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Sangeet Jooseery : «Pravind Jugnauth doit s’occuper de l’image de son équipe»

Son style, son langage, ses qualités, ses priorités, les grands enjeux qui l’attendent… Parole au Dr Sangeet Jooseery, consultant en communication politique, qui passe Pravind Jugnauth à la loupe.

Pensez-vous que Pravind Jugnauth possède les qualités requises pour être un bon Premier ministre ?

 

Nous distinguons un Premier ministre (PM) par sa personnalité, sa compétence, ses principes, ses prises de décision et son savoir-faire tant au niveau national qu’international. Il est prématuré de se prononcer sur cette question. Le temps nous dira si Pravind Jugnauth est un «bon» PM ou pas. Mais on peut se demander s’il a les qualités pour en être un. 

 

Il a l’expérience d’avoir été en politique pendant 26 ans, leader du MSM pendant 13 ans, ministre de l’Agriculture, adjoint au PM, vice-PM, ministre des Finances, ministre de la Technologie, leader de l’opposition… Qui dit mieux ? 

 

Même Navin Ramgoolam n’avait pas ces qualifications quand il est devenu PM pour la première fois, en 1995. Fraîchement débarqué de Londres, il devient leader du Parti Travailliste en 1991 et leader de l’opposition entre 1991-1995. On se souvient aussi que pendant la majeure partie du temps, il se trouvait à Londres et ne fonctionnait pas vraiment comme leader de l’opposition. Concernant Pravind Jugnauth, on verra dans trois ans. 

 

Quel est selon vous le style de Pravind Jugnauth ?

 

On connaît très peu le style de Pravind Jugnauth. Toujours discret, il a été dans l’ombre de son père. Son marketing a été mal fait. Un PM in waiting aurait dû se positionner comme tel depuis longtemps. Il est le leader d’un des plus grands partis du pays depuis 13 ans. Il n’a jamais su se positionner. Tous les leaders le font. Navin se positionnait comme un rassembleur, Paul comme un leader historique, SAJ comme un challenger. Mais Pravind, lui, comme quoi s’est-il positionné ? 

 

Le soulèvement actuel contre lui est le résultat d’un défaut de marketing politique. On ne peut pas juger Pravind Jugnauth en une semaine. Il y a tout un arsenal médiatique à outrance qui s’est déclenché et qui le met à l’épreuve. Comparons avec la passation de pouvoir aux états-Unis. Il y avait une forte mobilisation des partisans, des médias, des ONG, de la société civile. Même les adversaires de Donald Trump s’y intéressaient.

 

à Maurice, c’est «après la mort, la tisane». Après la prestation de serment, on se rend compte que la foule était peu nombreuse. L’absence d’une cellule de communication est perceptible. Si la mobilisation n’a pas été faite, c’est qu’il y avait une lacune majeure dans le système de fonctionnement que Pravind Jugnauth doit impérativement redresser au plus vite. C’est inadmissible que, dans une situation pareille, le processus de marketing ne fonctionne pas.

 

Qu’est-ce qui rapproche Pravind Jugnauthde son père sir Anerood  ?

 

SAJ est connu pour son sang chaud ! Mais il s’avère aussi qu’il est généralement très gentil avec les gens, surtout avec ceux qu’il connaît et ses proches collaborateurs. C’est quelqu’un de différent avec d’autres personnes, même en public, et particulièrement s’il est «emmerdé». Il se sert de mots très forts – et quelquefois même déplacés – qui ne sont pas politiquement corrects.  Pravind Jugnauth est plus élégant mais quelquefois, il perd patience. Le 31 août dernier, à l’Assemblée nationale, quand Paul Bérenger a fait allusion à «another MedPoint affair» en parlant de la transaction relative à l’hôpital Apollo Bramwell, il avait répondu avec virulence : «the Supreme Court in the MedPoint case has given a smack to the Leader of the Opposition». 

 

Pravind Jugnauth a le potentiel, et sa première déclaration à la nation le 23 janvier 2017 s’est bien passée. Mais cela aurait été mieux avec un contenu plus musclé et des propositions nouvelles, en évitant la reprise des grands axes du dernier Budget.

 

Quels sont, selon vous, les grands enjeux qui l’attendent ?

 

L’enjeu est le développement économique durable. L’Economic Mission Statement que SAJ avait présenté le 22 août 2015 doit être revu en fonction de nos nouveaux défis et les priorités de l’agenda 2030 des Sustainable Development Goals (SDGs) des Nations unies que Maurice a ratifiés. Il est impératif de créer un climat pour un développement intégré et une société inclusive. Alors que la production locale doit dépasser notre consommation, nous devons renforcer notre investissement productif pour accélérer le décollagetout en évitant des décélérations. 

 

Remplir les postes vacants, par exemple, pourrait ne pas faire décoller le processus de développement. Mais la création des opportunités à pouvoir exploiter les potentiels créatifs dans des secteurs émergents va certainement faire bouger l’économie. 

 

L’Inde et la Chine ont amené une transformation économique importante en développant l’entrepreneuriat et la technologie. Cela a aussi créé une classe moyenne bourgeonnante, corrigeant simultanément plusieurs problèmes liés à la pauvreté, l’éducation et la santé. La population a besoin d’avoir un emploi, d’un rehaussement de son pouvoir d’achat et d’une meilleure qualité de vie. Si nous revoyons notre stratégie économique, établissons un mécanisme de suivi et d’évaluation continuelle de nos démarches, et encourageons l’accountability – la responsabilisation et la transparence – à tous les niveaux, alors nous allons réussir.

 

Qu’en est-il sur le plan politique ? 

 

Sur le plan politique, Pravind Jugnauth doit s’occuper de l’image de son équipe. Or, il n’est pas entouré de bons communiquants, mis à part Nando Bodha et Mahen Seeruttun. Ses collègues confondent souvent le Parlement avec un caisson de camion. Par exemple, la première prestation de Sudhir Sesungkur comme ministre à la radio n’était guère impressionnante. Il manque de charisme. 

 

Que doit impérativement éviter de faire Pravind Jugnauth ?

 

De la démagogie ! On ne peut pas toujours être sur la défensive. Des gens doivent rendre compte à la justice. Il faut laisser le judiciaire faire son travail. Il faut que Pravind Jugnauth se mette au travail, comme l’avait fait Paul Bérenger à l’époque !

 

Quel est votre avis sur la place de son père dans le nouveau gouvernement ?

 

Personnellement, je pense que SAJ aurait dû sortir par la grande porte et ne pas demeurer au Conseil des ministres. J’ai beaucoup de respect pour lui. Il a fait ce qu’il avait à faire. Il aurait toujours pu être mentor sans être au gouvernement, comme l’avait fait Nelson Mandela.

 

Comment analysez-vous le conflit qui oppose le clan Jugnauth à Roshi Bhadain ?

 

Roshi Bhadain est un jeune ambitieux. C’est bien qu’il en soit ainsi. Malheureusement, son impulsivité a pris le dessus sur son intelligence. Le conflit n’est qu’un clash de personnalités, et rien d’autre. L’égocentrisme a triomphé. Oh ! le blue-eyed boy ! Souvenez-vous de cette citation : «Il ne faut jamais se baigner dans les yeux bleus d’un garçon ! On croit y voir la mer mais on y fait naufrage.»

 

Bio express

 

Si son nom ne vous est pas inconnu, c’est parce qu’il a été, pendant 15 ans, à la tête de la Mauritius Family Planning and Welfare Association, jusqu’à sa démission en 2006. Sangeet Jooseery a aussi été le directeur exécutif de Partners in Population and Development à New York. Marié à Usha, il est père de deux enfants, Smita et Kentish. Il est consultant en communication politique et pour la santé sexuelle et reproductive.

 


 

Ma semaine d’actu

 

Quelle actualité locale, outre la politique, a retenu votre attention ces derniers temps ?

 

Le nombre grandissant de cas de violences sociales. Un pays comme Maurice avec des grandes ambitions, et qui se positionne pour être un pays phare, ou encore le paradis de l’océan Indien, ne devrait pas tolérer ce genre de choses. Il y a tout un système et une structure sociale à revoir. Bien sûr, je ne mets pas toute la population dans le même panier, mais ce qui m’interpelle, c’est ce silence coupable de la majorité. Le gouvernent a son rôle à jouer, tout comme la société civile qui sommeille trop.

 

Et sur le plan international ?

 

La montée fulgurante du nationalisme dans le monde, plus particulièrement, en France, au Canada, en Australie, en Israël et les pays arabes, en Grande-Bretagne et en Amérique, surtout avec Donald Trump. 

 

Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?

 

Je lis actuellement Who Really Runs the World ? de Tom Bernett et Alex Games. Un livre qui parle des complots cachés et des magouilles en politique, les rapports de force de certaines sociétés comme le Skull and Bones, The Order of the Illuminati, les francs-maçons, des banques internationales, le rôle de la CIA et du FBI, CFR (Council on Foreign Relations) dans le choix d’un candidat à la présidence des états-Unis.