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Marche dans la capitale : Pourquoi j’ai manifesté contre la succession père-fils

Jonathan Félix et Damien Legallant disent ne plus vouloir de politiciens magouilleurs.

Ils étaient dans les rues de Port-Louis en fin de semaine. Leur but : dire non à la passation de pouvoir entre Jugnauth père et Jugnauth fils.

Le marchand de glaçon râpé est là. Mais la présence de cet indétrônable des manifestations de la capitale n’est pas tout à fait un signe que les choses sérieuses commencent ce vendredi 27 janvier. Alors que les manifestants se massent à la Place d’Armes, vêtus pour la plupart de noir (comme le voulait la consigne), les leaders du PMSD et du PTr sont portés marquants. Il n’est pas encore 15 heures. Xavier-Luc Duval est toujours à l’hôtel du gouvernement. Il est fortement acclamé par ses partisans aux alentours de 15h30. Navin Ramgoolam, lui, se joint à la marche en cours de route, sous les cris en mode «Navin, Navin» de so bann dimunn. Les deux hommes participent à cette marche mais ne sont pas côte à côte. 

 

D’ailleurs, il n’est pas question d’unité entre les partisans des deux partis. Chaque «clan» reste de son côté avec des envies de mener la marche. De quoi provoquer parfois des petites tensions au sein de la foule (cour de récré revival). Et presque faire oublier le but premier de cette manifestation (qui n’était pas un concours de popularité entre les deux anciens alliés). Organisée à la base par tous les partis de l’opposition (avant le retrait du MMM et du MP : voir hors-texte), elle se devait de dénoncer la passation de pouvoir entre sir Anerood Jugnauth et son fils. Et le fait que l’ancien Premier ministre reste au sein du gouvernement en tant que ministre mentor.

 

Ceux présents sont venus avec des pancartes pour que le message soit clair. On peut y lire : Non à la monarchie, Démocratie en deuil, Ministre baby-sitter nu pa le, Nou pa pou tolere, Non deal papa-piti ou encore Minis kadadak nu pa le. Le soleil tape fort et l’humidité est à son summum : ambiance étouffante lor baz. Dans la foule, d’anciens ministres et députés des deux principaux partis d’opposition sont présents. 

 

Madhoo Sudun, Diya Mungur et Aradun Baby sont venues du village de Poudre-d’Or «pour leur leader». Mais aussi pour dénoncer cette passation de pouvoir. Le fait que SAJ reste en tant que ministre agace Madhoo : «S’il est trop fatigué et qu’il ne peut être Premier ministre, il doit démissionner. Comment peut-il trouver la force d’assumer un autre portefeuille ?» Alors que la foule se met en branle, sous le regard des utilisateurs de Port-Louis qui se sont massés sur les trottoirs, ces femmes suivent le flot et reprennent les slogans lancés de toutes parts. On y demande des élections générales et la démission de SAJ et de son fils, on dénonce le deal papa-piti et on célèbre son leader respectif. 

 

Cacophonie

 

Dans la foule, on fait de la musique, on tape du djembé, on danse aussi. Rama Valayden harangue ceux qui l’entourent. Les leaders tentent, eux, de se frayer un chemin, sollicités de toutes parts. Les autres essaient d’éviter les bousculades tout en suivant le cortège en mode «noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir». Parmi les suiveurs, plus observateurs qu’animateurs, Damien Legallant de Grand-Baie et Jonathan Félix de Solitude, essaient de trouver une place dans cette cacophonie. Ils affirment n’appartenir à aucune formation politique. «Nous voulons simplement dire notre colère face à ce crime contre l’histoire de notre pays et nos valeurs démocratiques», confie Damien qui s’indigne contre cette succession père-fils. 

 

Jonathan dit être «un jeune qui en a marre des mensonges, de la politique des magouilleurs et des transfuges» : «J’attends d’entendre toutes les vérités que promet de dire Roshi Bhadain.» Se joindra-t-il au mouvement politique créé par le ministre démissionnaire ? Il ne le sait pas. Il est 16h40, les manifestants sont de retour à la Place d’Armes. Pas de discours, ni de remerciement. Après une brève déclaration aux journalistes, les leaders s’éclipsent. Les policiers demandent à la foule de se disperser pour que la circulation reprenne ses droits.

 

 Alors que certains s’offrent un rafraîchissement glacé, Faraza Ramjaun, Shila Dookhit et Lalita Jagdawa prennent un moment pour souffler à l’ombre d’un grand arbre, avant de repartir pour Plaine-Magnien. Elles sont contentes d’être venues là «pour la fête» mais aussi pour dénoncer les pratiques du gouvernement. «Nous sommes là pour nos enfants qui n’ont pas de travail, pour les gens qui sont des malere», explique Shila. Lalita, elle, se demande comment l’ancien Premier ministre a pu «ziss get so fami, donn li pos premie minis ek pa get bann malere.»

 

Le temps s’est couvert. Et une pluie aussi soudaine que brutale se charge de faire disparaître les derniers manifestants (mais pas leurs détritus : bouteilles et gobelets en plastique everywhere). D’ailleurs, même le marchand de glaçon râpé n’est plus là.

 

Opposition unie, puis désunie

 

Lundi 23 janvier. Jour de la prestation de serment du Premier ministre Pravind Jugnauth et de son équipe. Paul Bérenger parle de démission en bloc des députés de l’opposition, avant d’opter pour la proposition de Xavier-Luc Duval : unir l’opposition lors d’une manifestation pour dénoncer le deal papa-piti. Il s’agit d’une initiative de l’opposition parlementaire (il n’est pas question de Navin Ramgoolam). 

 

Jeudi 26 janvier.Paul Bérenger et le MMM ne participent pas à cette marche. Navin Ramgoolam ayant déclaré qu’il serait de la partie, cela a refroidi les Mauves. Le leader du PTr aurait tenté de monopoliser ce mouvement, affirme Paul Bérenger. Le MP d’Alan Ganoo décide également de ne pas y participer. 

 

Vendredi 27 janvier.Les déclarations de Xavier-Luc Duval et Navin Ramgoolam, à l’issue de cette manifestation, sont des petites piques au grand absent, Paul Bérenger. 

 

Xavier-Luc Duval :«Au minimum, nous demandons une élection partielle parce que ce gouvernement est illégitime ainsi que le Premier ministre. Mais il y a certains qui ont fui leurs responsabilités. Il est évident que cette marche ne revêt aucun caractère partisan, tout le monde a respecté la consigne de se vêtir en noir. Paul Bérenger doit bien comprendre cela.»

 

Navin Ramgooolam :«Je suis présent non en tant que leader mais comme un citoyen et patriote. Paul Bérenger, lui, a trouvé des excuses banales pour ne pas être présent. Je ne serai pas surpris si demain Paul Bérenger conclut une alliance et naturellement, il va dire que c’est dans l’intérêt supérieur du pays.»

 

Plus tôt, vendredi, Paul Bérenger a précisé que l’absence du MMM à ce mouvement de protestation n’avait rien à voir avec un rapprochement avec le MSM. La seule raison était bien Navin Ramgoolam, a-t-il affirmé. 

 

Bataille légale : c’est «on»

 

La manifestation n’était pas une fin en soi, estime Xavier-Luc Duval. Dans une déclaration après cet événement, il a confié que les avocats du PMSD se penchent sur l’éventualité d’avoir recours au Privy Council. Néanmoins, aucune décision définitive n’a été prise. Me Yousuf Mohamed, présent à la marche, a déclaré : «Si le besoin se fait sentir, nous irons jusqu’au Privy Council.» 

 

Le parti Rezistans ek Alternativ compte prochainement loger une plainte en Cour suprême contre cette passation de pouvoir. 

 


 

Pourquoi je n’y ai pas participé 

 

Stephan Gua de Rezistans & Alternativ (R&A) : «La raison principale est la suivante : outre le problème constitutionnel qui existe dans ce deal des Jugnauth, il y a un problème de fond. Il s’agit de la confiscation de la démocratie par des clans. Ce qui est arrivé aujourd’hui, c’est le summum de la politique dynastique qui se pratique à Maurice. Si ces membres de l’opposition étaient cohérents dans leurs propos, ils auraient maintenu leur sit-in le jour de la prestation de serment, même si c’était contre l’avis de la police. Là, les gens ont marché and so what ? La passation s’est faite. Le gouvernement fonctionne. Alors R&A veut aller plus loin, vers la construction d’un autre mouvement pour en finir avec cette politique archaïque.»

 

Mobilisation de R&A : elle est prévue pour le samedi 4 février. Pour en savoir plus, contactez le numéro suivant : 5821 5045. 

 

Mohammad Fawzi Allymun, membre du MMM : «J’ai suivi la ligne de parti du MMM. Navin Ramgoolam a fait preuve d’arrogance et nous ne souhaitions pas nous retrouver sur la même plateforme que lui. Ça n’a rien à voir avec l’ego. Cette marche aurait dû être apolitique comme c’était prévu au départ. Puis, je ne souhaite pas m’associer au chef de file du PTr, je n’oublie pas qu’en 2014, il a traité mon leader de labwet. Je n’accepte pas cela. Notre absence de cette manifestation ne veut pas dire que nous acceptons le deal papa-piti. Cela fait des mois que Paul Bérenger et les membres du MMM dénoncent cette passation de pouvoir. Nous protestons grâce à une campagne d’affiches et de banderoles. Les jeunes du MMM sont très actifs sur Facebook pour faire passer les messages. D’autres initiatives suivront bientôt.»  

 

Alain Bertrand, citoyen engagé :«La présence de Navin Ramgoolam à cette marche a été un frein à ma participation. Pendant la campagne de 2014, je me suis battu pour que le leader du PTr ne fasse plus partie du paysage politique local. Et quand je vois qu’il reprend du poil de la bête, je me dis que je ne vais participer à rien qui puisse l’encourager. D’ailleurs, cette manifestation se base sur l’aspect illégal et anticonstitutionnel de cette passation de pouvoir, alors qu’il me semble que les Jugnauth n’ont pas agi dans l’illégalité. Question moralité, ce sera à la Cour suprême de trancher, si elle est sollicitée. Par ailleurs, je trouve qu’il y a un problème de fond quand des personnes qui sont des papa-piti viennent dénoncer un deal papa-piti. Il y a plein d’exemples de népotisme, comme cette passation de pouvoir, depuis plus de 50 ans. Mais aucun de ces politiciens ne l’a dénoncé, personne ne s’est battu contre parce que visiblement, cette façon de faire a servi les intérêts des uns et des autres. Alors, il y a une incohérence dans leur façon de réfléchir. Il me semble aussi que Xavier-Luc Duval et Navin Ramgoolam ont trouvé un faux prétexte pour faire une démonstration de force qui n’a même pas fonctionné !»