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[REPORTAGE] À l’heure du… thé

Clarinette Jacquelin est cueilleuse depuis quelques années déjà.

La découverte est belle. Elle a des parfums et beaucoup de saveurs. Des rencontres et des émotions. Et vous pouvez embarquer pour cette petite aventure racontée qui commence par la recherche d’une feuille de thé, en dégustant une cup of tea. D’ailleurs, d’où vient le thé que vous consommez ? Comment la feuille se transforme-t-elle pour devenir la fameuse lapay dite ? Le Budget de Pravind Jugnauth a déclaré son ambition : «Encouraging the revival of tea export.» Après l’abandon de la culture du thé pour l’export dans les années 90, le retour de cette incontournable boisson de l’île à l’avant-plan de la scène économique, donne une raison de (re)découvrir les secrets de la préparation des tea leaves. Et c’est à Bois-Chéri que nous mène ce reportage…

Les ladies du «karo dite»

La pluie s’est invitée pendant la nuit. Elle a détrempé le sol et ponctué la route cahoteuse, qui nous mène vers leskaro dite, de flaques où le ciel gris se reflète. Alors, pour aller à la rencontre des femmes qui récoltent le thé, il faut affronter la boue. Laisser les feuilles des théiers qui forment des bosquets, déposer leur rosée sur vos vêtements. Patauger un peu aussi. Et se trouver un équilibre sur la corde raide de ses sens. Parce qu’avec leurs sourires, elles risquent bien de vous chambouler, ces cueilleuses. À 8 heures et des poussières, le soleil ne s’est pas encore tout à fait montré à Bois-Chéri. Et ce sont bien elles qui éclairent le karo où elles travaillent depuis 6 heures ce matin-là (en été, c’est beaucoup plus tôt). Alors qu’elles se racontent, leurs mains ne cessent de travailler, à la recherche de ces feuilles qui, après transformation (voir autre texte), se retrouveront peut-être dans vos tasses. 

 

Elles se réveillent, tous les jours sauf le dimanche, avant l’aube, alors que le soleil n’est encore qu’une promesse. Alors qu’elles remplissent catora et gourde, et se préparent pour la longue journée, elles espèrent qu’il enflammera le ciel, juste un peu pour les réchauffer, pour faire briller le vert foncé des feuilles de thé. Mais pas trop quand même. Les journées en plein champ sont une épreuve physique. Mais Clarinette Jacquelin a la technique. Pour travailler dans sa «ligne» (chaque cueilleuse a la sienne) avec rapidité et efficacité, elle appuie un peu de son poids sur ces arbres qui font de belles petites fleurs blanches (en plus des précieuses feuilles). Au quotidien, et en hiver qui est la saison basse (en été, la récolte se fait d’ailleurs à l’aide d’une machine), elle ramasse en moyenne 25 kilos de tea leaves

 

Dans la ligne, qui se trouve juste à côté, Marina Moniss cueille également. Si le travail peut sembler répétitif, les longues heures matinales et fraîches  sont ponctuées d’éclats de rire :«Il y a une bonne ambiance entre nous. On discute, on rigole.» Anita Chitamun aime bien cette vie dans les champs, son travail. Ce n’est pas le plus facile des boulots. Ce n’est pas le plus difficile non plus : «On se vide la tête, on oublie les problèmes.» Clarinette préfère d’ailleurs bosser à ciel ouvert plutôt que dans une usine : «On ne termine pas tard. Mo kapav okip zanfan ek louvrazAvec son mari malade, qui ne travaille pas, et les six enfants qu’elle a élevés et qu’elle continue de faire grandir (ils ne sont pas tous grands), elle en a fait face à des vagues de détresse, des jours où elle ne savait pas comment s’en sortir. Mais elle y est arrivée, dit-elle. Et ne baisse jamais les bras. 

 

Elle ne gagne pas, tout comme ses amies de karo, un salaire aux billets aussi nombreux que les feuilles qu’elle cueille. Mais Clarinette est heureuse de s’y retrouver tous les matins, qu’il vente ou qu’il pleuve… 

 

 

Il y a des hommes, aussi. Si la majorité des cueilleurs de thé sont des femmes, il y a également des messieurs dans le karo dite. Parmi, Nizam Hosseny qui fait face au soleil malgré le jeûne. Après plusieurs années dans la Zone Franche, il a trouvé sa place à Bois-Chéri : «Ce n’est pas difficile. Me sak travay bizin donn de penn.» Il a commencé à bosser très jeune, dit-il. Il était l’aîné de la fratrie et n’a pas fini l’école : «Mes parents étaient bien pauvres.» Aujourd’hui, pour sa famille, il ne peut se contenter de la cueillette de thé : «Mo tras trase.»

 

 

Et puis, il y a celles qui nettoient. Elles bichonnent les champs, enlèvent les mauvaises herbes et les méchantes roches, et s’assurent que les théiers s’épanouissent tout doucement. Un travail long et parfois difficile. Mais pour Nadira Luckhun, Soubawtee Lochun, Danwantee Bisessur et Patricia Fanny, il n’y a pas d’autres avenues : «Samem nu metie. Kot nu pu ale sinon ?»

 


 

Sur les traces d’une feuille

 

 

Elles  sont de retour. Ces petites feuilles laissées dans lekaro. Cette fois, elles sont dans des sacs en jute, posées sur des crochets métalliques, prises dans un système mécanisée qui va les mener au troisième étage du bâtiment. C’est le début d’une grande aventure que nous allons suivre, étape par étape. Celle où les feuilles se préparent pour la grande rencontre avec les consommateurs de thé. Dans cette usine remplie de bruits et d’odeurs, de vieilles portes et de murs d’antan, de courant d’air et de murmures de l’histoire, c’est une balade sans pareil que nous fera vivre Azad Rojah, Guest Relations Officer. 

 

Séchage et broyage. Troisième étage. Pour aller vers l’espace de séchage, il a fallu grimper des marches et des marches et, dans la bonne pièce, éviter les sacs qui s’amènent en continu. De quoi mettre en jambe ! Là, les sacs sont vidés et les feuilles séchées grâce à  de l’air chaud. «Pour faire sécher la rosée du matin.» Et c’est parti pour 24 heures de brushing en continu. Ensuite, elles sont remises dans les sacs… pour être broyées – deux fois – dans un bruit infernal. Et ça, ça se passe un étage plus bas. 

 

Et encore un étage plus bas. On découvre cette mousse de thé. Ça sent plus le gazon qu’une bonne cup of tea : «C’est normal, ça n’a pas encore été  fermenté.» Il suffit de s’avancer un peu dans cette ligne de thé écrasé pour voir qu’à différents niveaux, la poudre verte change de couleur : «Elle fermente. Elle s’oxyde, change de couleur et s’habille d’arômes.» Après 1h30 de fermentation, les feuilles moulues s’offrent, encore une fois, un petit brushing, à la vapeur, dans de grandes cuves. Mais cette fois, c’est le méga service. Un maxi coup de chaud pour tuer les bactéries et stopper la fermentation. Temps de cuisson : 10 minutes. Résultat, du thé noir comme on le connaît et qui sent vachement bon. 

 

Les soins de beauté, ce n’est pas fini ! Un petit gommage s’impose : «Quand on broie les feuilles, il y a les nervures, les tiges, il faut enlever tout ça.» Et ce sont des rouleaux qui font le travail grâce à l’électricité statique : ingénieux ! Les déchets sont recyclés comme engrais ou vendus pour vieillir les tissus. 

 

Un petit tri s’impose. Nettoyer de ces «impuretés», le thé doit passer une petite étape de calibrage. Car, dépendant de la grosseur de la feuille, la paille est différente. Plus les feuilles sont petites, plus leur poudre est raffinée. C’est d’ailleurs celle-là qu’on met dans les sachets. Les plus grossières sont utilisées pour la théière (pour des raisons évidentes : pour que le thé ne passe pas dans le… passe-thé !). 

 

Un petit repos. Direction, le silo, au sec, pour un mois de gros dodo pour le thé afin qu’il puisse se développer. 

 

 

Ensuite, c’est dans le paquet ! Des grands paquets, des petits sachets, qu’importe ! Dans la partiepackaging, le thé se fait une dernière beauté avant de se retrouver chez vous. 

 

Pour le thé vert, c’est différent. On ne prend que les petites feuilles de thé qui forment le cœur de la branche. Après un petit bain de vapeur, les feuilles de thé ne fermentent pas et se font un peu rouler dans une machine pour qu’elles soient légèrement écrasées, puis elles sont séchées au four. 

 

Et il y a un musée, aussi. Au centre de la pièce avec une impressionnante hauteur sous-plafond, la chaudière d’une locomotive. Qu’est-ce qu’elle fait dans un musée qui retrace l’histoire du thé ? Elle a été récupérée afin de faire brûler les déchets de l’usine et pour en créer de la vapeur utilisée pour tous les processus de transformation du thé ! Vous y apprendrez aussi que l’usine a été construite en 1892, verrez des photos d’époque et des outils utilisés avant la mécanisation… 

 

 

Azad Rojah. Il a commencé à bosser à l’usine à 14 ans. Il a empaqueté la paille de thé dans des grands sachets quand il n’y avait pas encore de machine pour le faire. Et c’est lui qui a proposé, alors qu’il était planton, qu’on fasse la visite de l’usine qu’il connaît par cœur ! 

 

La visite de l’usine. Tous les jours sauf le  dimanche (samedi, jusqu’à midi). En hiver, le mercredi, vous pourrez voir l’usine en production ! Vous pouvez également profiter de la dégustation de thé mais aussi du restaurant. Pour en savoir plus sur les prix de ces prestations, contactez Bois-Chéri. 

 

 

À table. Le thé à Bois-Chéri ce n’est pas uniquement dans lekaro ou dans les sachets. C’est aussi dans l’assiette. À découvrir : le satini au thé, le poulet au thé et le sorbet au thé…