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José Thérèse : Le départ inattendu d’un jazzman au grand cœur

L’artiste laisse derrière lui un énorme héritage musical.

Il vivait pour la musique, se passionnait pour le saxophone, son instrument de prédilection, et le jazz coulait dans ses veines. Musicien hors pair qu’on ne présentait plus sur la scène locale, José Thérèse s’en est allé subitement, laissant un grand vide derrière lui, mais aussi sa plus grande réalisation et son héritage : l’Atelier Mo’Zart. Arlette, sa mère, inconsolable, garde le meilleur de son fils qui, enfant, dit-elle, créait des sons à partir des ti lamok. Témoignage.

Son saxophone et lui ne faisaient qu’un. Sur scène, il était comme transporté dans un autre monde et faisait vibrer le public au son du jazz. Arborant un look qui lui était propre – lunettes de soleil dont il ne se séparait quasiment jamais, dreadlocks et légendaire frange –, José Thérèse, 52 ans, était un artiste exceptionnel qui s’était fait une place dans le monde de la musique locale et internationale, grâce à sa plus grande force : la persévérance.

 

Mais le jeudi 20 novembre, c’est avec consternation que l’île Maurice, et ceux qui le côtoyaient de près ou de loin, ont appris la triste disparition de ce fils de Roche-Bois, qui ne vivait que pour la musique. Son corps sans vie a été retrouvé dans sa maison du lieu-dit Le Cocotier, à Baie-du-Tombeau. Le rapport d’autopsie indique que l’artiste, qui était diabétique, est mort suite à une hypoglycémie.

 

Pour ses proches, élèves et collègues musiciens (voir en page 10), le départ de José Thérèse est survenu au moment même où l’artiste écrivait une nouvelle page de sa carrière, avec la récente inauguration de la première phase de l’espace artistique Mo’Zart, un rêve pour lequel il s’est battu pendant des années. Quand Arlette, sa mère, se remémore le chemin qu’il a parcouru, elle ne peut s’empêcher de fondre en larmes. «Il s’est battu pour l’Atelier Mo’Zart. Il s’était entièrement consacré à cette passion qu’il transmettait aux jeunes de la localité. Lorsqu’il est rentré au pays après des études au Danemark, il n’a pas hésité à transformer l’étage de la maison en école de musique. Il avait un grand cœur. Je perds un trésor», lâche-t-elle, les larmes coulant sur son visage complètement dévasté par le chagrin. «Pourquoi lui, pourquoi maintenant ?» ne cesse-t-elle de se demander, alors que ses proches et amis, venus lui témoigner de la sympathie, tentent de la consoler. En vain. Pour une mère, il n’y a rien de pire que de voir partir son enfant.

 

Jeudi, lorsque des policiers frappent à sa porte et lui demandent où se trouve son fils José, Arlette, loin de se douter de quoi que ce soit, avance que ce dernier se trouve chez lui, à Baie-du-Tombeau. «Je leur ai demandé s’il y avait un problème, mais ils m’ont dit que tout allait bien. Plus tard, un neveu m’a demandé si j’avais eu des nouvelles de José. Puis un autre. Au fond, je savais que quelque chose s’était passé et j’en ai eu la confirmation quand ma fille m’a téléphoné», confie-t-elle.

 

Mère de trois enfants, elle voit son monde s’écrouler tel un château de cartes. Impossible pour elle de croire que son José n’est plus, que l’âme du musicien qu’il était s’est éteinte définitivement, alors même que quelques jours plus tôt, les Thérèse se réjouissaient de l’arrivée de Doris, la sœur du musicien, établie depuis plusieurs années au Danemark. Lorsqu’elle pénètre dans la maison endeuillée en ce jeudi 20 novembre, Doris, les yeux rougis à force d’avoir trop pleuré, tente tant bien que mal d’éviter de croiser le regard de sa mère, effondrée sur une chaise dans une petite pièce de la maison. Le visage face au mur, Arlette ne peut retenir ses larmes. «Où se trouve mon fils ?» insiste-t-elle.

 

Hantées par le même cauchemar, et comme dans un mauvais jeu de miroir, Arlette et Doris se regardent, se jettent dans les bras l’une de l’autre, et laissent éclater leur tristesse. «Maman, je suis venue dire adieu à mon frère. Il est parti, on ne le verra plus», hurle presque Doris, qui ne peut contenir ses émotions. La scène fend le cœur.

 

Bien qu’il compte une riche carrière musicale, José Thérèse n’a pas eu un parcours facile. Issu d’un milieu modeste, lorsqu’il était enfant, c’est en tapant dans des ti lamok qu’il découvre sa passion pour la musique. Depuis, plus rien ne l’a arrêté. «Il ramassait chaque boîte de conserve vide qu’il trouvait et tapait dessus avec un bâton. Il produisait des sons à casser les oreilles. Dès qu’il s’endormait, je jetais aussitôt ces petites boîtes. Mais dès le lendemain, il en trouvait d’autres et les ramenait à la maison. À un moment donné, j’ai compris que je ne pouvais rien contre cela, que la musique était innée chez lui», reconnaît Arlette, qui ne garde que de bons souvenir de son fils.

 

Après le Certificate of Primary Education, il rejoint l’IVTB. Mais entre-temps, José Thérèse ne lâche pas d’une semelle sa passion pour la musique et obtient même une bourse, avant de faire son entrée au Conservatoire François-Mitterrand, à Quatre-Bornes. «Doué, il l’était. Il a commencé par jouer de la flûte, puis du saxophone. Sa musique et son bel instrument vont me manquer», confie-t-elle. Mais le plus dur pour Arlette, c’est de ne pas avoir eu la possibilité de voir son fils, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, pour lui faire ses adieux (NdlR : José Thérèse n’avait plus donné signe de vie depuis trois jours, avant qu’on découvre son corps sans vie jeudi) : «C’est trop dur de ne pas avoir vu son visage. C’est un terrible regret qui me poursuivra jusqu’à ma mort.»

 

Divorcé et père d’un adolescent, José Thérèse laisse aussi derrière lui sa sœur et son frère, qui ont du mal à se remettre de son départ inattendu. Très engagé auprès des jeunes de son quartier, l’artiste a reçu l’Oscar de la Jeunesse en 1998 et a été élu Most Outstanding Young Person en 2000 pour sa contribution auprès des recalés du système éducatif. Mais sa plus belle réalisation demeure l’Atelier Mo’Zart. L’héritage en or d’un jazzman au grand cœur.

 


Les funérailles du musicien ont eu lieu en l’église Notre-Dame-de-l’Assomption à Roche-Bois.

 

 

Roche-Bois pleure son Mo’Zart

 

Des notes jazzy résonnent entre les murs de l’église de Roche-Bois. Ce vendredi 21 novembre, élèves, amis et proches sont venus rendre un dernier hommage à José Thérèse. Un grand homme dont le départ a surpris tout le monde, comme celui d’autres grands noms de la musique à l’instar de Kaya et du pianiste Noël Jean. «Roche-Bois a perdu enn kolonn, son professeur, a déclaré le père Sylvio Lodoiska, curé de Notre-Dame-de-l’Assomption, au moment de l’homélie. En 52 ans, il a fait beaucoup plus que d’autres âgés de plus de 70 ans. C’est pour cela que vous êtes venus lui rendre hommage en grand nombre aujourd’hui. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai eu la chance de le croiser à plusieurs reprises. Certains le surnommaient Corbeau. D’autres l’appelaient Blue. Roche-Bois a perdu un autre de ses fils qui a beaucoup fait pour les personnes de sa localité.»

 

Il a également invité les personnes présentes à suivre l’exemple de José Thérèse : «Lamizik ti pas avan tou pou li, se akoz sa li pa ti tro pran so la sante kont.  Il a beaucoup fait pour les pauvres. Il n’était pas pratiquant, mais vivait sa foi autrement. Il s’occupait des laissés-pour-compte. Ses réalisations resteront dans les mémoires. Il a accompli sa mission d’une manière différente. Je suis sûr qu’il a sa place à côté du bon Dieu. Il était, en outre, connu pour avoir une grande gueule, mais c’était un homme de cœur. C’est aussi pour cela qu’il va falloir continuer son travail et surtout réaliser son rêve d’un conservatoire de musique à Roche-Bois. Ce conservatoire doit impérativement porter son nom.» José Thérèse avait un projet à cœur, celui d’une salle polyvalente qu’il voulait mettre sur pied au port franc, poursuit Sylvio Lodoiska.

 

Doris et sa mère unies dans la douleur.

 

 

Peu avant la fin de la cérémonie religieuse, ce sont les élèves de l’Atelier Mo’Zart qui ont rendu un vibrant hommage à José Thérèse, en musique. C’est ainsi qu’ils ont interprété le titre Adieu monsieur le professeur, avant que Sylvio Lodoiska procède à la bénédiction finale.

 

Au terme de cette cérémonie, l’assistance est sortie de l’église sur les notes de jazz jouées par les élèves de l’Atelier Mo’Zart. Les larmes ont vite laissé la place à la joie de savoir que le travail de José Thérèse se perpétuera à travers eux, mais aussi à travers les collaborateurs de l’artiste. Et c’est dans cette atmosphère musicale que la dépouille a quitté l’église de Roche-Bois, pour se rendre au cimetière de la localité, où repose désormais l’artiste.

 

Laura Samoisy et Jean Marie Gangaram