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SC-HSC : l’éducation secondaire en ébullition

D’un côté, les étudiants ne sont pas contents, les parents, les enseignants et les syndicalistes non plus, et les anciens ministres et les politiques s’insurgent. La raison : le nombre de credits qui passe de trois à cinq et la rétention des certificats pour ceux qui n’ont pas payé les frais d’examens. De l’autre, la ministre, poussée par quelques soutiens, s’obstine et est bien décidée à faire régner sa loi. Bref, dans le secteur de l’éducation, en ce moment, rien ne va plus !

La position du ministère de l’Éducation

 

Les récentes mesures annoncées par la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, ont eu l’effet d’une mini-bombe dans le milieu de l’éducation secondaire. Il y a d’abord le critère des cinq credits au School Certificate (SC), que la ministre a remis sur le tapis pour ceux qui doivent passer en Lower 6

 

Elle a ainsi décidé de renverser la mesure mise en place en 2012 par l’ancien ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree, qui avait permis aux élèves de monter en Higher School Certificate (HSC) avec seulement trois credits. Si les élèves de 2018 seront épargnés, ils devront, à partir de 2019, absolument obtenir cinq credits pour pouvoir passer à l’étape suivante. 

 

Si la ministre semble déterminée à imposer sa décision, elle se heurte cependant, depuis une semaine, à une véritable vague d’opposition bien décidée à la faire reculer. 

 

Et les «Late Developpers» alors ?

 

Pour Yahya Paraouty, président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), il s’agit là d’une mauvaise décision du ministère de l’Éducation qui mettra en péril l’avenir des jeunes. «C’est un crime.» Au cours de ces dernières années, dit-il, de nombreux élèves ayant obtenu deux ou trois credits ont pu passer en HSC, s’en sortir avec deux sujets principaux et deux subsidiaires, et avoir accès à l’université. «Ce n’est pas une fatalité que de ne pas avoir cinq credits. La ministre ne peut juger un enfant. Il y a des slow developpersqui arrivent à se rattraper plus tard. Si ce n’était pas le cas, comment expliquez-vous qu’ils ne chutent pas en HSC et qu’ils sortent de l’université avec des diplômes.» D’ailleurs, poursuit-il, ces cinq dernières années, le taux de réussite au niveau du HSC est resté plus ou moins stable. 

 

Vikash Ramdonee, président de la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), est, lui, contre cet argument. «Si vous me dites qu’un enfant a mal travaillé aux examens du Certificate of Primary Educationet qu’il se rattrape en Form 1ou Form 2, je suis d’accord qu’on le qualifie de late developper.Mais s’il n’a pas réussi à remonter la pente jusqu’en Form 5, va-t-il pouvoir le faire en Lowerou en Upper ?Il y a peu de chances que ce soit le cas.»

 

Un nivellement vers le bas ?

 

Autour de ce débat, les avis divergent. Du côté de l’association des recteurs des collèges, on soutient le ministère dans cette démarche qui est «pour le propre bien des étudiants». Les trois credits, explique Soondress Sawmynaden, président de l’association, correspondent à un «nivellement vers le bas» pour le niveau éducatif du pays. Pour lui, il est clair que les trois credits ont provoqué un relâchement chez les élèves dans leur apprentissage. «Le syllabusa changé au fil des années et il est aujourd’hui plus facile de décrocher cinq credits. De toute façon, les enfants doivent apprendre que la réussite vient à travers le travail, l’effort et la discipline.»

 

Il va même plus loin en déclarant que le nombre de chômeurs gradués auquel le pays fait face aujourd’hui n’est ni plus ni moins le résultat de la décision de Bunwaree. «Ils entrent à l’université alors qu’ils n’ont pas les qualifications de base, choisissent une matière qui correspond à cela et se retrouvent finalement sans emploi.» 

 

Vikash Ramdonee abonde dans le même sens. Pour lui, la décision de Leela Devi Dookun-Luchoomun est réfléchie et tout à fait normale. Pour ce dernier, il est plus que jamais important de mettre l’accent sur une éducation de qualité. «Il faut regarder la finalité. Ce qu’a fait Bunwaree a donné une mauvaise image au pays. Beaucoup de ceux qui n’ont obtenu que trois creditsen SC contribuent aujourd’hui au taux de chômage. Ça n’a fait jusqu’ici que du tort aux élèves et au système éducatif.» 

 

Et d’ajouter qu’il est important d’inculquer de nouveau le sens de l’effort aux jeunes et de revoir notre système éducatif. Ce dernier se demande surtout ce qui arrivera à ces étudiants qui, à la deuxième tentative, n’arrivent toujours pas à décrocher les cinq credits requis. «Il ne faut pas négliger le côté vocationnel et professionnel. Il faut valoriser ce secteur», dit-il. De plus, il est faux de dire, affirme-t-il, que les enfants issus de milieux difficiles et modestes ont plus de mal à réussir que les autres. «Vous savez combien de parlementaires, d’avocats et de médecins ont décroché des D et des E à l’école ?»

 

L’inquiétude des collèges privés

 

Ils ne sont pas rassurés. Alors que le ministère vient d’imposer la loi des cinq credits, les collèges privés se font du souci quant à leur avenir. Selon Bashir Taleb, président de la Fédération des Managers des collèges privés, ces collèges accueillent chaque année environ 7 500 candidats ayant décroché entre deux et trois credits. Une solution doit donc être trouvée pour ces derniers. «Il y aura aussi ceux qui auront quatre creditsavec un aggregatequi sera meilleur que celui qui a décroché cinq credits. Il y a donc des cas d’injustice. Il faut trouver une autre formule, comme le A Level

 

Dorine Chukowry, ancienne lord-maire de Port-Louis et rectrice du collège St Bartholomews, est elle aussi montée au créneau pour dénoncer cette nouvelle mesure. Qualifiant celle-ci de «décision bancale», elle soutient que les élèves des collèges privés viennent majoritairement de milieux modestes et qu’ils se retrouvent hors du circuit éducatif. Si Leela Devi Dookun-Luchoomun, dit-elle, ne fait pas marche arrière, elle est prête à se lancer dans une grève de la faim pour dénoncer ce qu’elle considère comme une «injustice». 

 

Les politiques s’en mêlent

 

Le premier à être monté au créneau est celui qui a lui-même instauré le système des trois credits. Pour Vasant Bunwaree, ancien ministre de l’Éducation, il est totalement faux de dire que cette mesure a causé un nivellement vers le bas. De toute façon, dit-il, une fois à l’université, ce n’est que les deux A Level demandés qui sont pris en considération. De plus, s’il concède qu’il est vrai que tous les élèves ayant eu trois credits n’ont pas réussi, beaucoup ont pu se reprendre. Steve Obeegadoo, également ancien ministre de l’Éducation et porte-parole du MMM pour le pilier éducatif, n’y est, lui aussi, pas allé de main morte. Qualifiant cette mesure de «chantage», d’«inacceptable», de «ni moral ni légal», il a accusé le gouvernement de mener «un complot au sujet des frais d’examens».

 

Il a ainsi demandé à Leela Devi Dookun-Luchoomun de revenir sur sa décision.  «L’éducation est un droit. Pour contrôler l’absentéisme, il faut prendre des mesures bien en avance, de manière claire et cohérente, avec la participation de tous les partenaires.» Les critiques n’ont pas non plus manqué du côté du PMSD. Aurore Perraud s’est élevée contre la mesure des cinq credits mais aussi contre la manière de faire du gouvernement en ce qui concerne le remboursement des frais d’examens. «Ce système est mauvais pour nos enfants. Le PMSD est pour un système inclusif qui favorise les capacités de l’enfant. Nous ne pouvons pas le pénaliser quand le système même n’est pas bon.» Le gouvernement est, dit-elle, tout simplement en train de «jouer avec l’avenir» des enfants de ce pays. 

 


 

Rétention des certificats du SC : la résistance s’organise

 

Pas de paiement = pas de certificats. La décision du ministère de l’Éducation semble être sans appel. Chez les élèves, les parents et les syndicalistes, la colère gronde. «Confisquer les certificats des élèves contre paiement est inacceptable», s’insurge Yahya Paraouty. Pour le syndicaliste, il s’agit d’une décision sans fondement, qui met en péril l’avenir du principal concerné. «À la base, nous n’étions déjà pas d’accord avec cette décision. Maintenant, ils ne veulent pas remettre les certificats ? C’est la propriété de l’élève. Les parents ont pris l’engagement de payer et ne l’ont pas fait, d’accord. Que le ministère les poursuivent pour cela mais il n’est pas question d’hypothéquer l’avenir de ces jeunes alors que les inscriptions pour l’université commencent.» 

 

L’UPSEE envisage de lancer une injonction ou un judicial review, demain. Il veut aussi mettre sur pied une plateforme avec d’autres syndicats et ONG pour contester et renverser la décision du ministère de l’Éducation. Une plainte à la Human Rights Commission est également envisagée. 

 

D’autres, comme Soondress Sawmynaden, contestent le fait qu’aucune correspondance du ministère ne faisait mention de cette condition. Selon lui, le formulaire signé par les parents faisait uniquement état de leur engagement de rembourser les frais d’examens. Déplorant la façon de faire de la ministre et du Mauritius Examination Syndicate (MES), il se demande si une telle action est bien légale. «Nous avons l’impression que c’est une décision qui a été tenue secrète. Nous sommes à la veille des admissions universitaires. C’est très grave. Que le MES poursuivre les parents au civil mais ne mettez pas en danger l’avenir
des enfants !»

 

Si Vikash Ramdonee trouve que cette nouvelle condition a été faite dans l’empressement, il fait ressortir que les parents étaient au courant qu’ils devaient absolument payer les frais d’examens de leurs enfants depuis plus d’un an : «On sympathise avec ceux qui ne peuvent vraiment pas payer mais il faut respecter les règlements établis par le ministère, sinon, ce sera le chaos. Il faut être responsable.»