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Pauline Verner : «Nous ressentons un manque d’intérêt pour les droits des personnes LGBT»

Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, observée le mercredi 17 mai, le Collectif Arc-en-Ciel a lancé une nouvelle campagne de sensibilisation : Idantite Konzige. Pauline Verner de l’association nous parle du chemin parcouru de la création de l’organisme, en 2005, à ce jour.

Douze ans depuis que le Collectif Arc-en-Ciel (CAEC) est présent à Maurice. Quel bilan faites-vous du chemin parcouru ?

 

Le CAEC a été créé le 17 mai 2005, alors que l’homosexualité était vraiment taboue à Maurice. Depuis, nous avons traversé plusieurs tempêtes et aperçu quelques mirages. Il faut dire que peu de choses ont changé pour les personnes Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). Légalement, elles ne sont toujours pas reconnues, et bien que les mentalités aient beaucoup évolué, il reste encore du travail. En 12 ans, l’association s’est professionnalisée et a bien grandi. Il était indispensable que nous soyons plus présents sur la scène médiatique et dans le paysage mauricien. Il y a encore quelques années, nous étions cachés dans une rue de Belle-Rose. Aujourd’hui, notre bureau se trouve sur la route Royale de Quatre-Bornes. Cela n’aurait probablement pas été possible cinq ans de cela. En tant qu’éternelle optimiste, je me concentre sur le futur et sur les défis à relever. 

 

Notez-vous un changement dans la mentalité des Mauriciens vis-à-vis des personnes de la communauté LGBT ?

 

Oui ! Depuis la première campagne nationale de sensibilisation en 2015, on observe une évolution positive des mentalités. Que cela soit sur les réseaux sociaux ou dans le traitement des questions LGBT par la presse mauricienne : on en parle. D’année en année, les commentaires les plus virulents laissent place aux commentaires de soutien, c’est un marqueur important. 

La nouvelle génération est également très consciente des discriminations subies par la communauté LGBT mauricienne et nous sommes de plus en plus contactés par les universités, les étudiants, pour informer, sensibiliser ou répondre aux questions. 

 

Au sein du collectif, vous ne cessez d’innover. Des campagnes d’affichage dans toute l’île, une marche des fiertés dans les rues de Port-Louis… Ces initiatives aident-elles à faire avancer la cause homosexuelle ?

 

Définitivement. Depuis cette première campagne, qui a beaucoup fait parler d’elle, les langues se sont dénouées. Encore aujourd’hui, des parents et des jeunes nous contactent car ils ont découvert notre existence en 2015. En deux ans, nous avons vu une réelle évolution du traitement des questions LGBT par les médias et sur les réseaux sociaux. La balance commence tout doucement à pencher du côté du respect des droits humains pour tous, et cela marque bien l’évolution des mentalités qui s’opère.

 

Pouvez-vous nous parler de votre nouvelle campagne ?

 

Cette année, dans le cadre de la 12e Journée internationale de lutte contre l’homophobie et de la transphobie, nous avons lancé une nouvelle campagne de sensibilisation. Idantite Konzige, réalisée avec le soutien de l’IFM et des partenaires artistiques engagés (Sylvian Sébille, photographe, SAO et Julien G – Konnektion, et les auteures Shenaz Patel, Daniella Bastien et Claire Thévenau), a pour objectif de sensibiliser différemment. On a souhaité faire le pari de la «revendication à travers les arts» pour transmettre un message d’acceptation de l’autre, de respect et d’humanité aux Mauriciens. L’art est un vecteur d’émotions mais également de messages et nous croyons fortement qu’à travers cette collaboration, le public comprendra les difficultés que peuvent vivre les personnes LGBT à Maurice. Les premiers retours sont d’ailleurs très positifs.

 

Expliquez-nous le fonctionnement du collectif…

 

Le CAEC est une association dirigée par un conseil d’administration composé de neuf personnes bénévoles et d’un manager qui gère l’opérationnel au quotidien, la partie administrative et financière, et le plaidoyer de l’association. Nous sommes avant tout une association communautaire, c’est-à-dire que les décisions sont prises par les premières personnes concernées : les personnes LGBT. Nous organisons, pour cela, de nombreuses consultations ouvertes tout au long de l’année. Nous fonctionnons avec un plan d’orientation stratégique défini pour une durée de trois ans, conçu avec la participation de la communauté, de nos membres et partenaires. Tous les projets menés par le CAEC s’inscrivent dans les stratégies qui sont définies en amont.

 

Comment faites-vous pour financer vos activités ?

 

Côté finances, le CAEC tente de développer différentes stratégiques pour lever des fonds car nous ne parvenons pratiquement pas à obtenir de financement au niveau local – CSR ou subvention locale. Nous sommes récipiendaires du Fonds mondial pour le programme de prévention que nous menons sur le terrain et nous avons obtenu l’an dernier une petite subvention d’une fondation sud-africaine afin de mener nos activités de soutien. 

En décembre dernier, nous avons failli fermer nos portes car nous ne pouvions plus payer nos frais de fonctionnement. C’est grâce à la plateforme Small Step Matters que nous avons réussi à sauver l’association de justesse. 

 

Vous avez aussi un groupe de jeunes qui va régulièrement à la rencontre d’autres jeunes. Comment se passent ces rencontres ?

 

Les jeunes dont vous parlez font justement partie de notre équipe de prévention qui se déplace aux quatre coins de l’île pour informer, sensibiliser et accompagner les hommes et les femmes homosexuels et bisexuels, et les personnes transgenres sur les questions d’infections sexuellement transmissibles, dont le VIH. Ils sont le véritable «pont» entre l’association et les bénéficiaires. Grâce à leur travail, nous sommes informés plus rapidement des situations alarmantes (santé, discrimination, homophobie/transphobie, etc.). Nous avons développé un service de prévention en ligne et chaque travailleur de terrain peut répondre aux questions des anonymes. Cela permet une présence permanente pour pouvoir intervenir rapidement. 

 

Ressentez-vous un «concern» des autorités pour l’avancement des droits de la communauté gay ?

 

Jusqu’à présent, nos demandes de rencontre adressées aux décideurs politiques n’ont jamais été acceptées. Chaque année, nous adressons notre plaidoyer mais nous ressentons un véritable manque d’intérêt pour les droits humains des personnes LGBT. Il y a un cruel manque de considération dans la législation mauricienne et la section 250 de notre code pénal criminalise encore la sodomie entre adultes consentants. Cela viole plusieurs articles relatifs à la non-discrimination et au respect de la vie privée. Cette semaine, le DPP a publiquement pris position en faveur d’une révision de cette loi archaïque et nous le félicitons. Nous attendons des actions de la part des législateurs car il est temps que l’île Maurice se modernise à ce sujet.

 

Bio express

 

Détentrice d’un master de sociologie et d’un diplôme d’état d’ingénieur social, Pauline Verner, qui a étudié à Strasbourg en France, a choisi très tôt de donner une dimension sociale à sa vie. Elle s’est jointe au Collectif Arc-en-Ciel en 2014.

 

Autour d’une campagne

 

Dans le cadre de la 12e Journée internationale de lutte contre l’homophobie et de la transphobie, qui a eu lieu le 17 mai, le CAEC lance sa nouvelle campagne : Idantite Konzige. Le concept : permettre à l’art de transmettre un message d’acceptation de l’autre. «Un message d’espoir, de respect et d’humanité.»

 

Douze œuvres, pour 12 années d’existence, seront dévoilées. Ces photographies mettent en scène des vraies personnes issues de la communauté LGBT mais également des alliés.

 

Cette campagne, exposée à The Ground, se tiendra jusqu’au 27 mai, puis sera au Caudan du 29 mai au 4 juin, et chez l’Antiquaire à partir du 6 juin. Les œuvres seront ensuite vendues. La recette permettra au CAEC de dédommager les parties prenantes de ce projet qui ont travaillé pro bono plus d’un mois durant pour permettre à cette campagne d’exister, et de financer ses frais de fonctionnement. 

 

La 12e Marche des Fiertés se tiendra les 2 et 3 juin.