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Reeaz Chuttoo : «Notre loi du travail ne fait pas mention des maladies liées à la pression»

Notre loi du travail ne définit que le bien-être physique. Alors que le mental wellbeing y est absent. Il y aurait donc des lacunes dans nos lois. C’est ce que nous dit Reeaz Chuttoo de la Confédération des Travailleurs du Secteur privé (CTSP) dans l’entretien qui suit.

Vous avez récemment dit qu’il y a un nouveau mal qui guette les travailleurs à Maurice. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Dans notre loi du travail, il y a un paradoxe énorme. La loi vient dire que les overtime ne sont pas obligatoires et qu’un employé doit être averti au moins 24 heures avant. Cette même loi vient dire qu’un employeur peut employer quelqu’un avec un salaire global incluant le salaire de base et une somme d’argent pour les overtime. Cela concerne, ce qu’on appelle à Maurice, les White Collar Jobs. Le personnel a ainsi un contrat global où les overtime sont obligatoires. Et les employés sont obligés de rester pour les overtime à n’importe quel moment qu’on leur demande de le faire. Ce qui est, selon nous, un problème car l’être humain n’est pas une machine qui fonctionne en mode on et off au gré de l’employeur. 

 

Au fil du temps, ceux qui font les White Collar Jobs se rendent compte que les travailleurs manuels sont syndiqués et qu’ils ont un accord collectif. De ce fait, ces derniers ont un salaire plus important. Et ils ont aussi le droit de dire non aux overtime proposés. Ces overtime obligatoires et une pression constante jouent sur la santé mentale de ces travailleurs.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dernier point ?

 

Ce qui se passe, c’est que, quand un employé qui est sous ce régime dit qu’il ne veut pas faire d’overtime, il se fait maltraiter par son employeur et subit des pressions. C’est un problème réel. On est sorti d’une phase qu’on appelle santé physique. Sur ce point, il y a eu une grande avancée. Le nombre d’accidents physiques est en baisse, ce qui n’est pas le cas de bon nombre de maladies professionnelles liées à une mauvaise santé mentale qui est invisible et indétectable. Notre loi du travail ne fait pas mention des maladies professionnelles liées à la pression et à une mauvaise santé mentale. 

 

C’est donc une anomalie ?

 

Par définition, occupational health veut dire «the physical and mental wellbeing of a worker». Notre loi parle uniquement de l’aspect physical wellbeing. Il n’y a aucune mention du mental wellbeing. Et dans plusieurs cas, nous avons noté que cette pression mentale prend une dimension sexiste. Dans certains secteurs où travaillent majoritairement les femmes, il n’y a pas de réglementations et le salaire n’est pas prescrit.

 

Que faudrait-il faire après ce constat ?

 

On a déposé une plainte contre l’état mauricien. Par exemple, la convention no 29 que l’état a ratifié en 1969 stipule que, quand un employeur force un employé à faire des overtime, c’est considéré comme des travaux forcés. C’est ce qui nous a motivé à déposer une plainte contre l’état mauricien. La CTSP défend tous les travailleurs à Maurice, du petit personnel qui touche Rs 1 500 jusqu’au cadre administratif qui touche un global package de Rs 30 000 à Rs 40 000.

 

à la veille de la fête du Travail, quel état des lieux faites-vous des droits des travailleurs en 2017 à Maurice ?

 

Pour nous, la situation est préoccupante en ce qui concerne la santé mentale des travailleurs. Cette année dans le cadre de la fête du Travail, nous avons choisi comme thème «Organiser, mobiliser contre la corruption, le pillage, le favoritisme et l’illégalité sociale». Et on n’a pas choisi ce thème au hasard. Il est directement lié à notre préoccupation de la santé mentale des travailleurs. Aujourd’hui, dans le domaine public et parapublic, il y a des personnes incompétentes qui sont recrutées à la tête d’organisations diverses et toute la pression retombe sur les employés. Dans le secteur privé, c’est la même chose. 

 

Les travailleurs doivent devenir des jack-of-all-trades, master of money. Ils n’ont plus de vie familiale, ni de vie sociale. Et souvent, ces personnes ne sont pas syndiquées, ne pouvant ainsi pas faire entendre leur voix. C’est parce que nous nous dirigeons davantage vers des corruptions et des trafics d’influence que la santé mentale de l’individu est plus que jamais une préoccupation majeure pour nous.

 

Concernant l’aspect politique, nous nous trouvons dans un cas de figure où les travailleurs attendaient beaucoup du gouvernement actuel et ils sont encore à attendre. Ils se contentent d’entendre des déclarations de bonnes intentions du gouvernement sans rien voir venir. On ne veut pas se retrouver dans une bipolarisation politique, c’est-à-dire, si le régime actuel n’est pas bon, on retourne en arrière. On doit aller de l’avant. 

 

Qu’est-ce que les travailleurs subissant des pressions doivent faire ?

 

Ils doivent agir et réfléchir collectivement. Seul, on n’arrive à rien. Regroupez-vous et cherchez des conseils. La première étape, c’est avoir la volonté de sortir de l’individualisme. Puis, il ne faut plus avoir la perception que, dans le pays, il faut être un roder bout pour réussir, être proche de votre patron pour avoir une promotion ou côtoyer un politicien afin d’obtenir un emploi pour son enfant. Il faut en finir avec cette mentalité.

 

Qu’est-ce que les autorités font pour améliorer les conditions de travail des Mauriciens ?

 

Jusqu’à présent, nous n’avons que des déclarations de bonnes intentions. Par exemple, il y a eu la proposition de salaire minimal. Ma question est : où cela en est ? Je siège sur ce board et je peux vous dire qu’il y aura beaucoup d’embûches sur cette route. Il faut amender la loi du travail. L’année dernière, le ministre concerné avait dit que «2017 will be the year the workers». Demain, on est au mois de mai, le budget arrive bientôt et on attend toujours. Une autre question que j’ai, c’est quand est-ce que la loi du travail sera déposée au Parlement. The show will continue…

 

Que prévoyez-vous pour la journée de demain ?

 

Il y aura une marche symbolique qui va commencer de notre bureau à Rose-Hill pour se diriger vers Beau-Bassin. Mon message dans le cadre de cette fête est que nous, travailleurs, devons rester mobilisés et agir. Nous ne devons pas hésiter à interpeller des députés. Il faut leur faire comprendre que nous avons envie de voir des actions concrètes. 

 


 

Bio express

 

Marié à Noorjahan et papa d’Ackhmez et de Farheen, Reeaz Chuttoo compte de nombreuses années dans le milieu syndical. Pour lui, «le syndicalisme est un choix. Le syndicaliste est avant tout un militant engagé qui défend la cause des opprimés dans la société».