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«Le peuple chagossien disparaît et sa culture aussi»

De gauche à droite : Pascaline, Sylvestre et Christina tiennent tous à la préservation de leur culture ancestrale.

Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, assistera bientôt au Cours d’été international relatif aux droits de l’enfant. Elle y abordera la question de la survie de la culture chagossienne. Dans le cadre de cet événement, nous avons interrogé des jeunes descendants à ce sujet.

Que reste-t-il de sa musique, de sa gastronomie, plus d’un demi-siècle après le déracinement du peuple chagossien, déporté de ses terres entre 1966 et 1973 ? Le sujet sera abordé par Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, au Canada, lors du Cours d’été international relatif aux droits de l’enfant. Dans le cadre de cet événement, qui se tiendra du 25 au 30 juin, nous avons rencontré trois descendants de Chagossiens qui nous parlent de leurs difficultés à préserver la culture de ce peuple.

 

Lisette Talatte et Charlesia Alexis, porte-voix de la lutte des Chagossiens, sont décédées en 2012, à quelques mois d’intervalle. Comme elles, année après année, d’autres natifs des Chagos tirent un à un leur révérence. En emportant avec eux un immense regret, celui de n’avoir pu retourner vivre sur l’archipel. Leur disparition n’est pas sans conséquence car elle représente également l’effondrement d’un pan de la culture chagossienne. «Ceux et celles qui détiennent les vraies valeurs de la culture chagossienne meurent sans avoir pu réaliser leur rêve de retourner sur leurs îles natales», confie Christine Isaie, descendante de Chagossien. «Je suis de la deuxième génération car mon père est un natif. Pour favoriser notre culture, il faut que les jeunes travaillent en collaboration avec les natifs, qu’ils se montrent plus enthousiastes et que les natifs nous révèlent leurs secrets.»

 

Pour Pascalina Nellan, 27 ans, la culture chagossienne disparaît graduellement. «Le peuple chagossien disparaît et sa culture aussi. Les aînés, qui sont nés et qui ont vécu là-bas avant d’être déportés, qui nous transmettaient l’art de vivre des Chagossiens.» Les grands-parents de la jeune fille sont issus de l’archipel des Chagos. Son grand-père, Michel Sagaï, est décédé il y a plusieurs années. Alors que sa grand-mère Lucille, 78 ans, fait de son mieux pour que la culture chagossienne soit préservée dans sa famille. «En raison de son âge avancé, ce n’est pas facile pour elle. Sa mémoire lui joue des tours. Mais pour le peu que je sache, le cérazà base de poulet, de poisson ou d’ouritétait un des plats principaux des Chagossiens. Ainsi que le kangay de tortue. Mais à Maurice, c’est difficile pour nous de conserver cette culture gastronomique car tout est cher. Aux Chagos, le lagon était riche et les fruits de mer n’ont jamais manqué», confie Pascalina. 

 

Selon elle, c’est l’identité même du peuple chagossien qui est en voie de disparition. Alors, de bonnes actions de la part du gouvernement pourraient sauver la situation. «Il faut que l’histoire de mon peuple soit enseignée à l’école. Il faut faire la promotion de la culture chagossienne à plusieurs niveaux.»

 

Sylvestre Marin, autre descendant de Chagossien, est du même avis. Cet habitant de Bois-Marchand, âgé de 30 ans, caresse le rêve de pouvoir un jour visiter les terres de ses ancêtres. Mais le jeune homme voit encore plus loin. «Je veux y vivre. C’est mon rêve le plus cher», lance-t-il. «Ces terres me font rêver. C’est là-bas mon chez-moi», fait ressortir ce petit-fils de Chagossien. Il poursuit : «Ici, le peuple chagossien est éparpillé et vit à l’intérieur des terres. Alors qu’il a toujours vécu sur les côtes. Notre culture disparaît de plus en plus. Par exemple, on n’entend jamais parler du séga chagossien. Pourtant, il existe. Ainsi que des plats et boissons locaux. Comme le baka. Le partage faisait partie intégrante de la culture chagossienne. Là-bas, on n’utilisait pas l’argent comme ici, d’après ce qu’on m’a raconté. On échangeait ce qu’on avait, on s’entraidait.»

 

Et la préservation de cette culture est difficile mais pas impossible, dit-il. «J’attends l’arrivée de Laura Jeffery, anthropologue spécialisée dans les déplacements forcés, les études de migration, entre autres. Elle sera là dans quelques semaines pour nous parler de la culture chagossienne. J’espère qu’après cette rencontre, j’aurai une meilleure connaissance de la culture chagossienne et que quelque chose de concret sera fait pour sa préservation», lance le jeune homme. Car la culture est sacrée pour ce peuple déraciné.