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La petite sœur arrêtée après ses frères et sa belle-sœur : Les Chowrimootoo et la drogue, une affaire de famille

Depuis que l’affaire de trafic de drogue par bateau entre Madagascar et Maurice a éclaté, un nom revient souvent sur les lèvres : celui des Chowrimootoo. Alors que les frères Curly et Chris, en prison pour 25 ans, sont soupçonnés d’être toujours actifs depuis leur cellule, leur jeune sœur vient d’être arrêtée pour l’achat d’un hors-bord qui transporterait de la drogue entre la Grande île et notre île. Une arrestation qui survient quelques mois après celle de la femme de Curly Chowrimootoo pour trafic d’héroïne. Zoom sur une famille qui serait une référence dans le milieu…

C’estune histoire comme on en voit dans les films de mafieux. Où on se livre au trafic de drogue en famille. À Résidence Kennedy, Quatre-Bornes, c’est le clan Chowrimootoo qui tirerait les ficelles d’un important réseau de trafic de drogue. «Cette famille a pourri notre quartier avec son trafic», s’insurge un habitant de la localité. Il s’exprime ainsi après l’arrestation de Carine Chowrimootoo, cette semaine, alors que ses frères Curly et Chris purgent une peine de 25 ans de prison pour trafic de drogue et que sa belle-sœur Samantha a été arrêtée en mai pour le même délit.

 

Carine Chowrimootoo fait, elle, l’objet d’une charge provisoire de blanchiment d’argent et d’entente délictueuse dans l’affaire des bateaux de plaisance engagés dans le trafic d’héroïne sur l’axe Madagascar-Maurice et qui a éclaté il y a quelques semaines avec la saisie de 42 kg d’héroïne sur le bateau mauricien Sweet Mamaà La Réunion et l’arrestation de trois Mauriciens qui se trouvaient à bord. La drogue, provenant de Madagascar, transitait par l’île sœur avant d’être rapatriée chez nous.

 

Depuis, l’Anti-Drug and Smuggling Unit(ADSU) et l’Independent Commission Against Corruption(ICAC) enquêtent sur ce réseau de trafic de drogue par bateaux de plaisance entre la Grande île et Maurice, et ont arrêté plusieurs suspects. Le nom de Carine Chowrimootoo a été balancé à l’ICAC par l’un d’eux, Jean Peres. Selon lui, la jeune femme a financé l’achat d’un hors-bord avec la complicité d’un proche, Robert Petit, pour emmener de la drogue de Madagascar – le clan Chowrimootoo posséderait plusieurs autres embarcations à cet effet. Le suspect Peres, un skipper, affirme avoir touché une commission de Rs 1 million pour ramener de la drogue à Maurice.

 

Mais il n’a guère été aisé pour les enquêteurs de mettre la main sur Carine Chowrimootoo qui avait pris la poudre d’escampette et est restée en cavale pendant plusieurs semaines, entre Flic-en-Flac, Chamarel et Résidence Kennedy où se trouve la demeure officielle des Chowrimootoo. Les enquêteurs ont fini par la cueillir à Résidence Kennedy, le jeudi 15 décembre, après une importante opération de filature. Carine Chowrimootoo nie cependant les faits qui lui sont reprochés.

 

Les limiers de l’ICAC et de l’ADSU continuent, eux, leur enquête afin de mettre à mal ce réseau et ceux soupçonnés de le diriger : les Chowrimootoo et leurs proches. Trois autres suspects, dont Curly, qui continuerait à gérer les affaires familiales avec son frère Chris de la prison, sont concernés par cette enquête.

 

25 ans de prison

 

Carine Chowrimootoo, elle, est soupçonnée d’avoir repris le flambeau de ce réseau bien huilé lorsque sa belle-sœur Samantha, la femme de Curly, a été arrêtée chez les Chowrimootoo, à Résidence Kennedy, le 18 mai. Samantha Chowrimootoo, née Petit, avait en sa possession 5,6 kg d’héroïne d’une valeur de Rs 100 millions.

 

Elle aurait pris les affaires de la famille en main après l’arrestation de son époux Curly et de son beau-frère Chris en 2011, en possession de deux sachets de 61,7 g et 52,37 g de Brown Sugarrespectivement, qu’ils comptaient revendre. À l’époque, la drogue saisie était estimée à Rs 1 million. Trouvés coupables en Cour d’assises en juillet 2014, ils ont été condamnés à 25 ans de prison. Après leur arrestation, l’ADSU a maintenu la surveillance sur les membres de cette famille très connue dans le milieu de la drogue. Ce qui a mené à l’arrestation de Samantha Chowrimootoo cette année.

 

L’ADSU avait été prévenue qu’un important colis allait débarquer à Maurice par voie maritime en mai et a mis le commando de la National Coast Guarddans le coup. Une initiative payante : un yacht suspect, le Maggie Mai, a été repéré alors qu’il transférait un colis sur une plus petite embarcation à Baie-du-Tombeau. Colis qu’une voiture a ensuite transporté jusqu’au domicile des Chowrimootoo, à la rue Indépendance, pistée par les limiers de l’ADSU. 

 

Quand ils ont fait irruption dans la maison, Samantha Chowrimootoo manipulait la drogue qui allait ensuite être redistribuée. Plusieurs complices ont pris la fuite. Mais la jeune femme a été arrêtée. Ainsi que deux autres suspects qui se trouvaient sur le yacht. Si après l’arrestation de sa fille Carine cette semaine, elle est restée injoignable, en mai, nous avions rencontré Rosemay, la mère de Chowrimootoo. Toutefois, elle n’avait pas souhaité commenter cette affaire, arguant que «(so)latet ankor tuzur fatige» après la fin tragique de son benjaminAndy.

 

Ce dernier, âgé de 24 ans, était au volant du 4x4 qui avait violemment heurté un autobus de la CNT sur la Beaux Songes Link Roadaux petites heures du 21 décembre 2015. Un terrible accident qui avait fait six morts dont le jeune conducteur. Les policiers avaient recueilli des produits prohibés dans son véhicule mais n’avaient pas ébruité l’affaire par respect pour les personnes décédées. Ce drame n’a visiblement pas empêché les Chowrimootoo de continuer leurs petites affaires, avec l’arrestation de Samantha et Carine cette année. Que va-t-il se passer maintenant ? La question se pose, d’autant que rien ne semble pouvoir arrêter les Chowrimootoo.

 

Dans leur voisinage, à Résidence Kennedy, il est difficile d’obtenir des informations sur eux. Tous ont peur de cette famille influente qui brasserait beaucoup d’argent avec le trafic de drogue et qui aurait des taupes dans toutes les rues du quartier. Seules quelques rares personnes, exaspérées par la situation dans leur localité, osent braver cet interdit et cela, sous le couvert de l’anonymat. Un de nos interlocuteurs raconte que la livraison se fait tous les jours à proximité du terrain de foot : «Ou truv loto ou gro motosiklet arete. Lerla enn ta zeness vini. Zafer la deroul dan sime. Ou gagn zoke plin tink. Zafer la kit site ale dan lezot site. Tou dimunn kone sa. La polis osi kone me zot per pu vinn dan site. Sak fwa zot vini bann zoke anpes zot fer zot travay.»

 

Toutefois, les Chowrimootoo, les frères Curly et Chris en tête, ne seraient que des maillons, importants certes, de ce réseau tentaculaire. Ils auraient pris du galon lorsqu’un de leurs proches a été condamné à quatre ans de prison suite aux allégations d’un suspect en lien avec une affaire de drogue. L’homme est soupçonné d’être le big bossqui tire les ficelles du réseau. Son frère cadet a, lui aussi, été arrêté après quatre ans de cavale à Madagascar. La police le soupçonne d’avoir envoyé plusieurs colis de drogue à Maurice de la Grande île. Un certain Steeve avait aussi été arrêté pour avoir réceptionné un de ces colis, délivré par des policiers déguisés en livreurs de courrier.

 

Le père aussi...

 

Quelque temps plus tard, l’ADSU a réalisé une autre grosse prise en utilisant le même modus operandi. Un suspect connu sous le sobriquet de Philippe Coiffeur a été arrêté à son domicile à Résidence Kennedy avec 600 grammes d’héroïne et Rs 1 million en liquide. Une femme avait aussi été appréhendée à cette occasion. Le commanditaire des deux cargaisons saisies serait le big boss présumé, proche des Chowrimootoo.

 

À sa sortie de prison en 2005, il aurait continué à diriger le réseau avec la complicité de Curly et Chris, dont le père, qui trempait lui aussi dans des affaires de drogue, est mort en prison il y a quelque temps. À l’ADSU, on pense que les sachets de Brown Sugarsaisis sur les deux frères appartenaient, en réalité, à ce proche. «Zot ti pran sarz la akoz zot ankor zen. Seki nou panse vre boss la ena plis ki 50 an. Li ti riske mor dan prison si li ti dir la drog la pu li», souligne un policier.

 

Quoi qu’il en soit, les limiers de l’ADSU et de l’ICAC mettent les bouchées doubles pour réunir un maximum de preuves contre les membres du clan Chowrimootoo. Outre l’acquisition de bateaux payés cash, la brigade anti-corruption s’intéresse aussi aux petits commerces financés par l’argent provenant de la drogue. Des snacks ou encore des tabagies et boutiques auraient poussé comme des champignons un peu partout dans le quartier des Chowrimootoo, surtout chez certaines «conquêtes» du big bossprésumé qui est connu pour être un coureur de jupons.

 

«Ils blanchissent leur argent sale à travers ce procédé et d’une autre façon. Par exemple, ils vous empruntent Rs 5 000 et vous rendent le triple quelque temps plus tard. Plusieurs habitants de la localité se sont enrichis ainsi et ont construit de grandes maisons», soutient un résident. La demeure du clan Chowrimootoo tout comme celle du proche qui tirerait les ficelles du réseau sont d’ailleurs assez impressionnantes. Alors qu’officiellement Curly et Chris collectionnaient les petits boulots avant leur arrestation et que leur défunt frère était livreur de pizza.

 

La maison à étage du frère du big bossest en construction alors que celui-ci était en cavale pendant quatre ans avant d’être arrêté récemment. «Zot dir zot gayn kas are zwe lecours ek kazino», souligne un voisin qui en a vraiment marre de l’atmosphère qui règne au quotidien à Résidence Kennedy et qui n’a qu’un souhait, comme tant d’autres dans le voisinage : que tout ça s’arrête et que la région puisse respirer à nouveau.

 


 

Des chiffres inquiétants

 

Selon un travailleur social, environ 85 habitants de Résidence Kennedy sont actuellement en prison en attente de leur procès pour des délits en lien avec la drogue. 30 autres résidents de l’endroit seraient en liberté provisoire pour des délits similaires. Des chiffres choquants pour un seul quartier. «Cette situation est très inquiétante. La Résidence Kennedy est complètement gangrenée par le trafic de drogue. Il y a de l’héroïne, du gandiaet des drogues synthétiques à gogo. La police devrait faire des patrouilles régulières pour dissuader les trafiquants», martèle le travailleur social.