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Recensement ethnique : La question qui divise

Kris Valaydon, Kwang Poon et Parvèz Dookhy ont des avis divergents  sur la question du besoin ou non d’un recensement ethnique.

Le recensement ethnique réclamé par certains politiques ainsi que des groupes socioculturels déchaîne les passions. Tout le monde a son avis sur cette question aussi délicate que complexe. Pour ou contre, les observateurs politiques donnent leur avis.

«Les minorités d’hier ne le sont plus aujourd’hui.» Cette phrase du père Jean Maurice Labour du Comité diocésain 1er Février a relancé le débat autour du recensement ethnique. La question est profonde, complexe et fondamentale. La nécessité de remettre à jour les données concernant notre composante démographique est revenue au centre des discussions depuis la proposition de réforme électorale du gouvernement. Sachant le Best Loser System intimement lié à la représentation des communautés minoritaires de notre société, de nombreux politiques se sont exprimés sur le besoin d’un nouveau recensement ethnique – le dernier remonte à 1972 – afin que les minorités soient mieux représentées au sein de l’Assemblée nationale.

 

Le Comité diocésain 1er Février s’est clairement prononcé pour affirmant que, bien que nous soyons fiers de notre nation arc-en-ciel, le mauricianisme ne doit pas être utilisé comme un prétexte. «Nous devons faire attention à ne pas étouffer certaines composantes de notre arc-en-ciel. Nous devons au contraire valoriser toutes ses couleurs.» Depuis l’appel du père Jean Maurice Labour, ils sont plusieurs à lui avoir emboîté le pas. Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, n’a pas tardé à rebondir. Abondant dans le même sens, il insiste sur la nécessité d’un nouveau recensement ethnique pour une «meilleure justice sociale aux minorités».

 

Aujourd’hui, plus que jamais, la question fait débat. D’un côté, il y a ceux qui, comme Jean Maurice Labour et Xavier-Luc Duval, pensent qu’un nouveau recensement permettra de rééquilibrer les représentations au Parlement. De l’autre, il y a ceux qui sont foncièrement contre cette idée. Parmi eux, le Premier ministre Pravind Jugnauth et Ivan Collendavelloo, qui brandissent l’argument de la division. Mgr Ian Ernest, chef de l’Église anglicane, a également émis ses réserves sur la conduite d’un autre recensement basé sur l’ethnicité de peur que celui-ci n’aggrave «les divisions déjà existantes».

 

Il faut dire que le danger de son utilisation comme une arme communale (qui en même temps existe déjà) fait peur. Parvèz Dookhy, observateur politique, note qu’il existe deux types de recensement. D’abord le recensement scientifique sur la base d’études sociologiques. «Rien ne peut interdire, au nom de la liberté d’information, des études portant sur des statistiques religieuses, communautaires ou ethniques.» Et puis, il y a celui qui divise aujourd’hui l’opinion publique. Le recensement politico-constitutionnel selon lequel fonctionne le Best Loser System.

 

Complexité

 

Or, si ce système est maintenu, il faudra, lance-t-il, actualiser les données sur lesquelles se fond l’attribution des sièges supplémentaires, comme le recommande le Comité des droits de l’homme de l’ONU. «C’est une question de logique juridique. Tout en sachant que la classification constitutionnelle des communautés ne correspond nullement à la réalité sociologique.»

 

La question est beaucoup plus complexe. «D’un point de vue politique et du fait que nous sommes une République, et si ce terme a un sens, l’État ne peut faire de distinction entre ses citoyens sur une base communautaire.» L’incompatibilité, souligne Parvèz Dookhy, est flagrante. «Nous sommes à un carrefour et nous devons faire un choix. Soit donner à notre République tout son sens, soit rester dans une fiction de la République et ne pas permettre l’émergence d’une nation, bien entendu plurielle.»

 

Kwang Poon, citoyen engagé, a lui aussi son avis sur la question. S’il n’est un secret pour personne que les sièges au Parlement sont alloués de façon à ce que chaque communauté soit présente dans les instances du pouvoir, il est nécessaire, estime-t-il, de s’assurer que chaque composante de notre société, qui n’a pas cessé d’évoluer depuis 1972, soit effectivement représentée selon la réalité. «Nous sommes en 2018. 46 ans se sont écoulés depuis le dernier recensement. Il serait intéressant de voir, d’un point de vue socio-économique, quelle en a été l’évolution.»

 

S’il se prononce en faveur d’un nouveau recensement ethnique, Kwang Poon est d’avis qu’il devra être utilisé comme un «guide» et non une arme. «Nous sommes mauriciens avant tout mais nous sommes aussi fiers de nos origines diverses. C’est ce qui fait également notre force et notre identité multiculturelle. Mais notre histoire est remplie de leçons que nous ne devons pas oublier. Ce besoin de représentation est là, chez chacun d’entre nous.» Le recensement ethnique, dit-il, est quelque chose qui se fait couramment à l’étranger. «Ce n’est pas pour autant que les sociétés éclatent.»

 

À ceux qui redoutent la division, Kwang Poon précise. «Ça se fait déjà de manière déguisée. Nous sommes déjà sujets à une certaine classification. Après 50 ans d’indépendance, je pense que nous devons être confiants que nous avons évolué et que nous sommes prêts à accepter la différence de l’autre et cohabiter.» Le défi serait de trouver un système qui mettrait tout le monde d’accord. Lui, en tout cas, a déjà sa petite idée. «Le recensement va apporter un meilleur éclairage sur notre société. Elle devra agir comme une boussole mais jamais au-dessus du principe de méritocratie lorsqu’il faudra nommer un candidat aux élections ou accorder un job à un Mauricien.»

 

Un tel exercice apportera-t-il un meilleur équilibre ? Pas forcément, répond Kris Valaydon. Selon lui, le recensement ethnique ne viendra régler aucun problème pour lequel il est proposé. «Même si on a une meilleure représentation d’un groupe, cela ne voudra pas dire qu’il sera mieux servi, moins délaissé et aura plus de droits. Tout cela ne dépend pas du recensement mais du système politique en place.» Cela ne fera, souligne-t-il, que diviser la population qui l’est déjà suffisamment assez. «On va partir dans une balkanisation de la politique et du pays, et le recensement ne sera qu’un instrument de plus pour sectionner en plusieurs petits morceaux la nation mauricienne.»

 

Marginalisation

 

Que faire, donc, si certains groupes se sentent moins bien représentés que d’autres ? «Il y a d’autres moyens», assure Kris Valaydon. «Il nous faut penser à des politiques sectorielles en matière d’éducation, de santé, d’accès à la formation, de sécurité, d’accès au logement. C’est ce qu’il faut revoir afin de tenir compte des groupes vulnérables parce que la marginalisation ne touche pas qu’un seul groupe, qu’une seule communauté. Elle n’est pas seulement d’ordre économique ou financière, elle est aussi sociale et culturelle.» Ce sont ainsi ces politiques qui doivent être changées si on veut que tous les Mauriciens soient traités sur un pied d’égalité.

 

Des propos qui rappellent ceux tenus par le cardinal Maurice Piat qui s’est lui aussi prononcé contre. Pour le chef de l’Église catholique, le débat est autre. Le Best Loser System, dit-il, est basé sur la «conviction que seul un musulman peut protéger les intérêts des musulmans, que seul un créole peut protéger les intérêts de la population générale, que seul un hindou peut protéger les intérêts des hindous, que seul un Chinois peut protéger les intérêts des Chinois.» Mais aujourd’hui, les choses doivent changer. «Après 50 ans d’indépendance, notre pays doit devenir plus adulte. Chaque Mauricien élu doit pouvoir comprendre que, peu importe sa communauté, sa responsabilité consiste à s’engager à défendre les intérêts des Mauriciens de toutes les communautés.»

 

La question reste complexe…

 


 

Virendra Ramdhun : des propos qui indignent

 

 

Ne pas mélanger politique et religion. La question a occupé l’actualité à plusieurs reprises et pourtant, certains s’obstinent à vouloir le faire. Les propos de Virendra Ramdhun, en présence du Premier ministre et d’autres membres du gouvernement lors des célébrations officielles de Divali à la Hindu House, ne sont pas passés inaperçus. Il a exhorté Jean Maurice Labour à se présenter aux élections avec ses 60 candidats «s’il se croit réellement fort», avant de demander à Pravind Jugnauth «d’ignorer» les demandes pour un recensement ethnique. Si le père Labour a simplement répliqué qu’il ne souhaite pas s’aventurer sur ce terrain, Virendra Ramdhun n’a trouvé de mieux que d’assurer que c’était bien les hindous qui sont en majorité dans le pays. Des propos qui n’ont pas été très appréciés.