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Pilotes vs direction : Violentes secousses à Air Mauritius

La compagnie aérienne a connu une semaine mouvementée entre vols annulés, grogne des passagers, griefs des pilotes, limogeages et menaces de déportation.

La compagnie nationale a connu une fin de semaine mouvementée, entre vols annulés, grognes des passagers, griefs des pilotes, limogeages et menaces de déportation, entre autres rebondissements qui ont mis en lumière un certain mal-être au sein d’Air Mauritius.

Des turbulences qui ont fait perdre des plumes au Paille-en-queue. Le jeudi 5 octobre, la compagnie aérienne nationale est passée par de véritables zones de turbulences. Le sujet de discorde : la révision des conditions d’emploi du personnel navigant. Plusieurs vols programmés d’Air Mauritius (sur Hong Kong, Bangalore, Londres et Perth) sont  annulés parce que plusieurs pilotes avaient en même temps pris un congé maladie. Conséquence de cette action : plus de 1 000 passagers (en colère) sont restés cloués au sol. 

 

Une vraie bataille s’en est suivie, entre action punitive, déclarations cinglantes, ripostes via communiqués sur fond de négociations… Bref, plusieurs rebondissements qui ont rythmé cette fin de semaine, les vols annulés ayant mis en lumière un certain mal-être au sein de la compagnie aérienne alors que l’ombre de Mike Seetaramadoo, Executive Vice-President (EVP) Commercial and Cargo et responsable des ressources humaines de MK, plane sur toute cette affaire. 

 

«(…) Vous êtes secondé par un homme qui nous hait pour avoir pris la défense de Megh Pillay. Oui, c’est vrai, les pilotes avaient envoyé une lettre au boardpour montrer leur inquiétude de voir le CEO menacé de devoir quitter son poste. Vous connaissez la suite de l’histoire : ce CEO a dû quitter son poste et la personne qui avait été écartée est revenue», fait état Michel G. A. Bourgeois, commandant de bord long courrier. Dans le sillage de cette affaire, il a adressé une lettre ouverte au président d’Air Mauritius. 

 

Suite aux incidents à l’aéroport, la direction de MK n’a pas tardé à riposter. «Une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur ce qui semble être une action concertée», a affirmé le Chief Executive Officer (CEO) d’Air Mauritius, Somas Appavou, lors d’une rencontre avec la presse le vendredi 6 octobre et durant laquelle il a parlé «d’un petit groupe d’employés qui tient en otage nos clients, notre compagnie, notre pays», avant de demander à ces pilotes de se ressaisir. Il a également évoqué des «sanctions» suite aux conséquences financières considérables que cette affaire a occasionnées pour la compagnie.

 

Le même jour, suite à une réunion d’urgence du conseil d’administration, trois pilotes sont limogés avec effet immédiat, avec une menace d’expulsion pesant sur les pilotes étrangers. L’un d’eux, Patrick Hofman, président de l’Airline Employees Association (AEA), a confirmé, hier matin, la présence de policiers devant chez lui à Tamarin. Un ordre d’injonction intérimaire a été émis hier après-midi pour empêcher sa déportation. L’affaire sera appelée en Cour demain après-midi. à ses proches, il a dit qu’il était confiant. Une réunion de crise qui a eu lieu hier soir entre un groupe de pilotes et la direction pour essayer de trouver un compromis n’a finalement abouti à rien. 

 

«Tentative d’intimidation»

 

D’une prise de position à l’autre, les syndicats des employés d’Air Mauritius, nommément de l’AEA et de la Mauritius Air Line Pilots Association (MALPA), ont, dans un communiqué, qualifié les actions que la direction de la compagnie nationale d’aviation a prises contre les piloteslimogés de «tentative d’intimidation» et de«sanctions arbitraires et injustifiées». Le Premier ministre Pravind Jugnauth a également commenté l’affaire, déclarant qu’il trouve inacceptable que certaines personnes décident d’agir contre l’intérêt du pays, avant d’apporter son soutien au conseil d’administration. 

 

Pourtant, lors d’une rencontre avec 5-Plus vendredi après-midi, certains avancent qu’il n’a jamais été question de bloquer les avions au sol. Cette situation, affirment-ils, est le fruit du «mauvais traitement» qu’ils subissent depuis quelques années. «Nous avons le droit d’être malade, de refuser de travailler alors que nous sommes en congé, et de ne pas répondre au téléphone lorsqu’on est au repos. C’est tout à fait légitime. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que ces vols n’ont pas décollé parce que nous nous sommes absentés mais parce qu’il n’y avait aucun remplaçant», affirme un des pilotes, qui a souhaité rester anonyme. «Nous sommes à bout. C’est eux qui nous rendent malades. Cela fait deux ans que la direction refuse de nous écouter et de discuter. Tout ce que nous avons dit, c’est que désormais, nous ne leur rendrons plus aucun service.»

 

«Nous sommes inquiets»

 

Dans ce branle-bas de combat, les pilotes ont usé de toutes les armes à leur disposition. La MALPA a ainsi fait une requête d’assistance à travers la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA).À la base de ce litige qui oppose les pilotes à la direction d’Air Mauritius : des conditions de travail inacceptables. En fin de semaine, les pilotes ont aussi mis en avant les termes non respectés des conditions du Memorandum of Understanding signé il y a quelque temps, le changement sans concertation dans le calcul des heures de vol, l’incertitude entourant les billets offerts aux pilotes mais aussi la chute de 25 % du salaire et des congés qui passeront à 27 jours au lieu de 42 par an pour les nouvelles recrues. «Nos contrats arrivent à expiration dans quelques années. Nous sommes inquiets. Ils nous ont imposé des changements dans nos conditions de travail sans aucune concertation», souligne l’un d’eux. 

 

Si les vols arrivent à décoller, lancent-ils, en expliquant la situation qui a ébranlé le pays jeudi, c’est uniquement grâce à la bonne volonté des pilotes qui n’hésitent pas à travailler alors qu’ils devraient être en congé. «Air Mauritius est en sérieux manque d’effectif et ne travaille pas selon un système de stand-by.J’ai une petite fille que j’ai à peine vu grandir. À chaque fois que je suis congé, on m’appelle pour venir bosser. Du coup, je dois annuler tout ce que j’ai prévu. Je lui dis quoi à mon enfant ? Je suis à la maison huit jours par mois, tout cela pour travailler plus pour gagner moins ?» s’insurge un jeune pilote. Celui-ci dément aussi les Rs 400 000 que recevrait un pilote lorsqu’il est embauché. «Ça fait dix ans que je travaille chez Air Mauritius et je gagne Rs 250 000. Ce ne sont que des mensonges pour nous discréditer.»

 

Si la direction de MK a déploré une «action concertée» en parlant des incidents de jeudi soir et assure qu’elle ne cédera jamais au «chantage», le communiqué conjoint de l’AEA et de la MALPA réfute qu’il y ait eu une action concertée. Selon les syndicats, il y aurait uniquement eu un conseil, de la part des syndicats à leurs membres, que ces derniers ne sont sous aucune obligation de travailler lors de leur jour de repos avec un court préavis. Un conseil qu’ils estiment avoir été nécessaire car les pilotes travaillaient à la limite de leur capacité face à un manque de personnel, alors que la direction de MK persiste à bafouer les droits de ses employés. 

 

Le communiqué s’attarde aussi sur la résiliation du contrat du pilote Patrick Hofman. Selon le document, le contrat de Patrick Hofman a été résilié sur la base d’un refus du pilote de se soumettre à un examen médical. Or, les syndicats affirment que Patrick Hofman n’a jamais été contacté par un médecin, ni par un représentant de MK pour un quelconque examen médical.  Les pilotes avancent que ceux qui se sont absentés sont réellement malades, certificat médical à l’appui. La seule chose qui change, avance un autre pilote, c’est qu’à cause du litige qui les oppose à la direction, ils ont décidé de ne plus faire d’efforts. 

 

Dans une lettre, l’AEA et la MALPA, qui ont logé une plainte en Cour, demandent à leurs membres de ne plus accepter de travailler lorsqu’ils sont en congé. Une décision, disent-ils, qui avait été communiquée à la direction d’Air Mauritius. «Ces dernières années, nous avons constamment essayé de discuter, en vain. Nous avons fait énormément d’efforts pour aider la compagnie mais notre bonne volonté a été trompée. Nous avons le droit d’être malades, de refuser de travailler alors que nous sommes en congé et de ne pas répondre au téléphone lorsqu’on est au repos. C’est tout à fait légitime», affirme un autre pilote qui, comme ses collègues, n’a cessé, depuis quelque temps, d’essayer d’établir une ligne de communication avec la direction de MK pour éviter ce que la compagnie passe par de telles zones de turbulences. 

 

 

Christophe Karghoo et Amy Kamanah-Murday