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Marina Ythier-Jacobsz : «A Maurice, la seule option pour les femmes atteintes d’un cancer du sein semble être l’ablation»

Elle a lancé, avec un groupe d’amies, une petition en ligne – https://bit.ly/2quOCQC – dans laquelle elle fait appel au Premier ministre pour remplacer «l’unique machine de radiothérapie défectueuse de l’île». Marina Ythier-Jacobsz, de Maluti Communication, explique cette démarche.

Quand on vous dit cancer du sein, radiothérapie, traitements et ablation, vous répondez quoi ?

 

Maurice.

 

Pourquoi ?

 

Il y a à peu près deux mois maintenant, une de mes meilleures amies, que je considère comme une sœur depuis une vingtaine d’années, m’a appelée, paniquée, après une visite de routine chez un gynécologue, pour me dire qu’on lui a dit d’aller faire un scan. Après la mammographie, elle a récupéré le document et elle a vu dessus qu’il y avait une possibilité de cancer. Vous imaginez son état ! Panique à bord. Et dès lors, il y a eu une succession de choses : la recherche d’informations, la nécessité de faire une biopsie, entre autres. Elle a rencontré des médecins mais c’était assez décousu. Ce qui est dommage ici, et cela on l’a découvert ces derniers temps avec ce que vit ma copine, c’est qu’il n’y a pas vraiment de prise en charge pour les malades, du début à la fin. On te lance comme ça, ce gros mot : le cancer, sans qu’on te donne des informations sur la suite des événements, sans compter le manque de transparence sur les options : A, B ou C. Si je fais A, voilà à quoi tu dois t’attendre, si je prends l’option B, voilà ce qui arrivera, etc… C’était assez confus. Mais dans tout ce qui se disait à ce moment–là, il y a un mot qui revenait toujours : l’ablation, alors qu’elle était en post-biopsie, le stade 1.

 

Qu’avez-vous fait par la suite ?

 

Mon époux est sud-africain et ayant de la famille là-bas, on a décidé, avec mon amie, de voir quelles étaient les options qui s’offraient à nous par rapport à son cas. On leur a envoyé les scans et on leur a demandé d’aller se renseigner sur ce qui pouvait être fait. Ils sont vite revenus vers nous et en se basant sur les documents qu’on leur avait envoyés, ils nous ont dit qu’il y avait l’option d’ablation comme proposé à Maurice mais qu’il existait aussi la possibilité d’enlever que la tumeur, c’est-à-dire un bout du sein, là où c’est infecté. Les avis sud-africains nous informent aussi qu’avec l’option d’enlever seulement la tumeur, dans 95 % des cas, ça marche avec une radiothérapie et ils appellent ça une lumpectomy. Cette pratique évite donc une ablation à la personne.

 

Qu’en est-il à Maurice ?

 

On a investigate mais on n’arrivait pas à avoir des réponses claires et nettes. Les cliniques privées n’ont aucune machine et tous les patients sont envoyés à l’hôpital Victoria, Candos. On comprend très vite que cette machine de radiothérapie est excessivement chère, donc pas rentable pour les cliniques. À Candos, c’est impossible d’avoir un time frame. Il semble que la machine ne fonctionne pas. Depuis quand ? On ne sait pas trop. Certains parlent de mois, d’autres parlent d’années. Au fur et à mesure qu’on parle aux médecins, au staff ou à d’autres malades, chacun nous donne une info sur le laps de temps durant lequel la machine n’a pas été opérationnelle. Certains disaient aussi que sur une certaine période, des malades avaient été brûlés parce que la machine, selon eux, n’était pas calibrée. Et que depuis quelques années, comme la machine ne marchait pas, on a l’impression qu’à Maurice, la seule option pour les femmes atteintes d’un cancer du sein est l’ablation. La femme mauricienne n’a pas le choix comme les femmes ailleurs. Ni le privé, ni le public ne donne à la Mauricienne le choix. Je ne suis pas médecin. Peut-être qu’il y a aussi d’autres facteurs qui entrent en jeu mais selon les explications qu’on nous a données, la machine de radiothérapie n’est pas opérationnelle.

 

Pourquoi êtes-vous venue de l’avant par rapport à ce cas ?

 

Je n’ai pas été touchée dans ma chair mais j’ai été touchée dans mon cœur. C’est la bataille d’une très bonne amie. J’ai vu beaucoup de détresse. Non seulement parce qu’on n’a pas trop de choix à Maurice mais aussi parce qu’on n’a pas beaucoup d’infos sur ce qui peut être fait ou pas. Nous nous sommes même tournés vers les ONG qui font un excellent travail dans ce domaine. Mais personne n’est venu apporter des précisions sur l’état de cette machine et ce qui va se passer à l’avenir. Je me suis dit que ça coûte Rs 200 millions ; qu’il y a le Budget qui arrive bientôt ; et que c’était peut-être le moment de montrer le red flag et d’alerter le gouvernement. Cette machine est un recours indéniable pour les malades, quand on sait que le cancer est apparemment la troisième cause de décès à Maurice et quand on sait également qu’apparemment, une femme sur cinq au niveau mondial va avoir un cancer du sein. Du coup, allons-nous donner le choix à ces femmes ou préférons-nous avoir une nation de femmes amazones en train de marcher partout ? Certaines peuvent, peut-être, faire une reconstruction mais beaucoup doivent marcher avec une chaussette ou une prothèse dans le soutien-gorge, tout simplement parce qu’elles n’ont pas eu le choix. Ce n’est plus possible !

 

Comment se traduit votre lutte ?

 

Je me suis dit, let’s tackle something which can bring results, parce que Rs 200 millions, ce n’est pas la mer à boire. Il y va de la santé des femmes qui sont plus de la moitié de notre population. Nous sommes, pour le moment, un groupe de copines mais d’autres personnes nous ont contactées via les réseaux sociaux en nous disant qu’elles sont avec nous et qu’elles soutiennent notre revendication. Pour le moment, le mouvement veut toucher un maximum de personnes et aller vers un greater awareness. C’est une cause très juste. On pense que les autorités nous ont entendues. Maintenant, on attend. Loin de moi l’idée de critiquer pour critiquer. Nous sommes certaines qu’au niveau du ministère de la Santé aussi, ils ont des priorités au point de ne pas savoir où donner de la tête. Les ONG font aussi un travail formidable. Mais cette machine est indispensable comme partout ailleurs, dans le milieu hospitalier. C’est sûr que la Cancer Clinic sera la bienvenue mais il faut qu’on fasse en sorte qu’il y ait une façon de faire, des conseils et des infos, pour qu’à la fin, un malade ne soit pas davantage traumatisé en sus de savoir qu’il a un cancer. Nous avons lancé une online petition – https://bit.ly/2quOCQC – à l’adresse du PM, de surcroît ministre des Finances, pour lui demander de faire cet achat le plus rapidement possible. Plus on est nombreux, plus les choses vont bouger. On cherche tout simplement à démocratiser le problème pour qu’à la fin, une solution soit trouvée. On ne cherche pas à attaquer qui que ce soit. On veut tout simplement faire bouger les choses sur un sujet très sensible et important. Parce que ce problème perdure depuis trop longtemps.