement et voulaient éviter que des gens pas aptes à prendre des décisions puissent influencer la vie collective. Donc, me poser cette question, c’est remettre en question le principe même de la démocratie.

 

Il existe d’autres formes de gouvernement où un petit groupe de personnes qui sont perçues comme ayant des capacités intellectuelles supérieures prennent toutes les décisions. Dans la République de Maurice, l’article 1 de la Constitution assure que nous fonctionnons dans un système démocratique. Donc, jusqu’à ce qu’il y ait un amendement de cet article, la question des capacités intellectuelles ne se pose pas.

 

Le droit de vote a été attribué à des groupes de personnes qui se sentaient directement affectées par les décisions politiques et qui voulaient y contribuer. À Maurice, j’ai l’impression qu’à 16 ans, on n’est pas encore bien impliqué dans la vie économique et sociale. La plupart des jeunes de cet âge sont en formation, même si c’est vrai qu’il y a une minorité qui travaille déjà. Donc je ne pense pas que la question se pose ou que la demande existe mais je peux me tromper.

 

Pour certains, il faut réconcilier la jeunesse avec la politique en lui permettant d’exercer plus tôt son devoir de citoyen. Quel est votre avis ?

 

Oui ! Je pense qu’on devrait commencer par les localités. Si nous incitons les jeunes à s’engager à ce niveau, nous assurons ainsi un renouvellement politique constant et une meilleure application du concept de l’égalité des chances en politique. Je suis en faveur de donner le droit de vote et la possibilité de participer à la gestion des localités aux jeunes de 16 ans mais cela implique une reforme conséquente des collectivités locales qui sont incroyablement déconnectées des préoccupations des localités. La démocratie est une culture qui se cultive et il faut commencer tôt.

 

D’aucun affirme que cette proposition n’a pas sa raison d’être de par l’absence de maturité des jeunes de 16 ans, qui, influençables, voteraient comme leurs parents. Vous en pensez quoi ?

 

La maturité vient à force d’expérience de la vie. Je connais beaucoup de jeunes qui ont vécu plus que certaines personnes d’âge mûr. Je préfère souvent discuter avec des jeunes qu’avec des adultes aux idées arrêtées et incapables de se réinventer. La maturité vient avec l’expérience. Donner la chance aux jeunes, c’est leur permettre de développer cette maturité et d’assurer que les décisions ne soient pas déconnectées de leurs préoccupations. Les dérives totalitaires arrivent souvent parce que la classe politique est déconnectée des préoccupations de ceux qui ont le pouvoir du vote.

 

Ce genre de raisonnement est contre-productif. Il est normal qu’un jeune soit influencé par sa socialisation mais cela ne l’empêche pas d’avoir une capacité de raisonnement.

 

Pensez-vous que les autorités devraient introduire un cours de vie politique ?

 

Oui ! Il le faut. Je suis de ceux qui pensent que la démocratie est une culture qui se cultive.

 

Bio express

 

Tania Diolle, chargée de cours en sciences politiques à l’université de Maurice, est détentrice d’un BSc enSocial Science with Political Science de l’université de Maurice et d’un Master’s degree enPublic Affairsde l’Institut d’Études politiques de Paris. Elle a travaillé, entre autres, comme : Project/Communication Officer- ANPPCAN Ethiopia, Research Officer - University of Mauritius, Junior Consultant - The World Bank, Researcher - Mauritius Research Council, Political and Research Officerà l’Australian High Commission Mauritius, et Project Coordinator à Visa Mauritius.

 

Ma semaine d’actu

 

Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?

 

La mauvaise distribution de l’eau. Je suis étonnée et un peu dégoûtée. L’accès à l’eau affecte directement la qualité de vie. Beaucoup ne peuvent pas aspirer à la même chance que les autres alors que nous sommes une si petite population. Il faut remettre en question nos priorités si on n’arrive plus à répondre aux nécessités de base de la population.

 

Et sur le plan international ?

 

La Slovénie est le premier pays européen à avoir constitutionalisé l’accès à l’eau comme un droit. Il est temps de comprendre la pertinence de ce genre de politique chez nous. Ils l’ont fait pour protéger l’accès à l’eau d’une commercialisation outrancière.