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Mort suspecte de Prithivi Ramchurn, 47 ans | Ses proches : «Elle raconte son calvaire de femme battue dans un enregistrement

Sajansing Ramchurn nie les faits qui lui sont reprochés.

Elle a rendu l’âme après avoir passé plusieurs jours à l’hôpital. Mais la mort de Prithivi Ramchurn soulève de nombreuses interrogations… D’une part, sa sœur et sa mère soutiennent qu’elle était victime de violence conjugale. Et de l’autre, son époux Sajansing Ramchurn, 52 ans, nie les faits qui lui sont reprochés et soupçonne que la quadragénaire est décédée des suites d’une énième crise d’épilepsie. En attendant les conclusions de l’enquête, le flou persiste…

Pourquoi elle ? Pourquoi Prithivi ? À cette question, Veena Subron, sa sœur, et Devianee, sa mère, n’ont pas de réponse. Les doutes, l’incompréhension, la colère aussi, font partie de leur quotidien depuis la mort de Prithivi Ramchurn, née Subron. Une mort qu’elles n’arrivent pas à expliquer…

 

Le jeudi 2 août, cette habitante de Stanley, âgée de 47 ans, a rendu l’âme à l’hôpital Victoria, Candos, où elle était admise depuis plusieurs jours. Si une autopsie a attribué son décès à un œdème pulmonaire et cérébral, ses proches continuent de s’interroger sur les circonstances ayant conduit à sa mort. Car selon eux, Prithivi était victime de violence conjugale depuis des années. Est-elle morte après qu’elle aurait reçu des coups de son mari ? Pourquoi ce dernier n’a-t-il pas été inquiété par la police ?

 

Pour sa part, celui qu’elles accusent, Sajansing Ramchurn, 52 ans, nie en bloc les faits qui lui sont reprochés. Mais il n’a pas été inquiété par les forces de l’ordre puisqu’une enquête est toujours en cours afin de déterminer s’il s’agit bien d’un acte criminel. Une décision que Veena et Devianee ont du mal à comprendre. Car, pour elles, Sajansing Ramchurn serait responsable de la mort de Prithivi.

 

D’ailleurs, elles détiennent une bande sonore sur laquelle une femme, qui serait Prithivi, s’adresse à Veena.«Elle raconte son calvaire de femme battue dans un enregistrement.» L’interlocutrice explique, d’une voix fragile, avoir été battue le dimanche 24 juin, date à laquelle Prithivi avait contacté sa mère au téléphone pour lui demander de venir la récupérer après avoir été rouée de coups : «Le 24, linn bat mwa kout pie dan mo ledo ek dan mo latet. Linn pran mo latet linn tap ar miray, linn ris mo seve. Mo finn bien pase avek sa boug-la. Mo pa ti pe kapav.»

 

Ce jour-là, Devianee, accompagnée de policiers, est allée récupérer Prithivi chez elle, à la rue Corps-de-Garde. Mais Sajansing Ramchurn ne s’y trouvait pas à ce moment-là. «Li ti al rod led lopital. Mo le rin ti pe tro fer mal», déclare la voix à l’autre bout du fil. Ce dimanche-là, c’est la dernière fois que mère et fille seraient vus et parlés.

 

Pensant que son état de santé s’améliorerait, Prithivi ne s’était donc pas rendue à l’hôpital ce soir-là. Et durant la première semaine suivant cette agression alléguée, la quadragénaire ne se serait pas plainte de douleurs. Mais la semaine suivante, elle aurait commencé à se sentir mal. «Elle ne pouvait plus rien faire seule. Elle ne pouvait même pas se doucher sans assistance. Elle avait des ecchymoses sur tout le corps», affirme Veena. «Nous avons dû la conduire à l’hôpital pour des examens. Nous pensions qu’elle se sentait mal parce qu’elle souffrait de tension forte mais les médecins nous ont indiqué qu’elle avait des caillots de sang à la tête. Est-ce que cela est dû aux coups qu’elle a reçus ?»

 

Après une délicate intervention chirurgicale, Prithivi est autorisée à regagner son domicile. Mais les jours passent et l’état de santé de la quadragénaire ne s’améliore pas. Au point où le dimanche 15 juillet, elle est de nouveau admise à l’hôpital. «Elle était au plus mal. Elle donnait l’impression de perdre ses facultés petit à petit et avait sombré dans le coma. Durant son séjour, les médecins ont tenté le tout pour le tout. Mais il ne restait plus grand-chose à faire. Et quelques jours avant sa mort, ils nous ont appelés pour demander que toute la famille soit à ses côtés car il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre.»

 

Disputes incessantes

 

Le jeudi 2 août, Prithivi rend l’âme, entourée de ses proches, affligés par «l’injuste et la tragique fin qu’elle a connue». Seul Sajansing Ramchurn est absent. La famille Subron ne l’ayant pas autorisé à approcher la victime depuis ce fameux dimanche 24 juin. Mais nous sommes allés à sa rencontre ce jeudi 9 août. Maison sens dessus dessous, allure négligée… Sajansing Ramchurn donne l’impression d’avoir perdu goût à la vie. «Je suis son époux et on ne m’a même pas autorisé à lui appliquer le sindoor le jour de son enterrement. On m’a interdit de l’approcher alors que je ne suis nullement responsable de ce qui lui est arrivé. Mo bien strese avek tousala», lâche-t-il.

 

Selon Sajansing Ramchurn, les tensions avec sa belle-famille ne datent pas d’hier. Elles auraient commencé il y a quatre ans, avance-t-il, sans en dire plus. «Les disputes sont devenues incessantes avec ma belle-mère et ma belle-sœur. Pourquoi m’accusent-elles de choses que je n’ai pas faites ?» se demande notre interlocuteur. Il revient notamment sur une affaire qui remonte à 2015.

 

Cette année-là, Prithivi Ramchurn avait demandé un Protection Order contre son époux, avant de faire enlever l’injonction quelque temps plus tard. Mais les versions diffèrent quant aux raisons ayant poussé la quadragénaire à le faire. D’une part, Veena et Devianee affirment que Prithivi a retiré sa plainte «parce que Sajansing disait qu’il changerait ou parce qu’il venait briser des carreaux de vitre chez (nous) pour la contraindre à rentrer». De l’autre, Sajansing soutient que son épouse a retiré sa plainte parce que les accusations de violence conjugale sont «entièrement fausses». «Je l’ai peut-être déjà giflé lorsque nous nous disputions mais je ne l’aurais jamais tabassée de la sorte.»

 

«Je ne l’ai pas tabassée»

 

Toutefois, le lundi 16 juillet, Sajansing a bien été arrêté pour violence domestique alors que Prithivi était admise aux soins intensifs. Appréhendé par les policiers de Stanley sur son lieu de travail, il soutient néanmoins que ce n’est que sur le moment qu’il a appris que son épouse avait été hospitalisée.

 

Au lendemain de son arrestation, il a comparu en cour avant d’être reconduit en cellule, la police ayant objecté à sa remise en liberté. «J’ai été interrogé mais j’ai toujours nié tout ce que les enquêteurs me reprochaient. Je n’ai pas tabassé mon épouse. Ma belle-mère et ma belle-sœur ont porté plainte contre moi mais je n’avais pas revu Prithivi depuis le dimanche 24 juin. Ce jour-là, nous nous étions disputés pour une histoire d’argent mais je n’aurais jamais levé la main sur elle. Mo pa kone ki finn kapav arive depi sa zour-la. Comment peut-on me tenir pour responsable de ce qui s’est passé ?» s’insurge Sajansing.

 

Prithivi et lui se sont dit «oui» il y a une vingtaine d’années, à la suite d’un mariage «arrangé». Le quinquagénaire, séparé de sa première épouse, a un fils et une fille en bas âge qui, dit-il, «ont toujours considéré Prithivi comme leur mère». Mais au fil des années, Prithivi aussi souhaitait goûter aux joies de la maternité. «Nous avons tenté à plusieurs reprises d’avoir un enfant. Mais à chaque fois qu’elle tombait enceinte, elle faisait des fausses couches à cause de sa tension forte. Suite à quoi, un spécialiste nous a déconseillé d’en avoir», explique Sajansing.

 

C’est à partir de cet instant, affirme-t-il, que son épouse aurait commencé à tomber malade. «Elle était devenue dépressive. Elle désirait plus que tout avoir un enfant. J’ai tout essayé pour lui remonter le moral : mo ti pe amenn li laplaz me li pa ti pe bien mem.» Devianee aussi soutient que la quadragénaire était souffrante, sans préciser ce dont elle souffrait.

 

En 2015, des suites d’une dépression, Prithivi aurait fait une première crise d’épilepsie. Et d’autres se sont ensuivies. «Sak fwa li gagn sa problem-la, li ti pe kogn so latet. C’est comme cela qu’elle se blessait. Li finn mem deza tom dan leskalie», allègue Sajansing.

 

Alors, est-ce une énième crise qui a provoqué sa mort ? Ou les coups qu’elle aurait encaissés ? Chez les Ramchurn comme chez les Subron, l’on ne souhaite qu’une chose : connaître la vérité pour pouvoir commencer leur deuil…