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Martine Nisse : «À Maurice, le fruit est mûr pour avancer dans la protection de l’enfant»

Dans notre île  du 25 au 29 août dernier, sur l’invitation de Pédostop, pour former les psychologues et autres thérapeutes, la directrice du centre des Buttes-Chaumont, en France, qui a animé un séminaire à l’hôtel Veranda à Grand-Baie nous donne son avis sur la situation des enfants abusés sexuellement à Maurice. 

 

Vous êtes venue à Maurice pour la deuxième fois, afin de dispenser une formation à des thérapeutes et psychologues mauriciens. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre profession ?

 

Je suis effectivement venue à Maurice pour la deuxième fois, afin de former des psychologues, psychothérapeutes et Counsellors notamment, aux recueils de dévoilement des enfants victimes de pédocriminels ou de parents incestueux. Ce sont des situations dramatiques, épouvantables et éprouvantes pour les enfants, et des situations complexes et difficiles à traiter pour les professionnels. Je ne parle pas du choc que cela provoque dans les familles. Ce choc est terrible. Il empêche de penser et peut-être même pousse à faire certaines choses qui ne sont pas adaptées et qui vont vers le contraire du but recherché : protéger l’enfant. 

 

J’apprends donc aux professionnels à éviter les erreurs, à travailler ensemble avec les différents corps de métier, mais aussi à bien se repérer sur la loi et respecter les droits de l’enfant. 

 

Quel constat faites-vous de la situation à Maurice ?

 

À Maurice, comme partout ailleurs, il y a de plus en plus de signalements d’enfants abusés, parce que la société mauricienne est certainement prête à accepter le fait qu’elle n’est pas différente des autres sur ce plan-là. Hélas, il y a également ici de l’inceste, de la pédocriminalité et du proxénétisme incestueux.

 

Avez-vous pu évaluer la compétence des autorités concernant la gestion de ces cas ?

 

Je me suis rendu compte qu’il existe des structures comme la Child Development Unit (CDU) ou encore l’équipe de l’Ombudsperson pour les enfants. Elles doivent apprendre à travailler ensemble avec les psychologues et conseillers. Il y a une volonté, aujourd’hui, d’harmoniser la législation pour avoir une loi qui rassemble tout et la ministre Mireille Martin est très attentive à cela. À Maurice, le fruit est mûr pour avancer dans la protection de l’enfant et dans l’idée que tous ceux qui évoluent dans ce secteur travaillent ensemble à faire cesser, autant que possible, la pédocriminalité. 

 

Pourquoi est-ce important de miser sur la formation des psychologues et thérapeutes ?

 

C’est important parce qu’aucun d’entre eux n’a reçu de formation initiale et c’est pareil partout dans le monde. Dans les universités, on n’enseigne pas ce qui touche à la maltraitance. On découvre partout l’inceste et les violences… Tout ce beau monde doit apprendre à repérer cela. Je me promène un peu partout à la surface du globe ; après Maurice, on va aller en Russie et toutes les professions qui ont à rencontrer des enfants doivent apprendre plus de ces problématiques qui existent depuis la nuit des temps. Un enfant qui parle aujourd’hui pour dire qu’il a été abusé sexuellement par quelqu’un de sa famille, n’est pas le premier. Il y a probablement quelqu’un qui a été abusé dans la génération d’avant. 

 

Où se situe Maurice dans la lutte contre les abus sexuels sur les enfants par rapport à tous les pays où vous êtes allée ?

 

Maurice se distingue par l’énergie dynamique montrée par les gens qui ont suivi le séminaire de formation que j’ai dispensé. Ils sont tous très impliqués.

 

Y a-t-il un type d’abus sexuel sur les enfants qui est plus fréquent ?

 

On dit, en Europe, qu’un enfant sur cinq est victime d’abus sexuel dans son cercle de confiance. Pourquoi serait-ce différent à Maurice ? Il y a une graduation dans l’inceste. Il y a l’exhibition, l’attouchement, le viol ou encore la prostitution de l’enfant, entre autres situations. Et ça existe dans tous les milieux. 

 

Pourquoi est-ce primordial qu’un enfant abusé sexuellement soit suivi par un psychologue ? 

 

C’est essentiel, fondamental qu’un enfant qui a été diagnostiqué victime d’agression sexuelle soit suivi par un professionnel. S’il n’est pas aidé, ce traumatisme va avoir une influence sur toute sa vie : sentimentale, sexuelle, professionnelle. Le propre d’un grand choc comme le viol, c’est de stopper son développement à l’intérieur de l’enfant. Il y a quelque chose qui s’arrête. Et là, l’enfant ne peut plus progresser. Il y a alors l’échec scolaire, les enfants fugueurs et ceux qui veulent mourir.

 

Un enfant peut-il se relever d’un abus sexuel ?

 

En France, il y a une personne formidable qui s’appelle Eva Thomas. Elle est la première victime d’inceste à avoir parlé de ce qu’elle a subi par son père à l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, elle a plus de 70 ans et m’a récemment donné un texte merveilleux qui dit : «Une cicatrice comme une autre. Le viol que j’ai subi par mon père, ça devient une cicatrice comme une autre. Elle a soigné la blessure, elle est refermée.»