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Prosecution Commission :  Ce que vous devez savoir

L’indépendance du poste constitutionnel au cœur du système judiciaire serait-elle menacée ? C’est tout le débat autour d’un amendement constitutionnel et du Prosecution Commission Bill ! Pour mieux comprendre de quoi il en retourne, voici toutes les informations nécessaires.

Quels sont les prochains «moves» ? Le cabinet a ratifié le texte de loi, The Prosecution Commission Bill (PCB), le vendredi 16 décembre. Il sera présenté au Parlement, pour la première fois, cette semaine (le vote est à l’agenda parlementaire de ce mercredi 21 décembre), en même temps que The Constitution (Amendment No 3) Bill(un amendement constitutionnel nécessaire afin de créer cette commission).

 

Quel est le but de cette commission ? Chapeauter le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Le rendre «accountable», en quelque sorte (pour l’instant, le DPP n’a pas besoin de justifier ses décisions : son pouvoir discrétionnaire lui permet, en se basant sur les rapports de police, de poursuivre quelqu’un ou de rayer des charges qui pèsent sur un individu sans donner d’explications). Qu’il ait à répondre à une instance «supérieure». La Prosecution Commission(PC) aura le pouvoir de lui demander de revoir ses décisions, entre autres choses. Un genre de grand manitou d’un autre manitou, pour faire simple. Dans le texte rendu public le vendredi 16 décembre, il y a un point qui fait néanmoins tiquer (le principe de rétroactivité), la Prosecution Commissionaura le pouvoir de réviser des décisions prises par le bureau du DPP depuis ces derniers 36 mois (jusqu’au 30 septembre 2017).

 

Qui la formera ? La Judicial and Legal Services(JLS) fera des recommandations à la présidente de la République concernant les personnes choisies pour les postes à pourvoir. Pour ce faire, cette institution aura 90 jours, sinon, ce sera un appointments committeetraditionnel (mené par la présidente de la République en consultation avec le Premier ministre et le leader de l’opposition) qui s’en chargera.

 

Qui en seront les membres ? Ils seront trois : un président de commission et deux commissaires. Du côté du gouvernement, on assure qu’il s’agira de trois ex-juges de la Cour suprême locale ou d’un pays du Commonwealth. Ces personnes seront «engagées» pour cinq ans… mais pas plus ! Une décision justifiée ainsi par le bureau de l’Attorney General : cette limitation assurera qu’elles ne seront pas dans l’obligation de se faire «bien voir par le gouvernement»dans le but de rester en fonction.

 

Leur «truc» en plus : L’immunité ! Les membres de la PC y auront droit et ne pourront être poursuivis ni au civil ni au criminel.

 

Quels pouvoirs ? Le bureau du DPP devra fournir des explications à cette commission sur les décisions prises dans les différentes affaires qu’il traite. Elle pourra alors déterminer si cesverdicts,dont le but est de«discontinue or institute criminal proceedings against a person»(poursuivre ou rayer les charges), sont «perverse, irrational, against public interest or otherwise erroneous in law or in facts». Et donc, agir en conséquence : demander au DPP de revoir sa copie ! Mais pas seulement : la PC aura également le pouvoir de rouvrir des dossiers à sa propre initiative. 

 

Leurs obligations : les membres de la PC sont tenus de soumettre un rapport des cas examinés à l’Assemblée nationale et de se rencontrer au moins une fois par mois. Le DPP doit être présent à ces réunions mais il n’aura pas de droit de vote.

 

Des critiques : why, oh why ? Plusieurs voix se sont élevées contre l’institution de la Prosecution Commission(qui nécessite l’amendement de la Constitution). Quelles en sont les raisons ? Voici un petit résumé :

 

- Certains dénoncent l’empiètement de l’exécutif sur le judiciaire. Le bureau du DPP, un poste constitutionnel indépendant, perdrait justement de son indépendance en devant justifier toutes ces décisions à un organisme mis en place par le gouvernement (les autorités, elles, précisent que cette commission sera indépendante et transparente). L’amendement de la Constitution est aussi considéré comme étant un abus du gouvernement qui détient la majorité de trois-quarts.

 

- Pour d’autres, les raisons derrière cet amendement constitutionnel et ce projet de loi ne seraient pas une question d’accountability. Le but inavoué et inavouable serait de permettre le sauvetage du soldat Pravind (dont l’acquittement dans l’affaire Medpoint a fait l’objet d’un appel du bureau du DPP). Néanmoins, ce serait un argument caduc malgré le principe de  rétroactivité, affirme-t-on du côté du gouvernement : un article de la loi empêcherait que la commission exige du DPP qu’il revoit ses décisions sur des appels qui sont en cours.

 

- D’autre part, les charges pesant sur Navin Ramgoolam, qui sont rayées une à une (suite aux recommandations du DPP) motiveraient, selon d’autres critiques de ce projet de loi, le désir du gouvernement de contrôler le bureau du DPP pour continuer sur le tempo de sa vendetta. La proximité alléguée, par les membres de la majorité, entre Satyajit Boolell et le PTr serait au cœur de cette animosité qui ne date pas d’hier. Néanmoins, selon la loi, le DPP est considéré comme étant au-dessus de toute question politique (mais son nom de famille joue certainement contre lui).

 

Le DPP : c’est quoi ce poste ? Pour y répondre, citonsCyrille de Labauve d’Arifat, DPP dans les années 1970, qui empruntera un texte du Professeur Louis Favoreu («L’Ile  Maurice»   (Encyclopédie   Politique   et   Constitutionnelle,   Ed.   1970, Berger-Levrault)) lors d’une de ces communications écrites (une traduction de l’article 72 de la Constitution mauricienne de 1968) :

 

 «1)Il y a un directeur des poursuites publiques dont l’emploi est un emploi public et qui est nommépar la Judicial and Legal Commission.2)Nul  ne sera qualifiépour  occuper ce  poste (…) s’il ne  remplit  les  conditions  pour être nommé juge àla Coursuprême (…). 6) Dans l’exercice des  pouvoirs  qui  lui  sont  conférés  par  le  présent  article,  le  Directeur  des  poursuites publiques n’est pas soumis à l’autorité ou  au  contrôle d’aucune personne ou autorité (…).»

 

PS :Pour lire l’intégralité du point de vue de Cyrille de Labauve d’Arifat sur ce poste constitutionnel, cliquez sur le lien suivant : http://bit.ly/2gLHdVx.

 

Maintenant ?Le bureau du DPP, qui travaille en collaboration avec la police (qui remet un dossier à charge à ce bureau), n’avait pas besoin de justifier ces décisions prises selon certaines procédures mises en place. Avec la nouvelle loi, son pouvoir discrétionnaire – d’abandonner ou de maintenir les procédures de poursuite contre quelqu’un – ne sera plus si discrétionnaire que ça.

 

Après (si le projet de loi est voté en état) ? Le DPP devra justifier chacune de ses prises de position dans l’exercice de ses fonctions. Il devra soumettre un rapport de ses décisions à la fin de chaque trimestre. Concernant le principe de rétroactivité, Satyajit Boolell devra justifier toutes celles prises du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 d’ici le 30 juin 2017. Il devra également suivre toutes les directives de la PC et être présent aux réunions mensuelles (au minimum)… Sinon, il commettra un acte de mauvaise conduite.

 


 

Ils sont pour…

 

Ravi Yerrigadoo, Attorney General : «Ce n’est pas une question de Boolell, Jugnauth ou Ramgoolam. Il s’agit de rendre accountable un bureau financé par l’argent public.»

 

Anil Gayan, ministre de la Santé : «Ce débat est un faux débat ! Ce n’est pas normal que le bureau du DPP soit la seule institution qui n’ait pas de comptes à rendre. Ce que nous faisons avec cette commission, nous le faisons dans un esprit de bonne gouvernance. Ce n’est pas une loi pour attaquer une personne ou pour cibler un adversaire.»

 

Raffick Sorefan, député indépendant : «Nous devons être le seul pays où une seule personne détient autant de pouvoir ! En Angleterre, il y a la Crown Prosecution Commission qui fait la même chose que ferait la Prosecution Commission. Je suis sûr que les gens finiront par comprendre l’importance de cette loi.»

 

…Ils sont contre

 

Reza Uteem, député MMM : «Un amendement constitutionnel sans consultation ? C’est presque de la dictature. Le gouvernement détient la majorité de ¾ et n’a donc aucun respect pour la Constitution. Il aurait fallu mettre en place un comité parlementaire pour en discuter.»

 

Satish Faugoo, ancien Attorney General travailliste : «Il s’agit d’une entorse aux principes de la séparation de pouvoir. Le gouvernement va créer un judiciaire parallèle. Un monstre politique qui va assumer deux rôles, l’exécutif et le judiciaire. C’est un abus de pouvoir.»

 


 

Paul Bérenger : point de presse,  PNQ… et flash-back

 

Point de presse.Le leader du MMM s’est également interrogé sur la rétroactivité de cette commission : «Pourquoi spécifiquement trois ans ?» Il a estimé que cette commission va ralentir le système judiciaire : «Il y aurait toutes sortes de revendications.» Pour lui, il est nécessaire de renvoyer les débats sur l’amendement constitutionnel et le projet de loi, et de lancer une vague de consultations. Sinon, il s’agira uniquement d’un passage en force motivé par la haine de certains membres du gouvernement envers Satyajit Boolell, estime-t-il. Néanmoins, il s’est dit«open-minded»concernant ce projet de loi.

 

Private Notice Question.Le mercredi 14 décembre, Paul Bérenger a questionné le Premier ministre sur la PC. Ce dernier a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une vendetta politique et a rappelé que ce projet était à l’agenda depuis 2003 et qu’il s’agissait d’une initiative de Paul Bérenger. Le Premier ministre avait ajouté que le DPP, sous la formule de Bérenger, devait répondre directement à l’Attorney General… alors que son gouvernement propose une institution indépendante.

 

Flash-back : 2003. Lors de son point de presse, le leader de l’opposition a tenu à apporter quelques précisions quant aux déclarations de SAJ. À l’époque, a-t-il confié, il n’avait proposé ni amendement à la Constitution ni mise en place d’une instance parallèle.

 


 

SAJ vs Navin Ramgoolam : l’affrontement des mots

 

C’est l’ancien Premier ministre qui a lancé la première salve. Et le samedi 17 décembre, sir Anerood Jugnauth lui a répondu en des termes pas très sympas. «Je me fiche de Ramgoolam», a lancé le chef du gouvernement avant de quitter les lieux de la Passing Out Ceremony de la force policière. Il répondait aux questions des journalistes qui cherchaient une réaction suite aux propos de Navin Ramgoolam. Plus tôt, cette semaine, le leader du PTr avait commenté la mise sur pied d’une Prosecution Commission : «Quand le DPP a clear Maya Hanoomanjee, il était bon. Quand il a clear Yogida Sawmynaden, il était bon. Quand il a clear Ravi Rutnah, il était bon. Quand il a clear Pravind Jugnauth dans un cas de sédition, il était bon. Quand le DPP m’a poursuivi dans l’affaire Roches-Noires, il était bon. Mais maintenant, il n’est pas bon.» Pour l’ancien Premier ministre, cette commission n’est qu’un moyen déguisé pour le gouvernement de protéger Pravind Jugnauth.

 


 

L’inquiétude d’Ashok Subron

 

Le porte-parole de Rezistans ek Alternativ s’inquiète pour la semaine à venir. Plusieurs amendements prévus à des lois existantes seront dangereux pour le pays, estime-t-il. Le Prosecution Commission Bill risque d’ébranler le fondement même du système judiciaire et démocratique du pays : «Un changement qui se fait dans le cadre d’une guerre de pouvoir entre ti-Jugnauth et Ramgoolam.»Alors que le Sugar Industry Efficiency Billaccordera «le jackpot aux barons du sucre» et que leNon-Citizen Property Restriction Billpermettra «aux riches étrangers et capitalistes d’acheter des propriétés à Maurice», ce qui entraînera une «nouvelle forme de colonisation du pays». Pour lui, le gouvernement Lepep est en chute libre. Il prévoit des manifestations de colère des Mauriciens dès janvier.

 


 

Le Bar Council dit… «chombo»

 

Face à toute cette agitation autour du projet de loi et de l’amendement constitutionnel, le Bar Council, qui s’est réuni en fin de semaine, a réclamé une consultation élargie à la place d’un vote précipité. Le Conseil de l’ordre des avocats devra se réunir encore une fois dans les jours qui viennent pour continuer les discussions.

 

Pas le pouvoir absolu 

 

Paul Bérenger le dit pour contrer un des arguments du gouvernement : le DPP n’a pas le pouvoir absolu car ses décisions sont déjà contestables. Pour appuyer son propos, le leader du MMM a cité le jugement Mohit en 2006, où le Privy Councila statué que toute décision du DPP est contestable via une Judicial Review.