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Plage déproclamée : Pomponette, la menacée

Ce magnifique bout de sable du littoral devrait voir l’arrivée d’un projet hôtelier. Qu’en pensent ceux qui fréquentent cette beach ou qui habitent non loin de ce coin sauvage ?

Un choc. Comme un uppercut au cœur. La beauté de l’instant met K.-O. Découvrir – ou redécouvrir – la plage de Pomponette, c’est en prendre plein la tronche. Une gauche, une droite et du bleu, tantôt turquoise, tantôt roi, tantôt grisâtre, qui ondule à la surface de l’eau pour une incroyable palette de nuances. Ici, la mer a tous les droits (d’ailleurs, une pancarte annonce que le bain y est dangereux) et en ce mercredi 23 novembre, elle s’est réveillée houleuse, tourbillonnante, hypnotisante. Les vagues mordent le rivage dans un rythme effréné et, tout autour, la mélodie assourdissante de l’océan emplit l’espace. Au loin, sur les récifs, là où l’eau se fait jet, les embruns brouillent la vue et laissent croire qu’un souffle de brouillard s’est emparé des extrémités decette plage sauvage du Sud.

 

C’est là qu’une parcelle de plage a été déproclamée (elle n’est plus considérée comme étant du domaine public) par le ministre des Terres Showkutally Soodhun. Le but ? Octroyer ce terrain à un promoteur en vue de la construction d’un hôtel. Des membres de la plateforme Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL) ont fait une demande à la Cour suprême pour obtenir une révision judiciaire de cette décision, il y a quelques jours. La motion a été présentée le lundi 21 novembre devant le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et l’affaire a été renvoyée au 16 janvier 2017. Une action qui s’inscrit dans une série d’initiatives visant à stopper le «festival laplaz». Il s’agit des termes des contestataires, décrivant ainsi les récentes décisions du gouvernement Lepep concernant la privatisation de certaines plages et de pas géométriques à travers l’île. D’ailleurs, une marche sera organisée en ce sens le mercredi 30 novembre (voir plus bas).

 

Néanmoins, malgré cette mobilisation,empreinte de symbolisme, est-ce que les usagers de cette plage et ceux qui habitent dans le village le plus proche, Riambel, sont contre un projet hôtelier ? En jour de semaine, la plage est – presque – déserte. Sous les filaos, un couple écoute les murmures venant de la mer pour un moment de détente à deux. Nous n’allons pas les déranger. Un peu plus loin, c’est un homme d’un certain âge, en combinaison orange de ceux qui nettoient les plages, qui fait des tas de feuilles à ramasser. Tous les jours, celui qui habite Chemin-Grenier passe ses journées à pomponner Pomponette. Il ne nous dira pas son nom parce que «ena problem ladan».

 

Mais il n’est pas contre l’idée qu’un hôtel s’invite sur son lieu de travail. Il trouvera bien un autre bout de plage à nettoyer :«Il y a beaucoup trop de chômeurs dans le Sud. Alors si c’est un établissement qui recrute les Mauriciens, je suis pour.»Ce serait mieux que de laisser les jeunes au désœuvrement : «Il y a tellement de vols en ce moment. C’est parce que les gens ne trouvent pas de boulot.» L’arrivée d’un hôtel dans cette région pourrait donc tout changer.

 

«Mauvaise idée»

 

À quelques mètres de là, un groupe d’hommes s’organisent et dressent la table de leur pique-nique. Pour ce rendez-vous mensuel entre cousins, ils ont choisi la plage de Pomponette (comme ils le font régulièrement). Ils viennent de Floréal et de Vacoas, et ont fait toute la route pour retrouver cet endroit où il fait bon être. «C’est tranquille, c’est nature. On peut y respirer du bon air», confie Randhir Gopaul qui exerce le métier de «transporteur».Alors, quand on lui parle d’un projet hôtelier sur cette plage qu’il affectionne, il voit rouge : «C’est une très mauvaise idée ! Déjà que nous avons de moins en moins de plages pour enjoy, il ne faudrait pas nous enlever celle-là aussi.»À Saint-Félix, dit-il, les Mauriciens n’ont plus accès à une grande partie de la plage. Et ce n’est qu’un exemple : «Sa gouvernman la blok dimunn. Si nous avons de moins en moins de plages publiques, comment allons-nous faire lors des week-ends de grande affluence comme pour Pâques ou Ganga Asnan ?»

 

Si les contestataires des décisions gouvernementales sur le littoral invoquent des principes de prudence concernant l’environnement ou un combat symbolique contre l’accaparementdu bien de tous les Mauriciens, du morcellement d’une île qui appartient à tous, chez les particuliers, les préoccupations sont beaucoup plus terre à terre (ou plage à plage !). Fi Sundhevy ne s’inquiète pas, par exemple, des problèmes que pourrait causer un établissement hôtelier à l’écosystème préservé de cette plage du sud de l’île. Ou alors pas consciemment. Elle qui habite à moins de cinq minutes de ce coin de détente se demande si elle pourra toujours emprunter les petits simin traverse– des raccourcis – pour rejoindre cet endroit qu’elle affectionne particulièrement : «Pena zour ni ler, mo la ba. J’y vais en marchant, ce n’est pas loin. Ça nous permet de nous relaxer, de passer un bon petit moment en famille.»

 

Dans le sud de l’île, la vie a un autre rythme. Les moments de détente se passent à la plage et non dans les malls. La vie des habitants du littoral est intimement liée à celle des grains de sable et des marées : «Avec un hôtel, les pêcheurs pourront-ils travailler comme maintenant ? Ou les touristes vont tout perturber avec les bateaux de plaisance ?»C’est Chantal Louise qui se pose la question. Néanmoins, celle qui travaille pour l’ONG Centre d’écoute et de développement, qui se trouve à deux pas de Pomponette, ne se prononce pas pour autant contre un projet hôtelier. Elle attend de voir : «Avec l’arrivée d’un tel projet, il peut y avoir du positif comme du négatif.»

 

Alors que des enfants jouent dans un kiosque et que d’autres femmes, comme elles, travaillent à l’aménagement du jardin de ce centre, elle développe :«Si cet hôtel n’emploie pas les gens de la localité et les Mauriciens en général, c’est un problème. Il ne faudrait pas qu’il y ait plus d’hôtels que de plages publiques non plus.»Néanmoins, si les conditions sont réunies et que les choses se font dans la transparence et dans le respect de chacun, elle envisage ce changement positivement :«Si nous avons toujours accès à la plage, que les Mauriciens trouvent des emplois : pourquoi pas. Mais il faut venir nous expliquer, il faut communiquer, il faut nous demander notre avis.»

 

Être partie prenante d’un changement aussi grand, c’est une nécessité, estime Chantal. Car entre Pomponette et elle, c’est une histoire de vie. Des moments échangés, des instants de bonheur, des grandes tristesses pleurées à même le sable. Mais aussi tout plein d’uppercuts au cœur devant tant de beauté.

 


 

Rendez-vous le 30 novembre

 

À partir de midi, l’allée des voyageurs, qui se trouve à côté du Jardin de la Compagnie, sera le lieu d’une marche pacifique organisée par le mouvement Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL). Une manifestation ayant pour but de dire sa désapprobation par rapport à la politique du gouvernement concernant les plages et les pas géométriques. Depuis plusieurs mois, l’équipe gouvernementale de l’Alliance Lepep, menée par le ministre des Terres et du logement, Showkutally Soodhun, enchaîne des décisions administratives réduisant, selon les contestataires, sensiblement la portion de plage accessible au public et empiétant sur les plus belles ressources côtières de l’île (notamment du Sud). Le ministre affirme que ces décisions sont prises pour la création de l’emploi et le développement des régions concernées (et que d’autres morceaux de plages ont été proclamées publiques). Les protecteurs de l’environnement et les citoyens engagés, eux, refusent de laisser du terrain. Et ils comptent se battre. D’ailleurs, plusieurs Judicial Reviewsont été demandés concernant le changement de statut de plages telles que Blue-Bay, Saint-Félix, Rivière-des-Galets et Bel-Ombre mais aussi le «don» des pas géométriques des plages de Pomponette et Plaines-des-Roches à des promoteurs étrangers. C’est toute une partie du sud de l’île qui s’apprête à connaître des changements sans précédent.

 

PS : Si vous voulez soutenir les actions en Cour d’AKNL, vous pouvez contribuer en faisant un don au compte suivant (MCB) : 000443848653.