• La jalousie amoureuse : quand ça va trop loin…
  • Disparition du vol Malaysia Airlines MH 370 : c’était il y a 10 ans...
  • 13es Jeux d’Afrique : «Moris casse paquet» avec 25 médailles
  • Laura Mooneesamy : quand Gold Models va d’aventure en aventure
  • Accidents fatals : quatre familles pleurent leurs proches partis trop tôt
  • «Ratsitatann» : un pièce mauricienne/malgache pour «enlever le flou»
  • The Two : explosion de blues créole bientôt
  • Un jeune couple crie à la négligence médicale après le décès de son nourrisson - Kimy et Julien : «Deziem tibaba nou perdi par fot lopital»
  • Maurice vs Tchad : le Club M compte sur le soutien de son public
  • Agression mortelle à Cité Mangalkhan - Læticia Laviolette : «Lion Vibe ti deza menas mo konpanion Damien»

MV Benita : La crainte des pêcheurs

Le naufrage de ce navire a chamboulé la vie des pêcheurs de la localité comme l’explique, Ranjeet Foolchand.

Ils ne la sentent plus. Au fil des heures, l’odeur de carburant et d’huile qui leur parvienne, avec des bourrasques de vent, ils s’y sont faits. Ces pêcheurs, assis sur un banc de roches, fixent l’océan depuis l’aube en ce samedi 18 juin. La vue sur la mer, d’un bleu changeant, dans ce petit coin de l’île isolé, a quelque peu changé depuis qu’un bateau grec, le navire MV Benita, a échoué sur ses récifs. En cette fin de matinée, la plage de Le Bouchon grouille d’officiers de la Special Mobile Force(SMF) et de la National Coast Guard(NCG).

 

En soirée, la veille, une fuite d’une substance noirâtre, qui pourrait être du carburant et/ou de l’huile mélangée à de l’eau de mer – et non de l’huile lourde, précise-t-on du côté de la NCG –, a été détectée. Faisant craindre un risque de marée noire et/ou de pollution irréversible. Depuis, ce liquide noir et lourd teinte le sable sur le rivage, que les vagues caressent avec force. Pour l’instant, les autorités rassurent : la situation est sous contrôle. Néanmoins, les conditions météorologiques font craindre le pire (voir hors-texte).

 

Florent Félicité, José Paris, Anender Soodhoo, Premdath Bhada et Ranjeet Foolchand (président de l’association des pêcheurs de la localité, Sea Lobster, conseiller de village et président des Forces vives) suivent les manœuvres. Ces pêcheurs s’inquiètent. «Nous avons des casiers et nous ne pouvons pas y accéder. Qu’allons-nous faire ?»se demande Florent Félicité. Ses camarades et lui pêchent à Le Bouchon depuis plus d’une vingtaine d’années.

 

Tous les matins, ils prennent la mer (et parfois, la haute mer, si le temps le permet) afin de pouvoir faire vivre leurs familles respectives. Dans les yeux de ces vieux routiers de l’océan : le reflet de la mer qui se mélange à l’angoisse et l’inquiétude. «Est-ce que nous pourrons encore pêcher ici ?»s’interroge José Paris, en observant les membres de la SMF, qui nettoient la plage à l’intérieur d’un périmètre de sécurité.

 

Plusieurs sacs d’herbes et d’algues souillées de cette substance nocive ont été ramassés, laisse entendre un officier de la SMF, qui ne veut pas dévoiler son identité : «Les Coast Guardsétaient là, tôt ce matin. Nous avons pris la relève. Il est important de tout nettoyer. Mais je crois qu’il y a déjà eu des dégâts au niveau des poissons et des coraux.» Mais comme il le dit lui-même, il n’est pas expert en la matière (des experts venus d’Europe ont été appelés à la rescousse sur les lieux et des échantillons d’eau ont été prélevés à des fins d’analyses).

 

Néanmoins, c’est bien ce qui inquiète les pêcheurs que nous avons rencontrés. Une question les taraude : quand ils auront la possibilité de pêcher et de relever leurs casiers, les poissons seront-ils comestibles ? Une information essentielle, explique Ranjeet Foolchand : «Nous ne voulons pas que les gens qui mangent ce poisson aient des problèmes. Les personnes responsables doivent faire les tests adéquats et nous tenir au courant.»

 

Le président des Forces vives estime, néanmoins, que les autorités font du bon travail. Ceci dit, précise-t-il, si le gouvernement ne prend pas en considération leurs doléances, les autres pêcheurs concernés et lui seront obligés de se mobiliser : «Nu pu fer tann nu lavwa.»Et il n’est pas envisageable, précise Anender Soodhoo, que ses collègues de pêche et lui tras zot laviailleurs qu’à Le Bouchon. «Depuis notre naissance, nous sommes ici. Nous sommes habitués à ce coin. Si on doit aller ailleurs, il faudra penser au transport et à beaucoup d’autres choses. Ce n’est pas possible»,affirme-t-il, tout en espérant pouvoir, au plus vite, reprendre le chemin de la mer et du travail.

 

Car, comme ses camarades, la question de l’argent est directement liée à cet événement qui menace le lagon de cette plage du sud de l’île : «Comment allons-nous faire si nous ne pouvons pas pêcher ? Nous avons droit à unallowance si le temps est mauvais uniquement.»N’ayant pas encore de réponses à leurs interrogations, ces hommes regardent la mer, attendent que l’odeur de fioul et le navire MV Benitadisparaissent sans laisser de trace…

 

What happened ?

 

Comment ce bateau a-t-il atterri sur nos côtes ? C’est dans la soirée du jeudi 16 juin que le MV Benitaa échoué au large de la plage Le Bouchon. Ce navire libérien, qui contient 145 tonnes de fioul et 30 tonnes de gasoil, faisait cap vers Durban quand un incident à bord a provoqué un changement de direction. Une dispute a éclaté entre deux marins philippins (l’un a dû se faire opérer à Maurice et l’autre est en détention). Le présumé agresseur se serait enfermé dans la salle des machines et aurait coupé le système de navigation du navire, le poussant à dériver. C’est ainsi que le MV Benitas’est rapproché dangereusement des côtes mauriciennes, avant d’échouer sur les brisants du sud-est de l’île.

 

Alain Wong : «Tout pour protéger notre écosystème»

 

Le ministre de l’Environnement était sur place. Il a fait une site visitet s’est rendu sur le bateau (Mahen Jugroo, le Chief Whip, était également présent). Alain Wong a assuré que tout était fait pour éviter une catastrophe naturelle (même si certains s’insurgent contre le manque de réactivité de la NCG) : «Nous n’allons pas lésiner sur les moyens pour protéger notre écosystème.»

 

Les autorités rassurent, mais…

 

Tout est mis en œuvre pour éviter le pire. Les responsables de la SMF et de la NCG rassurent. D’ailleurs, une cellule de crise a été mise en place, regroupant ces deux branches de la force policière, le Directorate of Shipping, la Mauritius Ports Authorityet le ministère de l’Environnement. Des barrages de bouées ont été installés pour contrôler le liquide qui s’échappe des cales du MV Benita.

 

Il était prévu qu’un deuxième remorqueur (après deux tentatives infructueuses de désenclaver le bateau) vienne prêter main-forte à celui déjà sur place et que des réservoirs cubiques à carburant soient envoyés afin de salvage(extraire le pétrole et l’huile) se trouvant dans les cales du navire. Des experts venus d’Europe sont arrivés à Maurice et ont été héliportés de l’aéroport à Le Bouchon. Les opérations de renflouage et de protection du lagon devraient se poursuivre ces prochains jours.

 

Sur cette plage, en ce samedi matin, une importante délégation d’officiers était à pied d’œuvre sous le regard de ceux venus voir de plus près le navire libérien. Alors que les curieux s’offrent du glaçon râpé, des konfiou des merveilles, l’inspecteur H. Caleechurn de la NCG scrute l’océan avec des jumelles : «La situation est sous contrôle. Néanmoins, la mer est démontée, ce qui rend l’opération difficile. Les conditions ne sont pas favorables. S’il y a un anticyclone, les choses ne vont pas s’arranger. Le pire serait que le bateau éclate. Mais tout est mis en œuvre pour que ça n’arrive pas.»

 

Sur sa page Facebook, l’océanologue Vassen Kaupaymuthoo a fait part de son point de vue en ces termes : «Les impacts écologiques liés aux déversements pétroliers sont liés au fait que le pétrole contient des composés toxiques par inhalation ou contact et que les opérations de nettoyage peuvent également avoir des impacts négatifs.»