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Privée de son identité et déclarée morte | Marie Marcelle Aliphon : «Mon monde s’est effondré»

Elle vit un véritable cauchemar. Après avoir appris que l’État civil ne la reconnaissait plus sous son nom mais sous celui de Sossil Manohar, cette habitante de Trou-d’Eau-Douce apprend qu’elle ne peut plus toucher sa pension de vieillesse car la vraie Sossil Manohar est décédée. Ce n’est pas tout car selon leurs documents respectifs, les deux femmes sont nées le même jour et ont les mêmes parents biologiques. Nous avons rencontré ces deux familles qui, depuis que cette affaire a éclaté, ne cessent de se poser des questions.

Il est de ces histoires incroyables où le mot mystère prend tout son sens. Comme celle de Marie Marcelle Aliphon, née Fidèle. Recroquevillée dans un sofa sous sa terrasse, cette dame de 79 ans essaie de se détendre en se laissant bercer par la brise légère venue de la mer. Car àTrou-d’Eau-Douce,oùelle vit, la chaleur est accablante en ce mois de décembre. Mais la vieille dame, tourmentée, n’arrive pas à lâcher prise et à profiter de ces petits instants de bonheur que la vie lui offre. Le regard perdu dans le vide, elle ne cesse de penser au calvaire qu’elle vit depuis maintenant deux ans, quand elle a découvert que l’État mauricien ne la reconnaît pas comme Marie Marcelle Aliphon mais comme Sossil Manohar, une personne qu’elle ne connaît pas. "Je suis accablée par cette affaire", lâche-t-elle.

 

Tout commence en 2014. Marie Marcelle Aliphon se rend au bureau de l’État civil afin d’obtenir sa carte d’identité biométrique. Sur place, elle tend à l’officier son ancienne carte d’identité sur laquelle il y a son nom et son prénom : Marie Marcelle Aliphon, née Fidèle, numéro de carte d’identité F0303371301558. "Il a vérifié sur son système et m’a dit que j’avais fait une application pour changer mon nom en celui de Sossil Manohar en mars 1987, alors que je n’avais jamais fait une telle démarche. J’ai appris que je ne pouvais pas avoir ma nouvelle carte d’identité sous mon vrai nom car l’État mauricien ne me reconnaissait plus sous ce nom."

 

C’est comme si le ciel lui était tombé sur la tête. "J’ai eu le choc de ma vie en découvrant cela. Je n’existais plus pour l’État mauricien sous mon vrai nom. Je ne savais plus quoi faire", confie tristement Marie Marcelle Aliphon. Commence alors son long combat pour savoir ce qui s’estréellement passéet récupérer son identité. Mais selon Marie Marcelle Aliphon, il n’y a pas eu de développement positif. Elle a à chaque fois entendu le même son de cloche. "Que j’avais changé de nom. On m’a même demandé d’accepter ce nouveau nom pour en finir une bonne fois pour toutes. Mais j’ai refusé car je ne peux pas accepter un nom qui ne m’appartient pas et ainsi renoncer à mon identité et à mes origines."

 

Deux ans plus tard, en octobre 2016, nouveau coup de tonnerre pour Marie Marcelle Aliphon. Encore pire que la première. LaSécuritésociale arrête de lui verser sa pension de vieillesse. Elle va aux renseignements et apprend que c’est parce qu’elle est considérée comme morte depuis le 30 mars 2016. Jour où le décès de la vraie Sossil Manohar a été déclaré à l’État civil.

 

"Mon monde s’est écroulé une deuxième fois lorsqu’on m’a appris cette nouvelle. J’ai beau expliquer que je n’étais pas cette personne et j’ai produit mes documents mais il n’y avait rien à faire. Pour eux, j’étais morte alors que je suis bel et bien vivante et que je ne suis pas Sossil Manohar. Fin octobre et fin novembre, je n’ai pas touché ma pension de vieillesse. Je dépends de cet argent pour subvenir à mes besoins", explique la septuagénaire, les larmes aux yeux.

 

Marie Marcelle Aliphon est née à Belle-Mare le 9 mars 1937 et ses parents sont Louis René Fidèle et Joseph Marie Nelly, comme le stipule son acte de naissance. Et c’est en épousant Bernard Aliphon, de qui elle a sept enfants, qu’elle est devenue madame Aliphon. "Mon mari est décédé il y a 48 ans. Et depuis, je n’ai pas refait ma vie, encore moins changé de nom", affirme la vieille dame, documents en main. Sauf qu’il y a une autre personne née Marie Marcelle Fidèle, comme elle. Et c’est justement la dénomée Sossil Manoharqui a changé de nom en cours de route.

 

Mêmes parents ?

 

Notre enquête nous a conduits à l’Espérance-Trébuchet chez la famille Bagoo. Sur place, nous avons rencontré Dharamdeo Bagoo, le fils aîné de Sossil Manohar. Il nous a aidés, documents àlappuilui aussi, à percer une partie du mystère. "À l’époque, ma mère s’appelait Marie Marcelle Fidèle. Sur son acte de naissance, il est écrit que les noms de ses parents sont Louis René Fidèle et Joseph Marie Nelly, des habitants de Belle-Mare. Toutes ces informations sont bonnes. Mais ma mère avait fait changer son nom en 1987 et depuis, elle était reconnue sous le nom de Sossil Manohar. Et lorsqu’elle a épousé mon père Bissoondial Bagoo, elle a pris le nom de son mari. Ils ont eu 12 enfants», explique Dharamdeo. Il confirme qu’il a perdu sa mère Sossil Manohar le 30 mars 2016. "Et depuis, sa pension n’était plus versée", précise notre interlocuteur qui est lui aussi loin de comprendre toute cette incroyable affaire.

 

Sa mère Sossil Manohar et Marie Marcelle Aliphon ont plus d’un point en commun. Selon leurs actes de naissance, elles sont toutes les deux nées le 9 mars 1937, à Belle-Mare. Les noms de leurs parents sont les mêmes : Louis René Fidèle et Nelly Marie Joseph. Et elles ont été déclarées sous le même nom :Marie Marcelle Fidèle. Mais la deuxième Marie Marcelle Fidèle – dont la carte d’identité porte le numéro M090337130155C – a juré un affidavit devant la Cour suprême de Maurice, en date du 28 juin 2016, certifiant qu’elle a bien fait un changement de nom le 31 mars 1987 afin de ne plus être appelée Marie Marcelle Fidèle mais Sossil Manohar. "Je sais que pour pouvoir épouser mon père qui est de foi hindoue, ma mère avait dû changer son nom car à l’époque, on n’acceptait pas les mariages interculturels. Et je sais aussi que ma mère a une unique sœur qui habite à Phoenix. Toute cette histoire est très étrange pour nous. Nous voulons connaître la vérité", soutient Dharamdeo Bagoo. 

 

Une quête de la vérité qui s’annonce difficile vu que Louis René Fidèle et Nelly Marie Joseph, qui sont les seuls à connaître la réponse, ou encore des proches de leur génération sont décédés depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, les proches de Marie Marcelle Aliphon et de Sossil Manohar sont confrontés aux mêmes questions. Est-ce que Sossil Manohara étédonnée en adoption ? Est-ce quelle est la jumelle de Marie Marcelle Aliphon ? Ont-elles été séparées àla naissance ? Et surtout, pourquoi leurs «parents»leur ont-ils donné les mêmes prénoms ?

 

Autant de questions qui restent sans réponses pour le moment et qui donnent le vertige aux proches des deux femmes au cœur de cette affaire. Pour l’heure, le mystère reste entier. Et s’il s’avère au final qu’elles sontsœurs, Sossil Manohar sera partie sans le savoir. Marie Marcelle Aliphon, elle, n’a qu’un souhait : retrouver son identité et être reconnue sous le nom que ses parents lui ont donné.Et pas celui de Sossil Manohar.

 


 

La Sécurité sociale dans la confusion

 

Nous avons sollicité l’avis d’un haut cadre du ministère de la Sécurité sociale concernant cette affaire. Ce dernier, dans la confusion totale par rapport à ce cas, nous a déclaré que Marie Marcelle Aliphon devra se présenter au bureau de la Sécurité sociale munie de tous ses documents afin qu’une solution soit trouvée. Sauf que la principale concernée affirme qu’elle a enclenché des démarches depuis 2014 et que rien n’a été fait. "J’ai relancé cette affaire il y a un mois et il ne s’est toujours rien passé", déplore-t-elle. Mais le haut cadre de la sécu persiste : la vieille dame devra se présenter sur place pour peut-être enfin voir la lumière au bout du tunnel.