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Partielle au nº18 : Les raisons de l’abstention

Arvin Boolell a remporté cette partielle avec 35,11 % des votes.

Un chiffre record : celui du nombre de personnes qui n’ont pas voté pour cette élection. Pourquoi les habitants de cette circonscription n’ont pas fait le move ? Éléments de réponse…

Le soleil se couche sur Belle-Rose-Quatre-Bornes. C’est le temps de se retrouver pour enn ti palab sous l’auvent de Venise Resto, le rendez-vous incontournable d’un quartier rouge vif de la ville des fleurs, ce mercredi 20 décembre. C’est à quelques pas de là qu’Arvin Boolell a enchaîné congrès et rencontres et a construit sa route jusqu’à la victoire à la partielle dont la proclamation des résultats a eu lieu le lundi 18 décembre. Pourtant, ce sont ceux qui se sont abstenus qui nous intéressent. Ceux qui font partie de la majorité silencieuse qui ne s’est pas déplacée pour voter.

 

Le candidat du PTr a recueilli 35,11% de votes (calculé à partir du nombre de personnes qui ont voté : 23 112). Néanmoins, le plus «gros» pourcentage de cette élection au nº18 va à l’abstention (un record ; voir hors-texte) : 45,04%, chiffre calculé sur le nombre d’électeurs (42 052). Pour tomber sur ceux qui avouent n’avoir pas fait leur devoir civique et qui veulent en parler, c’est – presque – un chemin de croix.

 

Le vote ou le non-vote est quelque chose d’intime. Poser la question embarrasse et braque. Mais après une petite bière, dans la chaleur étouffante, on trouve du courage. Et un peu d’agressivité : «Kifer zot le mo nom ? Mo pa pou donn zot», lance, vindicatif, un monsieur rencontré au restaurant. Quelques minutes plus tôt, il a vidé son  verre : non, il n’a pas voté, il ne voulait pas «rod lamerdma». Le système politique ? Ça le gave : «Les élus ont de gros salaires et ils ne font rien. Et qui paye ? Lepep ! Zot pran nou pou kouyon.» Pendant de longues  minutes, il s’énerve de l’attitude des députés au Parlement, des scandales à foison et des rapprochements entre  politiciens qui pourrissent le processus électoral : «Zordi zot kras lor zot kamarad, dime zot pe fer lalians. Zot fer sinema apre zot manze bwar ensam.»

 

Tout ça a besoin de changer. Mais il ne sait ni comment ni quand ce renouveau aura lieu. Et pour l’instant, les partis alternatifs ne semblent pas le convaincre. Son refrain sans couplet : «Bizin sanze.» En attendant qu’il trouve la réponse, changeons de quartier à la recherche de la denrée rare (du moins, bien cachée) : le visage de l’abstention. Pour la trouver, il faut s’arrêter à de nombreuses boutiques, entrer dans la cour des habitants de la ville et aborder des gens sur la route. Aller jusqu’à suivre des activistes vers des maisons où ils assurent que des gens n’ont pas voté… Et retourner bredouille parce que ceux-ci assurent être allés accomplir leur devoir civique (penchés sur leur balcon). Charmant.

 

Ça arrive toutefois de tomber sur ceux qui veulent bien s’épancher en toute discrétion. Parmi, Sada, qui se décrit comme un «vieil électeur». Mais cette année, il a décidé de ne pas participer à cette élection : «Se enn gaspiyaz. Nous avions déjà voté en 2014. Xavier-Luc Duval et Roshi Bhadain n’ont rien fait pour la ville.» La démission du leader du Reform Party a accentué son agacement. Et l’élection d’Arvin Boolell a rajouté une couche à son énervement : «Zot inn relev dimoun mor.» Mais il se dit que tant que le communalisme et le racisme seront présents dans l’île, il n’y aura pas d’alternative aux partis traditionnels : «Nou bizin enn lekip zeness ki kapav redress pei. Une vague comme celle menée par le MMM dans les années 60. Les autres sont déjà corrompus. Zot pans ziss kokin.»

 

Les candidats comme Alexandre Barbes-Pougnet ou Kugan Parapen n’ont, néanmoins, pas réussi à le pousser à aller voter : «Initil sa.» Pas tout à fait pour Andrew, jeune homme de 19 ans : «Si j’avais décidé d’aller voter, j’aurais donné ma voix à Rezistans ek Alternativ. Mais bon, je me disais que ça n’allait servir à rien.» Pour lui, l’élection était déjà faite : «On savait qu’Arvin Boolell allait gagner. Et les politiciens comme lui ne m’intéressent pas.» S’il a à cœur l’avenir de son pays, les dirigeants politiques l’éloignent, dit-il, de ce qu’il souhaite pour son île. Alors, pour l’instant, la chose politique lui donne des boutons.

 

Toutefois, l’abstention n’a pas uniquement le visage d’une conviction. Il y a des raisons plus triviales : prise par une journée shopping (ce sont les fêtes de fin d’année !), Samantha n’a pas été voter. Un gouvernement choisi en 2014 et apprécié est déjà en place. C’est la raison de l’abstention de Vishal : «Il n’y avait pas d’enjeu.» Un cafouillage et son nom qui ne se retrouve pas sur la liste des votants (ce qui a créé la polémique le jour de l’élection, le dimanche 17 décembre) : c’est la déception de Sunil. Une raison de plus qui explique le record d’abstention pour cette partielle, estime-t-il, alors qu’il rentre chez lui, bien après le coucher du soleil.

 

Le gagnant et les autres…

 

Arvin Boolell : à l’ombre de Navin Ramgoolam. À qui profite la… victoire ? Nombreux sont les observateurs qui donnent une réponse tranchée : Navin Ramgoolam. Le leader du PTr a repris des couleurs et de la hargne : «Certains pensaient que le PTr entrerait dans la poubelle de l’histoire. Mais notre victoire a causé un séisme politique, un tremblement de terre au Sun Trust.». Si pour l’instant, l’élection d’Arvin Boolell est célébrée dans le camp

des Rouges, les fissures dans le parti n’en seraient que plus visibles par la suite, estiment certains membres du Labour qui souhaitent voir le départ de leur leader au profit du député fraîchement élu. Le principal concerné, lui, affirme que cette victoire est le signe d’une plus grande. Celle des prochaines législatives.

 

Paul Bérenger : ambiance de cour d’école. Sa déclaration officielle était attendue après la défaite et le leader du MMM n’a pas déçu, lors d’un point de presse le jeudi 23 décembre. À son habitude, Paul Bérenger a trouvé «la» bonne explication : «L’effet Arvin Boolell est la raison principale de notre défaite (…) Les électeurs ont éprouvé de la sympathie pour Arvin Boolell à cause des méchancetés que Navin Ramgoolam lui a faites.» Vilain Navin, vilain ! Mais pour le nouveau député, le leader du MMM n’est que miel : «Il mérite cette victoire.» Nita Juddoo, candidate battue des Mauves, a elle remercié le nº18 et dit sa confiance en l’avenir sur sa page Facebook.

 

Roshi Bhadain : mauvais pari. Celui qui est à l’origine de cette joute électorale est tombé de haut. Néanmoins, celui qui annonçait qu’il remporterait cette élection a préféré s’appesantir sur le côté positif de la situation : «Notre parti est le plus jeune de la campagne et il a réussi à devancer le MP et le PMSD, c’est encourageant.» Pour lui, «en 2014, le peuple a rejeté Navin Ramgoolam et en 2017, il veut voir Navin Ramgoolam revenir au pouvoir». Il parle déjà d’avenir et prévoit des législatives anticipées.

 

Tania Diolle : positive attitude. C’était son premier enjeu électoral. Et également, le premier de son parti. Alors, la candidate du MP ne retient que le meilleur : «Nous allons continuer le travail et nous perfectionner. Nous allons continuer à représenter le renouveau.»

 

Jack Bizlall «kass pake». Le bon deal, c’est lui qui l’a fait. Il devance le PMSD et le MP en termes de votes et surfe sur la vague : «Nous allons maintenir notre identité. C’est la première fois que nous participons seul à une élection d’une telle envergure. Ces résultats vont permettre aux gens d’avoir plus confiance en nous et à nous rejoindre.»

 

Dhanesh Maraye a le blues. Le coq se relèvera-t-il ? Aucun doute, assure Xavier-Luc Duval qui communique, sur sa page Facebook, un message lapidaire : «Un grand merci aux activistes du PMSD pour leur courage et détermination. Notre message n’a pas été compris. Tant pis.» Dhanesh Maraye, lui, a le blues en silence.

 

Au gouvernement : sérénité affichée de Pravind Jugnauth

 

Le PTr gagnant, ça a de quoi faire tiquer le chef du gouvernement tombeur de Navin Ramgoolam en 2014. Mais ce n’est pas du tout le cas, affirme le Premier ministre :«Les résultats ne m’inquiètent et ne  m’étonnent pas (…) Nous avons bien fait de ne pas aligner de candidat à cette élection partielle. Nous avons accompli tant de choses pour faire avancer le pays et améliorer le climat des affaires.»

 

Une question de chiffres

 

C’est la victoire de l’abstention. C’est la formule utilisée par de nombreux observateurs politiques. Presque un électeur sur deux n’a pas participé à l’élection du dimanche 17 décembre. Un record ! Le précédent palier avait été franchi en 1992 lors d’une partielle à Port-Louis Est-Port-Louis Maritime (circonscription no 3). Taux de participation : 54,96 % - soit 23 112 sur 42 052 électeurs. Le taux d’abstention est donc de 45,04%.