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[REPORTAGE] Un hôtel à La Cambuse : Les habitants du Sud aiment un peu, beaucoup… pas du tout

Mila Mudhoo, Zohra Hoota, Prakash Hoogar et Saheed Kurmally.

Ceux qui mettaient des bâtons dans les roues du groupe Currimjee ont finalement lâché du lest. Le Chaland verra le jour. Parole à ceux qui vivent dans la région.

Les premiers pas sont hésitants. Le cœur, encore timide, a besoin d’un peu de temps pour se mettre au diapason avec le roulement des vagues, que l’on entend sans apercevoir. Pour l’instant, l’océan n’est qu’une mélodie. D’ailleurs, redécouvrir La Cambuse, c’est comme retrouver une vieille amie après longtemps. On la reconnaît mais pas tout à fait. Avec sa nouvelle route, sa zone de parking, ses kiosques aménagés, ce coin préservé du sud de l’île a changé. Mais vite, en un battement de cœur, le temps de rejoindre la plage, la magie opère à nouveau. La complicité reprend ses droits. L’océan est encore le même, pris dans une brume légère, ondulant lascivement entre le gris et le bleu. Déchaîné. D’une beauté inquiétante et captivante.

 

La plage, si fréquentée en week-end, est, elle, déserte (à l’exception de quelques chiens errants). Seule la symphonie de la mer emplit l’espace. Dans quelque temps, d’autres bruits (pas dans le même genre) s’ajouteront à celui qui berce l’âme. Ceux du prochain chantier. La bataille légale entre le collectif Aret Kokin Nou Laplaz (AKNL) et le groupe Currimjee a pris fin, il y a quelques jours. Les deux parties ont trouvé un accord (voir hors-texte) autour du futur établissement hôtelier Le Chaland, dont la construction devrait commencer sous peu. Pourtant, pendant deux ans, AKNL s’est battu pour que cet hôtel ne voie pas le jour, arguant que cette construction aurait un impact négatif sur l’environnement.. 

 

Mais ce dénouement, ce nouvel hôtel, concerne tout particulièrement les habitants du sud de l’île. Alors, en mode balad dan vilaz, nous leur avons demandé ce qu'ils pensaient de la venue d’un établissement hôtelier à La Cambuse ? Et les réponses n’ont pas beaucoup varié. Si les contestataires des décisions gouvernementales sur le littoral ont longtemps invoqué – et invoquent toujours – des principes de prudence concernant l’environnement, chez les particuliers, les préoccupations sont plus terre à terre. Comme celles de Mila Mudhoo, une habitante de Le Bouchon, qui attend l’autobus sous une pluie battante : «Les gens de la localité auront du travail sans avoir à aller loin.» Bien sûr, explique-t-elle, il faut que «l’hôtel emploie les habitants du Sud»

 

 À Plaine-Magnien, Prakash Hoogar vend ses gato delwil, protégé des averses qui gagnent en intensité grâce à un maxi parapluie. Ce nouvel établissement est, pour lui, une bonne chose : «Il est temps qu’il y ait un peu de développement dans le sud.» Il pense aux emplois qui seront proposés, aux touristes qui visiteront les villages et aux infrastructures qui se développeront forcément grâce à une région en pleine expansion. 

 

«Travay ogmente»

 

À Mahébourg, Nabil Alleebocus, marchand également, attend les clients du rush de la mi-journée. Dans les rues animées du centre du village, il est bientôt midi. Et ici, le soleil est timide mais la clameur de la pluie s’est néanmoins tue. Le jeune homme pense aux touristes qui seront plus nombreux. Et qui lui achèteront – peut-être ! – un baja ou deux : «Plis ena touris, plis travay ogmante.» À condition, bien sûr, qu’on les invite à sortir de leur paradis pieds dans l’eau. Mais ça, c’est toute une question de stratégie et d’entente entre les commerçants de la localité et les complexes hôteliers. Une problématique bien complexe ! Néanmoins, Saheed Kurmaly, un enseignant de Surinam, préfère voir le bocal de sable rempli. 

 

Il respecte ceux qui sont contre ce projet hôtelier mais il ne partage pas leur opinion : «Kitfwa se bann dimunn ki ena ki pa kontan.» Parce que perdre quelques filaos, ce n’est pas un issue : «Il suffira de les replanter.» Aucun projet ne peut être sans faille, explique-t-il. On ne peut pas rêver d’un «perfect circle». Alors, les risques de l’impact sur l’environnement ne peuvent être un frein au développement (ah, ce fameux mot !). Il pense aux emplois, aux trajets qui seront moins longs pour ceux qui vont chercher du travail ailleurs . Et puis, il s’imagine que des jeunes au boulot, ça freine les fléaux : «C’est le désœuvrement qui provoque des problèmes d’alcool ou de drogue, entre autres.» Alors, Saheed espère qu’un maximum de jeunes pourra trouver de l’emploi dans cet hôtel (pas encore construit mais sur lequel reposent visiblement beaucoup d’espoirs). Et que ceux qui n’ont pas les qualifications nécessaires seront formés pour que ce soit un changement qui touche le maximum de gens. 

 

De retour à Mahébourg, nous tombons sur Zohra Hoota. La jeune femme, employée dans un hôtel, a un avis différent : «Il y a assez d’hôtels dans le Sud. On peut parler de développement mais ce n’est pas la seule façon d’améliorer la vie des habitants de la région.» Déjà qu’il n’y a presque plus de plage pour les familles mauriciennes, dit-elle, toutes étant accaparées par des projets. Avec Pomponette qui a été déproclamée (elle n’est plus du domaine public), il ne reste que Blue-Bay et La Cambuse : «Ce n’est pas suffisant. Et avec l’érosion, il ne nous restera bientôt plus rien.»

 

Alors, il faudrait penser autrement et changer de mindset pour un développement durable. Et il faut commencer dès maintenant, estime-t-elle. Même si les premiers pas sont encore hésitants.

 

Quelle est la principale condition ? 

 

Le groupe Currimjee et le collectif AKNL ont trouvé un accord au Tribunal de l’Environnement. La principale condition pour régler le litige qui les opposait depuis deux ans est la suivante : que l’Environment Impact Assessment soit respecté et qu’un expert en questions environnementales supervise les travaux et fasse des rapports mensuellement au collectif. Le but est de s’assurer que la construction de l’établissement n’affecte pas l’environnement. Néanmoins, le Forum des Citoyens Libres a décidé de ne pas baisser les bras et conteste toujours le jugement du Tribunal de l’Environnement. En 2016, un jugement en leur défaveur a statué que le FCL n’avait pu prouver que le District Council de Savanne n’aurait pas dû octroyer le Land & Building Permit au groupe Currimjee.

 

Prendre un sentier...

 

Prendre son temps. Se perdre un peu. Mais pas vraiment. La Cambuse n’est pas juste cette plage de sable blanc. Elle va plus loin. Jusqu’au bout de vos envies. Il faut prendre un sentier de terre, grimper un peu, afin d’attendre ce que Google Map décrit comme étant La Cambuse Track. Il s’agit d’une petite route entourée de filaos et où la mer apparaît entre les feuilles. Par moments. Comme une gourmandise de l’âme. Et même quand la pluie s’invite à cette fête pour les émotions, le lieu reste toujours magique. Et c’est non loin de là que se trouvera Le Chaland Resort.