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Polémique autour de la présidente de la République : Ameenah Gurib-Fakim fait trembler l’alliance gouvernementale

Une femme, deux hommes ; plusieurs possibilités ? Oui, mais pas quand on est, respectivement, chef de l’État et leaders des deux partis de l’alliance gouvernementale… Et que les choses se gâtent.

Stupeurs et tremblements… No stress : vous ne vous êtes pas trompé de rubrique. Ce n’est pas une revue sur le roman d’Amélie Nothomb, où l’honneur est au cœur de tout. Ici, il est question d’un séisme de magnitude kass partou qui secoue actuellement les plus hautes sphères de l’État. Les secousses les plus puissantes sont ressenties à Réduit. La présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, fait actuellement face à de graves allégations. Elle se défend – «Je n’ai rien à me reprocher», dira-t-elle au journal Le Défi – et met en doute sur Radio Plus l’authenticité des documents qui la mettent dans une position délicate (nous avons tenté de la joindre à plusieurs reprises mais sans succès). Mais la force des vibrations touchent, aussi, l’Hôtel du gouvernement et une alliance gouvernementale déjà fragile. Entre le MSM et le ML (responsable de la nomination de la scientifique à Réduit), tout n’est pas rose actuellement. Les fissures (provoquées par de nombreux sujets de discorde : les sorties contestées de Ravi Rutnah, l’affaire Vijaya Sumputh et, l’éclatement, l’année dernière, du premier axe de l’affaire Sobrinho-Gurib-Fakim, entre autres) avaient été rapidement colmatées. Mais tiendront-elles encore sous la pression ? Rien n’est moins sûr.

 

«Power glue»

 

Néanmoins, les célébrations du 12 mars semblent maintenir la structure vacillante, telle une power glue venue d’ailleurs. Selon un membre du MSM, la priorité du Premier ministre est la suivante : ne pas entacher cet événement. On ne veut pas fâcher le ML pour ne pas fer vilin (devant les invités venus de l’étranger pour les 50 ans) ? C’est un peu ça ! Toutefois, depuis les révélations faites par le quotidien l’express sur les dépenses – que le journal qualifie de «folles dépenses» – de la présidente avec une carte platinium fournie par le Planet Earth Institute d’Alvaro Sobrinho (voir hors-texte), les relations entre les deux principaux partenaires de l’alliance MSM-ML se sont vites dégradées. Ivan Collendavelloo préférant défendre la présidente au détriment de la cohésion gouvernementale. Oubliant tout sens de la mesure et de la précaution, il a sorti le bouclier pour Ameenah Gurib-Fakim, parlant de viol du secret bancaire et de… «so kass», cette semaine.

 

Une attitude qui aurait irrité le chef du gouvernement, selon l’un de ses proches collaborateurs : «Il est d’avis qu’il faut agir avec calme. Et l’hystérie de Collendavelloo et de Gurib-Fakim sur les ondes de Radio Plus ne l’aident pas à gérer cette situation au mieux.» Mais Pravind Jugnauth ne le dira pas ouvertement. Lui préfère rappeler l’importance du 50e anniversaire de l’Indépendance de Maurice. Il s’exprimait à la sortie du premier bureau politique de l’année du MSM, hier samedi 3 mars : «Je ne dirai rien des discussions que j’ai eues à ce propos actuellement.» 

 

Hier, le Premier ministre, pressé de questions, a dit qu’il va «gete ki li (NdlR : Ameenah Gurib-Fakim) ena pou dir» avant de se prononcer. Néanmoins, il se permet une petite réflexion. Des mots de rien du tout qui veulent tout dire : «Nous avons un rôle, en tant que Premier ministre ou présidente. Nous devons nous assurer que nous savons ce que nous faisons dans chaque action que nous prenons. Il y a des actions que nous savons que nous pouvons faire. Il y a des choses que nous savons que nous ne devons pas faire.» Et n’hésite pas à en rajouter juste un peu plus, au cas où : «Nous devons faire attention quand nous agissons, il nous faut prendre beaucoup de précautions surtout quand il s’agit de l’utilisation d’une carte. Ça peut provoquer de nombreuses spéculations.» Pour un membre du MSM, présent au Sun Trust, hier, son leader a tout dit : «Ça fait un moment que le ML nous embarrasse. Il est temps de leur faire passer un message fort. Nous avons un pays à gérer. Nous ne pouvons pas perdre de temps avec cette affaire. Collendavelloo doit apporter son soutien au gouvernement et pas à la présidente. S’il ne le veut pas, ce n’est pas grave ; il n’a qu’à s’en aller, nous conserverons notre majorité», confie notre interlocuteur qui a la mémoire courte (en termes de raisons d’embarras, le MSM a quand même des leçons à donner).

 

Libéré

 

Le président du MSM, libéré des devoirs ministériels, Showkutally Soodhun, s’est lui montré plus direct que le Premier ministre, en conférence de presse, cette semaine (il avait décidé de parler des retombées de son voyage en Arabie Saoudite). Il a osé un «si ou fane ou paye», lançant une mise en garde : «Il ne faut pas embarrasser le gouvernement. Il ne faut pas embarrasser le Premier ministre.» Au ML, même officieusement, c’est le silence. Il n’y a que les propos d’Ivan Collendavelloo et d’Anil Gayan à se mettre sous la dent. Et le ministre des Collectivités locales ne lâche pas sa présidente. Une tactique ponctuelle, estime un ancien militant qui connaît bien le leader du ML : «Il peut, actuellement, tenir tête à Pravind Jugnauth. Il y a le 12 mars, il peut donner l’impression d’être fort, d’être un leader qui n’est pas à la botte du MSM. Mais, bientôt, il sera obligé de rentrer dans les rangs s’il veut continuer à vivre politiquement.»

 

Au MSM, si officiellement les ministres ne s’expriment pas, évoquant le «respect» à la présidente. Officieusement, on évoque, sans problème, le malaise évident du Premier ministre : «Lors de la cérémonie à Réduit, son attitude valait plus que des mots. Sa froideur envers la présidente le démontrait», confie un membre du MSM. Pour lui, pour l’instant, Pravind Jugnauth adopte la position qu’il faut : «Nos 50 ans d’abord, ensuite on verra.» Ce n’est qu’après le 12 mars que l’avenir de l’alliance et celle de la présidente seront «tackled». Il faudra, donc, prévoir plus de… stupeurs et de tremblements.

 


 

Paul Bérenger: «La présidente fait honte à Maurice»

 

Le leader des Mauves a commenté en long et en large, hier, lors de son point de presse, le scandale qui secoue le sommet de l’État…

 

Sur la présidente: «La présidente s’était déjà disqualifiée avec l’affaire Sobrinho. Elle fait honte à toute l’île Maurice. Et elle aurait dû avoir la décence de se retirer. Sa façon de se défendre à la radio est choquante...»

 

Et Ivan Collendavelloo : «Le rôle de Collendavelloo est écœurant. Ce qu’il dit se reflète sur Pravind Jugnauth et sur le gouvernement actuel. Dans un proche avenir, toute la lumière sera faite sur l’implication de Collendavelloo dans l’affaire Sobrinho.»

 

Ainsi que l’absence de prise de position du Premier ministre : «Il paraît que Pravind et le MSM céderont au chantage d’Ivan et de Gayan comme ils ont cédé dans le cas de Sumputh. C’est une terrible affaire. La honte s’abat sur notre pays à travers la présidente à la veille de nos 50 ans.»

 

Le «bon» mot d’Ivan Collendavelloo…

 

«Mo pa kapav empess dimounn depans so kas». Le 1er mars à la PwC Corporate Reporting Awards Night, le  Deputy Prime Minister, Ivan Collendavelloo, a trouvé une nouvelle opportunité pour prendre la défense d’Ameenah Gurib-Fakim. Mais, comme vous le verrez, la technique n’est pas au point : «Ce n’est pas à moi de lui dire ce qu’elle doit faire (…) Je suis fier d’avoir proposé Ameenah Gurib-Fakim à la présidence du pays. Je suis persuadé qu’il y a une explication normale à ces dépenses. Mo pa kapav anpes dimounn depans so kas.»  Question toute bête : so kass sa ?

 

À l’étranger…

 

… On en parle. The Independent de Singapour ose ce titre: «Mauritius President mired in financial scandal, set to quit». Le site d’info Allafrica.com parle de la motion de blâme de Shakeel Mohamed. Et à l’île de la Réunion, on parle de «tourmente». Le site d’information français Mediapart a, lui, dévoilé cette semaine les résultats d’une enquête sur Alvaro Sobrinho, signé Micael Pereira et Michael Bird. On peut y lire : «Mediapart et l’EIC révèlent qu’Alvaro Sobrinho, homme d’affaires proche du pouvoir angolais, poursuivi au Portugal et en Suisse, a détourné plus de 600 millions de dollars de la Banco Espirito Santo Angola lorsqu’il dirigeait la banque, par le biais de sociétés-écrans alimentées par des opérations fictives de retraits d’espèces.»

 

Pour rappel

 

Elle avait dit, en février 2017 : «Je n’ai jamais reçu de rémunération du Planet Earth Institute»

 

Selon le chapitre IV de la Constitution, celui ou celle qui occupe la présidence ne peut exercer «any profession or calling or engage in any trade or business».

 

Le prix fort. Ameenah Gurib-Fakim paie le prix fort de sa proximité avec le businessman, Alvaro Sobrinho, qui est inquiété dans des affaires financières à l’étranger. Suite aux révélations concernant le businessman, elle avait annoncé qu’elle se retirait du Planet Earth Institute, une ONG où elle évoluait aux côtés de l’Angolais. À l’époque, ce dernier voulait faire des affaires à Maurice et avait obtenu plusieurs licences d’opérations de la Financial Services Commission, désormais gelées. Toutefois, les courriels émanant de la présidente s’intéressant de près à l’octroi de ces permis et les rumeurs affirmant qu’elle aurait organisé des diners pour faciliter les rencontres de Sobrinho (avec l’aide de son secrétaire, Dass Appadu, devenu salarié du businessman avant de retourner dans la fonction publique) sont restés dans les mémoires.

 


 

Palpitante semaine…

 

Pour vous retrouver dans toute cette affaire, voici un condensé des événements qui ont eu lieu cette semaine. Pour consulter les documents publiés par l’express, faites un tour sur le site Web du quotidien.

 

◗ Mercredi 8 février. Le quotidien l’express lâche la bombe, documents à l’appui. Ameenah Gurib-Fakim a bénéficié d’une carte de crédit émanant du Planet Earth Institute (PEI) (financé par le milliardaire angolais, soupçonné, entre autres, de détournement de fonds). La limite ? Rs 1 million. Le but de cette carte, émise par la Barclays Bank, aurait été de financer la promotion du programme de doctorat du PEI. Cependant, le quotidien vient établir (pour les mois de septembre, d’octobre, de novembre et de décembre 2016) que cette carte a été utilisée pour faire des achats, a priori personnels. Quelques exemples : Rs 589 556 pour des apparel à Dubaï, Rs 800 117 au Shoe Plaza LLC d’Abu Dhabi, Rs 480 000 chez Shiv Jewels Impex…

 

◗ Jeudi 1er mars. Tous les projecteurs sont braqués sur le château du Réduit : Ameenah Gurib-Fakim et Pravind Jugnauth se retrouvent dans la même fonction : la réception organisée en l’honneur des lauréats, à la State House. D’ailleurs, plus tôt, dans la matinée, ils se sont rencontrés pour leur réunion hebdomadaire. Mais Pravind Jugnauth ne voudra pas révéler la teneur de cette conversation. Ni commenter toute l’affaire. Néanmoins, entre le chef de l’État et le chef du gouvernement, la gêne est palpable. Les échanges sont rares et peu chaleureux.

 

- L’opposition fait le plein de munitions. La rentrée parlementaire sera caliente (si rien n’est fait d’ici là). De tous bords politiques (de l’opposition), on condamne les «agissements» de la présidente et on demande sa démission. Shakeel Mohamed annonce, lui, qu’il va présenter une motion de blâme contre la présidente à la rentrée parlementaire, prévue pour le 27 mars. Une correspondance est envoyée en ce sens au clerk de l’Assemblée nationale. Lors de son point de presse, hier, Paul Bérenger a fait la déclaration suivante : «Nous donnerons un coup de main pou fer prezidant ale. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’autres motions.»

 

- La majorité, elle, s’interroge… sur la fuite à la Barclay’s Bank. Anil Gayan, ministre du Tourisme et membre du ML, condamne l’express d’avoir publié ces documents qui risquent de ternir la réputation du secteur bancaire local.

 

◗ Vendredi 2 mars. Le défi d’Ameenah Gurib-Fakim. La présidente de la République sort de son silence : elle met en doute l’authenticité des documents du quotidien. Et lance un défi à l’express sur les ondes de Radio Plus : que le journal authentifie les documents sous 24 heures. Un challenge auquel répond le directeur des publications de La Sentinelle, Nad Sivaramen, en rappelant que les vérifications nécessaires ont été faites au préalable : «Si les documents n’étaient pas authentiques, ne pensez-vous pas que la présidente aurait déjà démenti ? Et pensez-vous que Collendavelloo aurait dit qu’elle a le droit de dépenser son argent comme bon lui semble ?»

 

- La franchise de Showkutally Soodhun. Le président du MSM défend farouchement son Pravind et ne mâche pas ses mots : «Si ou fane, ou paye (…). Sakenn bizin pran so responsabilite. Li bizin kone ki li pe fer (…) Bizin pa embarass gouvernman ek Premye minis.»

 

- Les explications de Tania Diolle. Elle est une politicienne, membre du MP et politologue. Et elle a décidé d’exprimer son point de vue sur son compte Facebook en s’appuyant sur son interprétation de ce poste constitutionnel : «(…) En acceptant la vice-présidence du PEI, tout en étant chef de l’État de la République de Maurice, elle a automatiquement exposé cette institution au «scrutiny» de la population et de l’opinion publique de la République de Maurice. Elle n’a simplement pas droit au secret ! Seul, l’État mauricien a droit au secret et non pas la personne qui occupe le poste de président qui est un personnage public (…)»

 

◗Samedi 3 mars. L’express en remet une couche et lance «nos documents sont tout aussi authentiques que les bijoux de Shiv Jewels» : d’autres documents sont publiés  Et le délai de 24 heures est passé. Néanmoins, à l’heure où nous mettions sous presse, la présidente de la République n’avait rien déclaré.