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[Parlons-en] Les petits commerçants des plages : comment je vendrais mon île

Rani Bangrou pense qu’un sourire fait toute la différence.

Alors que les Assises du Tourisme ont réuni les têtes pensantes du tourisme local, ceux qui gagnent leur vie grâce aux étrangers parlent de leur stratégie pour attirer plus de touristes.

Moodmaussade. Temps gris et vague à l’âme. Transats cherchent touristes désireux de confort. Plage fait des yeux doux au soleil qui joue au difficile pendant cette semaine d’anticyclone. À Trou-aux-Biches, seules les conditions météorologiques meublent les conversations matinales. Ceux qui gagnent leur vie grâce aux visiteurs de l’île, en dehors des hôtels et autres complexes touristiques, ne savent pas qu’il y a quelques jours, les Assises du Tourisme, une initiative du ministère de tutelle, ont eu lieu après dix ans. L’objectif de cette grande rencontre : redynamiser ce secteur, un des piliers de l’économie. Plus de 200 acteurs de ce milieu ont discuté sur comment vendre encore et autrement la destination (et un rebranding est en cours). Néanmoins, Jaysing Doobraz, que tous les habitués de cette plage du Nord appellent Colombo, est très loin de ces discours et prises de décision au sommet. 

 

40 ans qu’il arpente cette plage. Qu’il laisse des traces, vite effacées, dans le sable. Dans sa démarche lente, un peu du roulement des vagues. Un rien de chaloupé. Juste ce qu’il faut de détermination. Avec ses paréos tou kouler, ses pashminas et son bagout, il s’est construit un métier, une vie. Alors, dit cet habitant de Pointe-aux-Piments, il sait ce que les touristes veulent d’une île comme la sienne. Du soleil, des plages de bonheur et du dépaysement mais… moins chers : «Les touristes préfèrent aller en Thaïlande. Ça leur coûte moins.» Il faudrait donc revoir les tarifs pour attirer plus. Sortir du luxe pour faire du nombre. La quantité vaut plus que la qualité ? Pas forcément, accepte-t-il. Mais quand il voit de moins en moins de clients, il se pose la question.

 

Pour Colombo, sympathique et enturbanné dans un paréo rose, ces dernières années, certaines décisions des autorités ont desservi la destination. Assis sur un des transats de la plage, il se rappelle du temps où ces assises confortables étaient plus nombreuses (avant que le gouvernement décide d’en limiter le nombre suite à de nombreuses plaintes). Cette décision a réduit le nombre de visiteurs étrangers sur sa plage, explique-t-il : «Ils ont besoin de confort et nous, nous avons besoin d’eux pour travailler. S’ils ne sont pas à l’aise sur les plages, pourquoi ils quitteraient leurs grands hôtels ?» Sooraj Luchoo, promeneur de touristes en glass-bottom boat et maître temporaire des transats, est bien de cet avis. Repenser la destination Maurice n’est pas une priorité pour lui. 

 

Voleurs «savat ek soulie»

 

Pour l’instant, il faudrait améliorer les conditions d’accueil, s’assurer du confort et de la sécurité de ceux qui viennent s’offrir quelques jours au soleil : «Les touristes ne viennent pas ici pour le shopping ou pour visiter les villes ou les villages, ils sont là pour la plage. Alors, il faut leur offrir le maximum de confort ici.» Plus de transats (évidemment !), la possibilité pour les bateaux de plaisance de s’approcher de la côte et la sécurité sur les plages sont ses essentiels : «On voit même des voleurs de savat ek soulie !» Des caméras et une surveillance régulière feraient toute la différence, estime-t-il. Une amélioration des infrastructures sur la plage également. 

 

Malini Coopamatoo ne dit pas le contraire, même si elle se trouve sur une plage différente : «Les toilettes, ici, on ne peut même pas les utiliser. Une plage plus propre, bien éclairée, ça attirerait plus de monde et de touristes.» À quelques minutes de route de Trou-aux-Biches, on la retrouve dans son petit snack-roulotte (qui ne doit pas rouler beaucoup), Chez Tinam, à Grand-Gaube. À part quelques chiens joueurs, il n’y a aucun touriste pour admirer la vue faite de teintes de gris, qui s’étend à perte de regard. Paysage de fin du monde pour une fin de matinée venteuse. Dans ses assiettes, il y a néanmoins de quoi réchauffer : chop suey, rougay et toufe font la danse des saveurs. Et si Malini est persuadée que ce sont les plages mauriciennes qui attirent les étrangers, elle aimerait bien d’une promotion touristique misant sur les saveurs et la gourmandise. Une idée dans l’ère du temps et des foodtrotters. 

 

D’ailleurs, comment résister à une tranche d’ananas avec so disel pima ? Rani Bangrou n’en a aucune idée ! Malini et Grand-Gaube sont loin. Cette vendeuse de bouée, de chapeaux et de vêtements de plage se trouve à Belle-Mare. Pour elle, Maurice est «un paradis», tout simplement. Alors, dit-elle, il faut faire venir les touristes «avec le plus beau de nos sourires» et ne pas cesser de les faire rêver. Pour ça, il n’y a pas besoin de grandes stratégies. Juste un besoin de retourner à l’essentiel, à ce qui fait la beauté de l’île. Ses plages, ses cultures, son peuple. En attendant qu’un client se présente – les touristes se font de plus en plus rares, dit-elle –, elle regarde passer les voitures. Le regard tourné vers l’asphalte, le dos à la mer et à cette plage à la beauté sauvage, qu’elle ne contemple plus que de temps en temps. Elle attend le retour du soleil et la fin de l’hiver pour que les affaires reprennent. 

 

Nivesh Nowbuth aussi. Sur le débarcadère de Trou-d’Eau-Douce, il n’y a pas foule pour prendre le bateau, direction l’île-aux-Cerfs. La faute au temps, estime ce propriétaire d’un bateau. Et à la saison froide. C’est pendant cette période creuse que les autorités devraient se donner du mal pour attirer les touristes : «Sinon, les étrangers viennent parce que Maurice, c’est un bon lieu pour passer ses vacances. Ce n’est pas plus compliqué que ça.» Alors, il aimerait qu’on vende autre chose que des plages et le soleil : «Il y a des habitants à découvrir, leur façon de vivre, des villes et des villages, des cultures riches et différentes.»

 

De quoi occuper les touristes, même quand le temps est… maussade.