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Mesure budgétaire : Passeport et nationalité «en vente» : pourquoi ça fait peur…

Dany  Marie et Kugan Parapen avancent leurs arguments.

La décision du Budget 2018-2019 fait polémique. Si l’opposition parlementaire a exprimé ses craintes, c’est au niveau des mouvements de gauche qu’on a décidé de se mobiliser.

C’est Halloween avant l’heure ! Dans le juke-box, Thriller de Michael Jackson. Sur les écrans, des centaines de comments sur un sujet épineux concernant notre petit document bleu : de quoi donner des frissons d’horreur (d’ailleurs, l’artwork de Rezistans ek Alternativ – R&A – donne envie de Scream). La cause ? Une mesure budgétaire annoncée par Pravind Jugnauth lors de son discours : bientôt, il est prévu que, si un étranger verse 1 million de dollars au Mauritius Sovereign Fund (géré par la Mauritius National Investment Authority), il pourra obtenir la nationalité mauricienne. Pour le passeport, 500 000 dollars feront l’affaire. Le but ? Attirer des High Net Worth Individuals, a assuré le Premier ministre. Il n’avait pas compté sur la vague de contestations que cette décision allait faire déferler.

 

Elle est menée, du moins structurée hors opposition parlementaire, par R&A. Le parti de gauche a d’ailleurs fait un appel aux Mauriciens et aux différentes organisations pour une mobilisation concertée : «Faire un seul bloc pour empêcher Pravind Jugnauth et le gouvernement d’altérer nos lois et de permettre la vente de la nationalité et du passeport mauricien», écrivent Ashok Subron et Stefan Gua, dans un communiqué. Une première rencontre a eu lieu le samedi 23 juin, à Beau-Bassin (voir hors-texte), avec également les membres d’Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL), la General Workers Federation (GWF), l’Association des Petits Planteurs de Maurice et le Centre for Alternative Research and Studies (CARES). Pour comprendre le pourquoi de cette mobilisation, on peut parler de l’idéologie de la nationalité, de la définition d’une nation, du sens qu’on veut lui donner (voir les raisons avancées ci-contre par R&A). Mais on peut aussi aller au plus pratique, au plus tangible. Et savoir pourquoi cette mesure budgétaire, de façon pragmatique, provoque un si grand malaise.

 

Pour ça, nous avons posé la question à Kugan Parapen et Dany Marie, membres de R&A. Il y a d’abord le spectre de cette compétition, expliquent-ils. En ce qui concerne l’emploi et l’accès à certaines facilités et à certains contrats (il est facile de supposer qu’une personne qui peut débourser 1 million de dollars pour obtenir une nationalité a de gros moyens). Mais aussi celle concernant un droit de base ; l’accès au logement. La possibilité de s’acheter un terrain. «Il est bien probable que l’arrivée de ces gros capitaux, à l’important pouvoir d’achat,  provoque une flambée des prix des terrains», explique Kugan Parapen. Pour Dany Marie, c’est une porte ouverte à l’exclusion. «Ça apportera des restrictions en ce qui concerne les terres et le logement. Parce que, quand le prix de la terre grimpe, ça veut également dire que le prix de la location augmentera aussi. Et ça entraînera l’appauvrissement de la population», ajoute Dany Marie.

 

Ghettos pour riches

 

Ils imaginent des ghettos pour riches dans les plus beaux endroits de l’île. Et des Mauriciens exclus de ces espaces. «Déjà que les plages, qui doivent normalement être accessibles à tout le monde gratuitement, font face à un accaparement… Nos biens communs sont appelés à diminuer, voire à disparaître», avance Kugan Parapen. Le scénario a des allures de catastrophe (les autorités, elles, mettent en avant les avantages d’une telle mesure; voir hors-texte). «Ça entraînera, encore plus, une dynamique de dépossession de l’accès à la terre, à la plage et à la mer», poursuit Dany Marie. Mais le pire reste à venir. Au menu : augmentation du coût de la vie : «Ces étrangers ne viennent pas à Maurice uniquement pour la beauté de l’île. Il y a aussi un intérêt dans le système fiscal qui est à leur avantage. Néanmoins, le gouvernement doit continuer à avoir des revenus. Donc, il va continuer à taxer des choses comme l’essence et des produits de consommation.»

 

Mais aussi «downgrade» le passeport mauricien : «Notre passeport est un des plus attrayants au monde. Il y a le risque que cette mesure attire des gens à la Sobrinho et que les pays qui font confiance aux Mauriciens, qui n’exigent pas de visa, ne nous font plus confiance.» De quoi donner froid dans le dos !

 

La vision des autorités

 

Le but de cette mesure ? Attirer des étrangers qui ont de gros moyens, qui apporteront une valeur ajoutée au pays. Au niveau des autorités, on parle de création d’emplois, d’économie qui tourne. De création d’un nouvel essor au niveau de l’investissement. Mais aussi d’influencers qui peuvent, simplement en ayant la nationalité, faire la publicité de la destination Maurice. 100 étrangers sont ciblés, pour l’instant.

 

Et l’argent ? Il devrait être versé au Mauritius Sovereign Fund qui aura pour mission de gérer le taux d’endettement du pays et des projets pour les générations futures.

 

Un point de vue

 

Pour Rezistans ek Alternativ, cette mesure budgétaire «ouvre la porte à une dynamique dangereuse» alors qu’il est question «du fondement même de notre société, de sa souveraineté et de sa démocratie» : «Nous entrerons dans un cycle irréversible et pervers de la vente, progressive, de Maurice aux riches étrangers, voire aux mafieux…» Une économie «orientée sur la vente du patrimoine foncier et immobilier de Maurice» était les prémices de la décision de Pravind Jugnauth. Au programme : la crainte de la création de deux catégories de citoyens et l’arrivée dans le pays de personnes peu recommandables, avec tout ce que cela comporte comme risques en termes de law and order.

 


 

La contestation citoyenne «on»

 

Ambiance de partage à l’Unity House, à Beau-Bassin. C’est là qu’hier, samedi 23 juin, Rezistans ek Alternativ (R&A) et ceux qui l’accompagnent dans ce combat se sont exprimés sur la mesure budgétaire polémique lors d’un temps de parole assez court. Et les mots prononcés sont forts. Il y est question de «prostitution de notre pays», de «recolonisation de notre île», de la crainte «d’être un étranger chez soi». Un membre du Fron Liberasyon Nasional lance : «Ce gouvernement n’est pas mandaté pour prendre cette décision, il n’a pas de licence électorale.»

 

Ashok Subron promet de tout faire, «mem si bizin al dan prizon», pour contrer cette mesure budgétaire : «C’est la naissance d’un mouvement pour une deuxième indépendance. Nou pare pou lager.» Yan Hookoomsing parle, lui, de trahison : «Nou dirize par bann tret ki kontan kas. Ils ne peuvent décider pour notre pays.» Reaz Chuttoo de la CTSP estime qu’il est question de «remettre en cause la liberté et la souveraineté de notre île… Pe vann nu pei». Il a fait un appel à la mobilisation comme les différents intervenants.

 

C’est aussi le moment de se pencher sur un appel commun et la prise d’actions urgentes pour contrer la mise en place de cette mesure budgétaire. La demande est claire : qu’il n’y ait pas d’amendement au Finance Bill. Mais également la création d’une commission dont le but sera de faire un audit sur les property schemes (ERS, IRS, entre autres) et ce que R&A appelle «la braderie des terres». Et, en outre, celui de publier un White Paper qui provoquera un débat national sur le sujet, entre autres.

 

Cet appel commun, qui devra être finalisé d’ici vendredi et remis au bureau du Premier ministre, vous pourrez le retrouver, dans les jours qui viennent, sur change.org.