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Sheila Bappoo : «Dans une île Maurice moderne, il n’y a pas de place pour des hommes barbares»

Un nouveau cas de violence envers la femme. Une nouvelle victime qui s’ajoute à la longue liste existante. Le visage tuméfié de Yashna Joygobin, enceinte et battue par son époux, a choqué plus d’un. L’ex-ministre de l’Egalité du genre, Sheila Bappoo, nous donne son avis sur ce fléau qui continue à gagner du terrain.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez pris connaissance de l’histoire de Yashna Joygobin, enceinte et sauvagement agressée par son époux ?

 

Je frisonne rien qu’en me remémorant la photo de cette femme avec son visage tuméfié et en parlant de cela. C’est de la barbarie. J’ai lu l’histoire de cette jeune femme sur un quotidien du matin. J’ai été choquée quand j’ai vu cette photo. Mon mari était à côté de moi et on prenait notre petit déjeuner. On était sans voix. Cela faisait peur. Bizin enn dimounn pena disan dan so lekor pou li dir ki linn pann resanti nanye en voyant cette photo et surtout en apprenant ce qui s’est passé. J’ai lu et je me suis dit que ce n’était pas possible qu’une telle chose se soit passée dans notre île Maurice moderne. Comment un époux peut-il battre et ligoter la femme qui porte son enfant ? J’ai même compris qu’il voulait la tuer et la jeter à La Nicolière. C’est horrible ! Il faut être un bourreau pour agir de la sorte.Kot nou pe ale ?

 

Justement, campagne après campagne, on voit toujours des actes qui choquent autant. Qu’est-ce qui ne marche pas selon vous ?

 

Les autorités et la société civile doivent s’activer pour trouver des solutions.  On voit trop d’images choquantes comme celle d’Urvashi avec son visage blessé. De 1983 à 1995, j’étais ministre des Droits de la femme. Durant ces années, la violence domestique était au cœur des grandes conférences internationales. On en parlait, on vulgarisait le sujet et on cherchait des solutions pour combattre cela parce que c’est un mal qui ronge la société depuis longtemps. Dans les années 80, puis en 2010 et 2011, quand j’étais au ministère de l’Égalité du genre, il y avait des campagnes et il y en a toujours d’ailleurs. Je ne peux pas être de mauvaise foi. Il y a un travail qui est fait mais à mon avis, cela ne doit pas être des campagnes temporaires. Il faut une campagne non-stop qui est présente partout et qui a la collaboration de tous : du ministère, du secteur public, du privé… Bref, de tous les Mauriciens pour en finir avec ces bourreaux qui martyrisent leurs femmes. Quelle image cela donne de notre petite île ?

 

Une campagne non-stop solutionnerait donc le problème ?

 

Je le redis : la sensibilisation et l’éducation doivent être non-stop et agressives. Certes, on est venus avec le Domestic Violence Act. Les ONG et les autorités travaillent pour faire reculer ce fléau. Tout n’est pas réglé en renforçant une loi. Il y a aussi des lacunes. Les lois sont faites pour être amendées, changées et consolidées. Il faut toujours les revoir : se demander si les peines sont assez sévères et dissuasives. Comme les agressions persistent, il y a de quoi se poser des questions. 

 

Les armes que vous aviez mises en place à l’époque ont-elles été utiles dans cette lutte ?

 

Il y avait l’école des parents et le comité regroupant tous les responsables d’organisations socioculturelles pour qu’ils puissent passer le message aux jeunes. Il y avait aussi une conscientisation autour de la nécessité d’avoir des cours de préparation au mariage, comme les cours d’éducation sexuelle dans les écoles. 

 

Parce que, selon vous, ce combat passe par les jeunes ? 

 

Tout à fait. Aujourd’hui, avec le social media, les jeunes sont exposés et informés. Il faut que les messages s’adressent aussi à eux. S’ils sont sensibilisés au problème à un jeune âge, ils comprendront très vite que la violence n’est pas une solution mais qu’au contraire, elle engendre des problèmes. Ils feront ainsi la différence entre ce qui est bon, ce qui est mauvais et les conséquences de leur acte. Outre la loi, il faut faire des surveys et observer les chiffres.

 

Qu’est-ce qu’il faudrait faire, selon vous, pour dissuader la violence domestique ?

 

Il ne faut pas parler qu’aux femmes. Il faut aussi un networking avec les hommes. Le problème de la violence domestique dans un couple se passe entre deux êtres humains. Il faudrait, à travers les syndicalistes et les ONG, créer un networking pour toucher les hommes de tous milieux. L’homme doit être partie prenante de ce combat. Certes, on incite la femme à dénoncer, à sortir de son silence, mais il faut aussi s’adresser aux hommes. On ne peut pas se dire qu’on a fait une loi et basta. Les sociétés changent. Puis, le problème de violence domestique est plus complexe : il y a la drogue, l’alcool, l’infidélité. C’est quand tous ces fléaux entrent dans une famille qu’il y a des problèmes. Pour moi, le social media peut être un outil pour faire passer des messages. Cependant, il ne faut pas mettre tous les hommes dans le même panier. Il y a heureusement des hommes responsables. Dans une île Maurice moderne, il n’y a pas de place pour des hommes barbares. 

 

Que faites-vous depuis que vous avez quitté la scène politique ?

 

J’ai des problèmes de santé. Ce qui m’a poussée à prendre ma retraite. J’ai des problèmes aux genoux et des difficultés à marcher. En 2015, j’ai profité de mon chez-moi, je suis restée tranquille à la maison. Je me suis occupée de ma famille et surtout de mes deux petits-enfants. J’aime la cuisine et je suis retournée à cette passion. Aujourd’hui, on n’est qu’à deux à la maison, mes enfants sont mariés. 

 

Quel est votre avis sur ce qui se passe dans le paysage politique ?

 

Je me suis bien reposée mais je me suis jetée dans la campagne au no 18 pour apporter mon aide et mon soutien à Arvin Boolell. Je l’ai fait parce que ce n’est pas possible ce qui se passe dans ce pays. Je ne peux pas rester les bras croisés. Il faut une opposition forte pour le bien-être du pays. 

 

Bio express

 

Sheila Bappoo a d’abord été membre du MMM. Elle a ensuite rejoint le MSM et le PTr. Elle a été ministre de la Sécurité sociale, de l’Egalité du genre mais aussi adjointe au maire de Beau-Bassin/Rose-Hill.