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José Emilien : «Certaines personnes peuvent faire face aux problèmes mais d’autres sont plus faibles»

Le suicide est un mot qui fait frémir car il est devenu un des pires fléaux de la société. Vendredi, un ado de 17 ans s’est donné la mort, s’ajoutant à la déjà longue liste de jeunes qui ont commis l’irréparable ces derniers temps. José Emilien, président de Befrienders Mauritius, nous partage son analyse de la situation.

Vendredi, un ado s’est donné la mort par balle. Qu’est-ce que cela vous fait d’entendre ce genre de chose ? 

 

Un cas de plus, c’est un cas de trop. Là encore, il s’agit d’un jeune. C’est triste d’autant plus triste que personne n’ait vu qu’il allait mal. Je ne connais pas les circonstances de ce drame, donc je ne peux pas en dire plus. Mais il y a un rajeunissement des cas. Nous notons aussi, en ce moment, qu’il y a certains cas de meurtre qui sont maquillés en suicide mais ça, c’est un autre débat. À Maurice, le nombre s’est stabilisé. Mais le phénomène de rajeunissement des personnes en souffrance inquiète.

 

À Maurice, le taux de suicide est de six pour chaque 100 000 personnes. En 2016, selon les statistiques officielles, 66 cas de suicide et 356 tentatives de suicide ont été enregistrés. Comment faut-il interpréter ces chiffres ?

 

Chaque cas de suicide est triste. Certes, le taux de suicide a diminué avec les campagnes que nous faisons. C’est encourageant. Mais il y a aussi deux personnes sur 10 qui ne donnent pas de signe qu’elles vont commettre l’irréparable. Je reviens sur les campagnes de sensibilisation que mène Befrienders Mauritius. Ce jeune homme dont on parle plus haut a probablement dû montrer des signes, un mal-être que personne n’a remarqué ou a pris en considération. Il y a certaines personnes en souffrance qui ne montrent pas de signe mais dans la plupart des cas, il y a des signes avant-coureurs. D’après les statistiques, huit personnes sur 10 donnent des signes. 

 

Et quels sont ces signes ?

 

C’est à travers les campagnes de sensibilisation que nous faisons que nous essayons de sensibiliser sur comment déceler le mal-être d’une personne. Nous leur montrons comment détecter des signes imperceptibles, dans le changement de comportement par exemple ou encore dans la façon de s’exprimer, qui peuvent donner une indication que quelque chose va mal. 

 

Qu’est-ce qu’il faut faire dans ce cas ?

 

Il faut établir le dialogue, tendre une main. 

 

Dans plusieurs cas, il est question d’une «histoire de cœur», d’un «échec amoureux». Est-ce qu’on peut avoir votre avis sur ce sujet ? 

 

Ce genre d’épreuve fragilise beaucoup une personne. En ce moment, il y a une atmosphère de morosité. Les gens ne sont plus résilients. Certaines personnes sont fortes et peuvent faire face aux problèmes mais d’autres sont plus faibles et n’arrivent pas à les gérer. Elles ne savent pas comment réagir face à des difficultés.

 

Comment en arrive-t-on là ? 

 

Il est beaucoup question de la façon dont on a été élevé. Les jeunes sont actuellement «overprotected» et ils dépendent beaucoup de leurs parents qui, eux, croient bien faire en les surprotégeant. Souvent, ces derniers se disent qu’ils vont tout faire pour leur enfant parce qu’eux n’ont pas eu cette chance durant leur enfance. C’est ainsi que les jeunes se retrouvent incapables de pouvoir assumer une force de caractère. Ils se retrouvent à être vulnérables quand survient un problème. Ils le trouvent alors difficile à gérer. En ayant toujours compté sur les parents, ils n’ont pas développé de force de caractère ni de résilience. Ils sont perdus et ne savent pas comment réagir. C’est une ébauche d’explication. 

 

Le suicide touche-t-il donc actuellement plus de jeunes ? 

 

Il y a un mal-être en général. Il y a, comme je l’ai dit, une certaine morosité qui prévaut dans la société. On entend beaucoup de crimes et de scandales. Il y a comme une négativité. Dans les médias, il y a beaucoup plus de mauvaises nouvelles que de bonnes. 

 

Comment opère Befrienders Mauritius ? 

 

C’est très important qu’une personne en détresse puisse être écoutée et comprise par son entourage ou par celui ou celle à qui elle aura choisi de se confier. Dans ces cas, il ne faut pas porter de jugement. Mais tendre l’oreille. À travers le dialogue, on peut expliquer à la personne en détresse les conséquences que son acte pourrait avoir pour qu’elle arrive à comprendre qu’à chaque problème, il y a une solution. C’est avec le dialogue qu’on peut la trouver. Nous, nous assurons ce rôle. Notre hotline est disponible pour toutes les personnes qui veulent être écoutées. C’est le 800 9393 et c’est gratuit. Nous sommes aussi disposés à nous déplacer pour parler des signes, des symptômes, des causes du suicide. On va sur le terrain, on propose de l’écoute active. On est là pour expliquer comment gérer, détecter, se relever. Le thème de la Journée mondiale de la prévention du suicide, le 10 septembre, était «take a minute, save a life» et c’est ce que nous prônons. 

 

Infos pratiques

 

Les coordonnées de Life Plus sont : le 188 (hotline) et le 466 5310 (fixe) et lifeplus@govmu.org(courriel). La hotline de Befrienders est le 809 9393, gratuite d’une ligne de téléphone fixe. Les volontaires de Befrienders sont à l’écoute de 9 à 21 heures. Befrienders et Life Plus offrent aussi un service conseil en face à face.

 

Le suicide, la seconde cause de décès dans le monde

 

L’Organisation mondiale de la santé est préoccupée par ce phénomène. Le Dr Laurent Musango, représentant de l’OMS à Maurice, souligne que chez les 15 à 29 ans, le suicide est la seconde cause de décès dans le monde. Dans le cadre de la Journée mondiale de la prévention du suicide le 10 septembre, il a rappelé que 800 000 personnes commettent l’acte fatidique chaque année et qu’il est estimé que, pour chaque cas, il y a 20 tentatives. Pour l’OMS, la prévention du suicide est une «priorité» sur le plan de la santé publique. D’ailleurs, elle l’avait qualifiée «d’urgence mondiale» en 2014, afin de «sensibiliser les gens» sur le problème de souffrance en silence et pour pousser les décideurs à l’inclure «parmi les priorités».

 

L’État, de son côté, agit sur plusieurs plans. Life Plus, son unité dédiée à la prévention du suicide, qui opère sous l’égide du ministère de l’Égalité du genre, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille, offre un service d’écoute 24/7. Elle multiplie aussi les campagnes de sensibilisation sur la prévention du suicide, la gestion du stress et la pensée positive. Ces rencontres, qui se tiennent dans les centres communautaires, sont destinées au public en général et à des groupes particuliers. De plus, le service de psychiatrie du ministère de la Santé et de la qualité de la vie a été décentralisé depuis quelques années. Les patients dépressifs ayant des comportements suicidaires sont ainsi pris en charge dans tous les hôpitaux régionaux. Jusque-là, ils étaient canalisés vers le Brown Sequard Mental Health Care Centre de Beau-Bassin.