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Lux* Grand-Gaube : Un rêve de… signes

La jeune fille avec le responsable de l’animation, Sébastien Ladouceur, et le Resident Manager, Stephan Anseline.

Un hôtel qui se démène pour faciliter la vie de ses employés vivant avec un handicap, on adore ! Voici l’histoire de Danesh et d’Anaïs.

Ce n’est pas tout à fait le monde du silence. Mais quand on pénètre dans cette forêt de banians, le monde extérieur s’estompe, s’efface presque. On est bien au frais, entouré par ces troncs impressionnants et leurs lianes qui se trémoussent au rythme d’une brise sans mélodie. S’imaginer qu’autour il y a un hôtel qui grouille de vie n’est pas aisé une fois qu’on entre dans cet antre végétal. Ce passage secret mène vers une surprise (et une belle : il sera question d’entraide et de langue des signes). En attendant la découverte, il fait bon se laisser happer par la magie des lieux. Les branches de ces pie lafouss forment un toit de verdure et il suffit de lever les yeux pour apercevoir des cristaux de soleil, des paillettes de ciel bleu. Seuls un roucoulement de colombe et le bruit des pas sur le gravier perturbent la quiétude de ce lieu. Mais si on tend bien l’oreille, on peut percevoir des éclats de rire. Au détour du sentier, on en découvre l’origine : trois jeunes filles qui font despalab à l’ombre des arbres centenaires…

 

Assises autour d’une table, Anaïs Mohabeer, souriante, et ses copines du kid’s club échangent, parfois en mots, parfois en signes. La demoiselle est sourde et muette (elle avait raconté son histoire à 5-Plus dimanche il y a quelques mois). Et cette bricoleuse, qui n’arrivait pas à trouver sa place dans le monde des «entendants», a finalement été invitée vers un destin auquel elle ne s’attendait pas. Elle a pris de l’emploi à la Junk Art Gallery de l’hôtel Lux* Grand-Gaube (elle a été repérée par le Resident Manager de l’hôtel, Stephan Anseline). Là, dans cette petite maison en roches taillées à laquelle l’allée de banians mène, elle fait montre de sa créativité – lampes en tous genres, cocos sculptés et autres petites choses y sont exposés et vendus – et emmène les résidents de l’hôtel dans son monde de récup’. Cela fait quelques mois qu’elle travaille dans cet univers où elle se sent bien. Si avant, le monde extérieur lui faisait – un peu – peur, aujourd’hui, elle est épanouie, communique et semble avoir trouvé sa place. «J’aime venir travailler ici. Je m’y sens bien. Mes parents et mon petit frère sont fiers de moi», confie-t-elle. 

 

Bonheur tranquille

 

Au sein de l’équipe du Lux*, elle n’est pas la seule à souffrir de ce double handicap. Il y a aussi Danesh Persand, trolley boy, père de trois enfants et employé par l’hôtel depuis 2004. C’est la présence de cet homme au sein de l’établissement qui a rendu plus simple l’intégration d’Anaïs. C’est pour aider le père de famille qu’une vingtaine d’employés ont accepté, il y a quelques temps, de suivre des cours dispensés par l’Association des Parents de Déficients auditifs, afin d’apprendre le langage des signes. Une immersion en terre inconnue afin de faciliter la communication. Parmi ces employés (qui se sont lancés bénévolement), Michèle Gracieuse qui est la supérieure de Danesh (elle est linen and laundry supervisor). Elle a accepté cette formation pour son collègue. Oui, on peut dire les choses comme ça. Pour faire simple : elle voulait qu’il ait l’impression que ses collègues aussi faisaient des efforts afin de s’adapter à son monde à lui (et que ça ne soit pas toujours le contraire). 

 

Alors, elle n’a pas hésité une seconde à donner de son temps afin d’en savoir plus sur son monde, afin de faire un pas de plus vers lui. Un geste d’amitié pas vraiment nécessaire mais tellement précieux. Et cela, même si au fil des années, Danesh et Michèle avaient mis en place un système pour se comprendre :«Mais s’il y a des choses un peu techniques que je dois lui dire, j’ai désormais la formule en signes pour être plus précise.» Pour elle, le handicap de celui que tout le monde nomme Persand à l’hôtel n’entre pas en ligne de compte dans leurs relations de travail : «Il a toujours été très volontaire, très heureux d’apprendre et de travailler. D’ailleurs, il ne veut jamais prendre ses congés.»C’est un collègue et un ami comme les autres. Un amoureux de football, fan de Liverpool, qui a des discussions silencieuses mais animées dans le mess, les jours de grands matchs. Un taquin qui aime faire des blagues et a un sourire radieux.

 

Sous les banians, Danesh ne parle pas mais il lit sur les lèvres, suit les expressions et sourit de temps en temps. Face à toute l’agitation autour de lui, il respire un bonheur tranquille, heureux que ses collègues parlent de lui (il doit bien sentir que ce n’est que du positif). De temps en temps, s’il est un peu perdu, il se tourne vers Anaïs. Entre eux, il n’y a pas besoin de signes, ils se comprennent très vite. «Oui, il y a un lien entre eux», confie Sébastien Ladouceur. Le responsable de l’entertainment à l’hôtel a aussi appris la langue des signes. Et il a adoré ça. C’est un tout nouveau monde qu’il a découvert : «Il faut jouer avec ses mains, ses expressions faciales, c’est une autre façon de communiquer.»

 

D’ailleurs, ceux qui ont suivi leur formation ont désormais un code bien à eux au sein de l’hôtel, explique-t-il : «On communique comme ça et les autres ne comprennent pas. Maintenant, il y a d’autres employés qui demandent quand la formation va reprendre !» Outre Sébastien et Michèle, d’autres employés ont été formés, notamment aux ressources humaines (afin que les changements et les communications importants puissent être transmis à Anaïs et Danesh) mais aussi au front office dans l’éventualité qu’un touriste sourd-muet soit accueilli par l’hôtel : «Imaginez quel accueil magnifique ce serait pour cette personne.» 

 

Ceux qui sont en contact avec Danesh et Anaïs n’ont pas tous été formés. Néanmoins, il y a le langage du cœur qui peut abattre bon nombre de barrières : «D’ailleurs, nous sommes dans l’hôtellerie, nous ne pouvons pas connaître toutes les langues. Mais avec un peu d’effort, je peux très bien me faire comprendre par un Russe qui ne parle ni anglais ni français.»

 

Parfois, il suffit d’un brin de complicité. Comme avec Mario Moothen qui appelle Anaïs «mo tifi». Celui qu’on appelle le naturaliste s’occupe de faire visiter aux touristes les jardins de l’hôtel. Mais il intervient toujours quand il y a un petit souci de communication entre sa petite protégée et ces étrangers amoureux de la récup’ ou tout simplement curieux : «Nu mari kontan li.Alors, on lui donne un petit coup de pouce dès qu’on peut.» Que ça lui prenne du temps et de l’énergie en plus, ça ne l’inquiète pas. Il admire le courage de cette jeune fille qui ne laisse pas son handicap freiner ses rêves. Et puis, prendre la route des banians pour s’inviter dans son monde à elle, c’est quand même une belle aventure. 

 


 

Sur la route d’Anaïs

 

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