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Rodrigues : Le côté obscur de la carte postale

Marylyse Anne Casimir, assise par terre, explique la terrible misère dans laquelle elle vit avec sa famille.

Connue pour sa gastronomie, sa nature préservée et ses paysages idylliques, Rodrigues n’en souffre pas moins du sous-développement. Derrière l’image de carte postale, une misère absolue frappe de nombreuses familles. Certaines ont tout quitté en quête d’un avenir meilleur à Maurice. D’autres, restées dans l’île, croulent sous le poids de la pauvreté.

Graviers, aux alentours de midi. La mer est calme, reposante. À travers les filaos qui longent la plage, l’océan se révèle d’un bleu turquoise qui invite à l’évasion. Installés à l’ombre, quelques hommes, à qui nous demandons le chemin de la maison des Casimir nous désignent un chantier recouvert de sable blanc. À chaque pas, nous pénétrons davantage dans la vallée.

 

Au loin, une minuscule maison en dur, recouverte de quelques feuilles de tôle, semble plantée au milieu de nulle part. C’est ici, nous confirme un gardien de brebis, que vivent les Casimir dont la maisonnée a été victime d’un incendie en 2012. Depuis, la famille peine à se reconstruire. La mère, Marylyse-Anne, 48 ans, explique que neuf personnes vivent dans cette maison de deux pièces, dont le Trust Fund leur a fait don il y a une dizaine d’années. 

 

«Nous sommes neuf et personne ne travaille car il n’y a pas d’emploi. Mon mari touche une allocation de chômage de Rs 1 800 par mois. Quatre de nos six enfants vivent sous notre toit, dont deux qui vont à l’école et une fille mère célibataire avec ses deux enfants. J’ai aussi recueilli mon petit-fils. Ma fille et ses enfants dorment sur un lit, et le reste de la famille couche sur un matelas à même le sol», explique Marylyse-Anne. 

 

Après l’incendie, elle et son époux ont reçu une aide de Rs 20 000 du gouvernement rodriguais. Une somme qu’elle juge insuffisante. «On a tout perdu dans cet incendie. Avec les Rs 20 000, on n’a même pas pu racheter des meubles, ni remplacer les fenêtres de la maison. On a seulement pu acheter de la nourriture et du matériel scolaire.» Depuis la tragédie, leurs conditions de vie déjà difficiles se sont encore détériorées. «Souvent, on ne mange que du riz blanc. Il arrive même que les enfants n’aillent pas à l’école, faute d’avoir un repas. Ils se plaignent aussi de douleurs à force de dormir sur le sol.» 

 

Marie-Anne Claire vit dans une unique pièce en tôle.

 

Quand elle a de quoi nourrir sa famille, c’est dehors, au feu de bois, que Marylyse-Anne fait la cuisine. Prendre un bain ou faire ses besoins, c’est une tout autre histoire. «Nous avons construit des latrines et une salle de bains improvisées», dit-elle. La seule personne qui lui apporte un peu d’aide, c’est son beau-père, Joseph-Archange Casimir, 72 ans. Mais lui non plus ne roule pas sur l’or. 

 

C’est dans une vieille bicoque que vit Joseph-Archange, avec son épouse Madeleine, 82 ans. «Enn mirak si mo ankor vivan zordi. Lakaz inn tonb lor mwa de fwa», raconte le vieil homme. Ancien laboureur, il explique qu’il ne gagnait pas suffisamment d’argent pour permettre à ses enfants d’étudier. Il essaie aujourd’hui, tant bien que mal, de leur venir en aide grâce à sa maigre pension. «Oblize ed zot pou zot pa mor de fin. Mo pe atann zis lamor pran mwa ale pou gagn delivrans.» Pendant ce temps, sa maison en tôle menace toujours de s’écrouler à tout moment. 

 

Prenant congé des Casimir, nous partons en direction du dépotoir de Roche-Bon-Dieu. Plusieurs personnes y viennent fouiller les ordures, dans l’espoir de trouver des matériaux récupérables à vendre pour subvenir à leurs besoins. La décharge est gérée par la commission de l’Environnement qui a mis en place un service de gardiennage pour surveiller le site 24 heures sur 24. «Plus personne n’a le droit de s’aventurer sur le dépotoir depuis septembre 2013. Mais il y a deux semaines, l’un des deux portails a été forcé», affirme le gardien des lieux. 

 

C’est à Grande-Montagne, dans un petit coin baptisé Dan-Tif, que nous partons à la rencontre d’une famille qui connaît bien le dépotoir de Roche-Bon-Dieu. Les habitants de la localité nous dirigent vers la maison d’une certaine Gladyse. Celle-ci se trouvant à Maurice actuellement, c’est sa fille, Marie-Anne Claire, 50 ans, qui nous reçoit dans une très modeste demeure faite de tôle et de feuilles de plywood. À l’intérieur, seuls deux petits lits occupent les deux pièces de la maison. 

 

Lui-même très pauvre, Joseph Archange Casimir vient en aide à son fils autant que possible.

 

«Ici on vit à neuf, dont cinq enfants et quatre adultes. Les enfants occupent les lits et les adultes dorment par terre», explique Marie-Anne Claire. Elle est rentrée à Rodrigues il y a deux semaines, après avoir passé dix ans à Maurice où elle travaillait comme employée de maison. «Je gagnais Rs 10 000 par mois. Ce n’était pas assez pour payer le loyer, les charges et la nourriture. Je n’en pouvais plus de cette situation », dit-elle. Mais sans un sou en poche, son retour implique une bouche supplémentaire à nourrir pour sa vieille mère, qui a pour seul revenu sa pension de Rs 3 000 par mois. 

 

Avant, poursuit-elle, ses neveux se rendaient au dépotoir de Roche-Bon-Dieu pour trier les déchets, afin de gagner quelques sous en revendant du plastique et des métaux. Aujourd’hui, «ils n’ont pas de travail». «Heureusement que ma sœur a reçu une aide de la NEF pour construire sa maison. Elle a quatre enfants. Dès que la construction sera finie, tout le monde ira vivre sous son toit», explique Marie-Anne Claire. Mais elle, c’est dans une petite cabane en tôle qu’elle a trouvé refuge depuis son retour. Tenant à son intimité, elle n’a pas l’intention de la quitter. À moins, dit-elle, qu’elle ne trouve quelque chose de plus convenable qui lui appartiendra. 

 

En attendant, la misère continue de frapper l’île un peu partout. Des familles entières plient bagage et les jeunes s’envolent vers un avenir qui leur semble plus prometteur. Quitte parfois à essuyer des désillusions et à retourner au bercail encore plus démunis. 

 

 

C’est dans cette latrine mal conditionnée que la famille fait ses besoins.