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Sauvée grâce à une greffe du foie | Ornella Bibi : «Sans vous, je ne serais pas en vie»

Ces deux dernières années ont été les pires de sa vie mais aujourd’hui, Ornella Bibi respire à nouveau la joie de vivre, elle qui a mené un combat sans merci contre la maladie. Après une greffe du foie en Afrique du Sud, elle est de retour à Maurice avec l’envie de reprendre sa vie là où elle l’avait laissée.

Unelueur particulière fait briller ses yeux. Celle de l’amour, de l’espoir, de la vie, tout simplement. Cela faisait deux ans qu’Ornella Bibi avait perdu son sourire. Aujourd’hui qu’elle l’a retrouvé, elle ne compte pas s’en séparer. Jolie petite robe d’été, maquillage léger, ongles manucurés, ça faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien dans sa peau. Elle est heureuse et ça se voit. Après tant d’incertitudes et d’angoisse, Ornella Bibi respire la joie de vivre, elle qui, à un moment donné, avait perdu tout espoir de s’en sortir. 

 

La jeune femme de 25 ans est revenue à Maurice récemment après avoir passé neuf mois en Afrique du Sud où elle a subi une greffe du foie, la seule issue possible pour qu’elle puisse rester en vie. Après plusieurs obstacles et de nombreuses complications qui ont rendu la route vers la guérison sinueuse, Ornella peut enfin dire, aujourd’hui, qu’elle est sauvée. Une nouvelle vie commence pour elle, malgré les difficultés de santé, couronnée par un heureux événement. «Je me suis fiancée récemment. C’était un grand moment. Un vrai bonheur.»

 

L’histoire d’Ornella est connue de tous les Mauriciens ou presque. Beaucoup d’entre eux l’ont suivie mois après mois, touchés par le combat qu’elle menait pour survivre à une terrible maladie. Lorsqu’elle était au plus mal, au bord du gouffre, ils étaient là pour lui tendre la main en lui apportant soutien et aide financière. Elle revoit encore tous ces anonymes débarquant chez elle, dans son salon, pour lui apporter une petite enveloppe et contribuer ainsi au financement des soins visant à la garder en vie. «À tous ces gens, je voudrais dire merci. Sans eux, tout ça n’aurait pas été possible. Sans vous, je ne serai pas en vie. Mes parents m’auraient perdue moi aussi», confie la jeune femme avec une émotion qui ne ment pas. 

 

Ornella revient de loin, de très loin, et elle le sait. En 2014, sa vie bascule subitement, quelque temps après celle de sa sœur Deborah, 27 ans à l’époque. Quelques années les séparent mais elles passent tout le temps pour des jumelles tant elles sont fusionnelles. Cette année-là, la santé de sa sœur se détériore gravement. Quelques années plus tôt, cette jeune enseignante du primaire a appris qu’elle est atteinte d’une grave maladie du foie, résultant du fait que ses parents sont tous deux du groupe sanguin O+. Son foie est tellement endommagé qu’elle a besoin d’une transplantation d’urgence mais les procédures pour trouver un donneur et Rs 2 millions pour l’opération en Inde sont longues. 

 

Quelques mois plus tard, alors que tous les regards sont tournés vers Deborah, un autre drame vient secouer la famille Bibi. Ornella apprend qu’elle souffre de la même maladie que sa sœur et qu’elle présente une insuffisance hépatique. Si Deborah a besoin d’une transplantation d’urgence, les médecins font savoir à Ornella qu’elle a un an pour trouver un donneur. Pour Lewis et Rosy, les parents des deux sœurs, c’est une véritable tragédie. Alitées, les deux jeunes femmes partagent le même lit et restent soudées dans la douleur alors que leurs parents se démènent pour trouver de l’aide et les sauver. 

 

C’est en 2014 que 5-Plus Dimanche avait rencontré Deborah et Ornella qui avaient lancé un appel à l’aide aux Mauriciens.  Hélas, quelque temps après, la grande soeur est  décédée.

 

Hélas, après des mois de combat, la maladie finit par avoir raison de Deborah qui décède le 27 décembre 2014. Le choc est énorme pour la famille qui pensait avoir le temps nécessaire pour la sauver. C’est dans les bras de sa mère que la jeune femme a poussé son dernier soupir. Un moment qui reste ancré à jamais dans le cœur de Rosy, tout comme tout ce qui concerne sa défunte fille. Pas un jour ne passe, confie cette maman, sans qu’elle ne pense à celle-ci. Elle se souvient aussi de la douleur d’Ornella, complètement bouleversée et désemparée face à la mort de sa sœur, sa plus grande complice. Malgré la détresse d’avoir perdu leur fille, Lewis et Rosy décident de ne pas baisser les bras et de concentrer tous leurs efforts sur la guérison d’Ornella. 

 

Dès lors, tout s’enchaîne. Lewis va frapper inlassablement à la porte des autorités pour trouver de l’aide, la famille multiplie les rencontres avec les médecins et cherche désespérément un donneur compatible. Entre-temps, les appels à l’aide se multiplient, dans 5-Plus dimanche notamment, pour qu’Ornella puisse aller se faire soigner à l’étranger. Son combat contre la maladie soulève un élan de générosité chez les Mauriciens qui n’hésitent pas à se déplacer pour aller lui rendre visite. «Tous les jours, les gens venaient. Le week-end, il n’y avait plus de place dans notre salon. Nous leur serons à jamais reconnaissants. Sans leur aide, tout ça n’aurait pas été possible, alors merci du fond du cœur», confie Rosy, les larmes aux yeux. 

 

«Enfin ! Je vais vivre»

 

En février 2015, alors que la santé d’Ornella se dégrade rapidement, les Bibi décident de se rendre en Afrique du Sud avec l’argent récolté jusque-là. «La somme n’était pas suffisante mais on s’est dit : peu importe la somme, on part. On verra ensuite. On ne pouvait pas perdre plus de temps à attendre», se souvient Lewis. Une fois sur place, la famille est accueillie par un Mauricien qui les héberge un certain temps alors qu’à Maurice, les appels à l’aide et la quête continuent pour récolter les fonds nécessaires. La procédure médicale est enclenchée et la malade enchaîne les examens médicaux qui finissent par révéler qu’elle a besoin de se faire greffer un foie cadavérique, une opération qui coûte 1,6 million de rands (environ
Rs 4 millions). Sans cette greffe, elle risque de mourir d’un moment à l’autre. 

 

Tout se complique une fois de plus lorsque les autorités sud-africaines informent les Bibi qu’Ornella devra attendre pour avoir un foie car les Sud-Africains sont prioritaires sur la liste. Alors qu’ils se croyaient près du but, c’est un nouveau coup dur. «Je pensais vraiment que j’allais y rester. J’avais le moral au plus bas. On refusait de me faire cette greffe parce que je venais d’un autre pays alors que c’était ma seule chance de vivre. Heureusement, nous avons pu compter sur l’aide du ministre Étienne Sinatamboo et de l’ambassade mauricienne là-bas qui ont accéléré les choses», se souvient Ornella. 

 

Peu de temps après, c’est la libération. «Je me suis dit : “Enfin ! Je vais pouvoir continuer à vivre !” J’étais contente mais j’avais peur et j’avais des questions plein la tête. Est-ce que j’allais supporter l’opération ? Est-ce que j’allais mourir ?» Alors que la greffe est faite, Ornella n’est pas au bout de ses peines. Une semaine après cette délicate opération, elle fait un rejet et se retrouve une fois de plus sur la table d’opération. Elle restera en soins intensifs pendant un mois. Mais cette fois, c’est la bonne. Le corps d’Ornella semble accepter cet organe et la jeune femme reprend peu à peu des forces au cours des semaines qui suivent jusqu’à pouvoir revenir à Maurice. «Aujourd’hui, je dois dire que je vais bien. C’était très dur mais la greffe m’a sauvée.»

 

Si elle a pleinement conscience du chemin parcouru, elle sait que la route ne s’arrête pas là. La maladie lui impose des conditions pas toujours faciles à gérer. «Je ne peux pas trop marcher ou rester debout longtemps. J’ai aussi des problèmes aux yeux. Je ne sais pas si c’est lié à la maladie mais ce qui me préoccupe le plus, ce sont les médicaments que je dois prendre pour mon foie.» Si Ornella est aussi inquiète, c’est parce que ces médicaments, deux antirejets indispensables à sa santé qu’elle doit prendre à vie, coûtent très cher. «Ces antirejets qu’on fait venir d’Afrique du Sud sont essentiels pour ma condition. On doit trouver Rs 138 000 par an rien que pour ça. Pour le moment, on a pu se débrouiller grâce à l’argent qui restait des donations mais on ne pourra pas tenir bien longtemps», souligne-t-elle. En effet, les dépenses pour la maintenir en bonne santé sont conséquentes. Outre les médicaments, Ornella doit faire des tests chaque mois pour les envoyer à son médecin en Afrique du Sud. Elle doit aussi se rendre là-bas une fois l’an pour faire le suivi médical. Rosy, elle, fait à nouveau appel à la générosité des Mauriciens. Elle sait qu’elle pourra compter sur eux pour aider sa fille. 

 

En attendant, Ornella veut penser à l’avenir. Aujourd’hui, confie-t-elle, revenir sur toutes les épreuves qu’elle a dû traverser est douloureux. C’est pour cela qu’elle ne souhaite plus en parler, préférant se concentrer sur un futur qu’elle imagine beaucoup plus paisible et heureux que ces deux dernières années. Plus forte et plus sûre d’elle, la jeune battante souhaite reprendre une vie normale et se remettre à travailler. «Avant, je travaillais à Ébène mais c’est impossible pour moi maintenant de faire ce trajet. De plus, la maladie et les médicaments m’imposent un rythme différent des autres. Mais je veux reprendre une vie active et j’espère trouver du travail. Je veux vivre ma vie pleinement.» C’est la promesse qu’elle s’est faite et qu’elle tiendra coûte que coûte.