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Jack Bizlall : «Je suis pour une nouvelle Constitution afin de rétablir ce qui a été fait de mal à l’époque»

Il va publier, le 31 mars, un livret intitulé Nos erreurs constitutionnelles. Car Jack Bizlall du Muvman Premye Me estime qu’il y a des faussetés qui pèsent lourd dans notre Constitution. Il nous livre son analyse…

Croyez-vous que le pays a retrouvé sa sérénité avec le départ d’Ameenah Gurib-Fakim de la présidence ?

 

Le pays est troublé dans le sens où la population mauricienne est consciente que ses dirigeants politiques commettent souvent des passe-droits, des accaparements et des abus. De toutes les façons, il y a déjà deux gros cas en cour : l’affaire MedPoint impliquant Pravind Jugnauth, qui est toujours au niveau du Privy Council, et l’affaire des Rs 224 millions de Ramgoolam, qui est toujours entre les mains de la police. Bien que l’ampleur soit tout à fait différente, la population croit toujours qu’au-dessus des politiciens, il y a le président de la République. C’est la première fois que la population mauricienne constate que les abus et passe-droits atteignent la présidence aussi. Et c’est là, le drame. Si on ne fait rien, la confiance que la population a en nos politiciens va atteindre un point de non-retour. Je crois qu’il est important que les gens qui se respectent dans le pays ne restent pas indifférents, prennent position, rassurent la population que tout n’est pas pourri. Ce qu’il faut faire, c’est prendre des dispositions pour changer les choses. Et c’est ce que je fais personnellement.

 

Vous plaidez ainsi pour une nouvelle Constitution. Pourquoi ?

 

Depuis que j’ai 21 ans, depuis que nous avons eu l’Indépendance en 1968, j’ai plusieurs fois suggéré, à mes amis, mes proches, dans les différents milieux où je milite, la nécessité de corriger les erreurs de cette année-là.

 

Quelles sont ces erreurs ?

 

C’est dans ce contexte que j’ai écrit un petit livre que je vais publier le 31 mars : Nos erreurs constitutionnelles. Dans ce livret, je parle, en premier lieu, de ce que j’appelle les faussetés qui ont pesé lourd dans notre Constitution. Quelles sont ces faussetés ? C’est de venir dire que c’est l’Angleterre qui a imposé notre Indépendance. C’est faux. Ou encore que l’Angleterre était disposée à accepter l’intégration du pays au Royaume-Uni. C’est encore faux. C’est contradictoire : comment peut-on à la fois forcer l’Indépendance et accepter l’intégration du pays ?

 

Dites-nous un peu plus…

 

Dans les faits, depuis 1957, les États-Unis négociaient avec la Grande-Bretagne pour qu’il y ait une base militaire dans l’océan Indien afin de contrecarrer l’URSS. Il était prévu que cette base soit à Rodrigues. Puis, il y a eu deux visites des Américains à Diego Garcia à l’époque : une première en 1957 et une autre en 1961. Au début de février 1965, il y a eu un accord entre le Royaume-Uni et les États-Unis pour que Maurice accède à l’Indépendance. Ce sont les Américains qui ont exigé cela afin de récupérer Diego Garcia sans qu’il y ait une occupation dans les faits des Américains sur le territoire mauricien. Les Anglais ont eu, en contrepartie, la possibbilité de négocier des avions à des prix très bas et les Anglais ont reçu 14 millions de dollars de l’époque, soi-disant pour reloger les Chagossiens mais une grosse partie de cet argent est restée là-bas.

 

Donc, les Américains ont imposé sur nous cette Indépendance. À Maurice, Ramgoolam a fait passer le message que c’est lui qui avait demandé l’Indépendance et Duval, de connivence avec Ramgoolam, avait dit : «OK, on va faire les élections de 1967 sur l’intégration.» Les deux ont triché et ce sont les Chagossiens qui ont été les grandes victimes. Donc, la première chose qu’il faut faire avec une nouvelle Constitution, c’est de corriger cette erreur.

 

Comment ?

 

En rédirigeant et en entrant dans une nouvelle Constitution, dans une nouvelle République, pour déclarer tous les territoires mauriciens, mer et terre, comme un espace démilitarisé. Il faut le faire constitutionnellement. C’est seulement par la démilitarisation de l’océan Indien qu’on va récupérer Diego Garcia. Et en même temps, il faudra mettre dans la Constitution que, jusqu’à ce que les Chagos soient récupérés, que ceux qui ont été délogés des trois îles soient protégés à Maurice sur tous les plans. Il faut mettre en place des institutions de réparation et trouver de l’argent pour reloger les Chagossiens aussitôt qu’on récupère les îles. Je suis pour une nouvelle Constitution afin de rétablir ce qui a été fait de mal à l’époque.

 

Vous proposez donc la mise sur pied d’une Assemblée constituante ?

 

Toute société qui se respecte, qui veut adopter une nouvelle Constitution, doit passer par une Assemblée constituante. Ce n’est pas l’affaire de quelques élus, mais l’affaire de tous les gens qui sont intéréssés, de près ou de loin, à la Constitution. Tous les citoyens de Maurice sont concernés. Donc, il faut que cette Constitution soit approuvée par référendum, que tout le monde tombe d’accord et dise : voilà, c’est notre Constitution, nous l’approuvons. Pour passer à une nouvelle Constitution, il faut savoir quel type de Constitution adopter. Prenons l’exemple de l’Inde : ce pays a connu le même cheminement que nous. Il a eu son Indépendance en 1947 mais l’Inde ne s’est pas arrêtée là et a mis sur pied une Assemblée constituante qui a établi un comité de rédaction de la nouvelle Constitution. Et la nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 26 novembre 1949. La grande différence avec nous, c’est que l’Inde a adopté une Constitution sur la base de ce que Maurice n’a pas fait.

 

C’est-à-dire ?

 

L’Assemblée nationale n’a pas le droit de modifier la Constitution en Inde. Là-bas, c’est la suprématie constitutionnelle qui existe. Et celle-ci ne permet pas à des parlemenaires de modifier une Constitution. Ici, nous avons une suprématie parlementaire. Voilà la différence qu’il faut faire pour la prochaine Constitution. Après, il faut aussi une République parlementaire. Il faut adopter tous les principes d’une République parlementaire. En 1968, nous étions une monarchie constitutionnelle. En 1992, quand nous sommes passés en République parlementaire, nous avons continué à garder une Constitution qui était appropriée pour une monarchie constitutionelle. La Constitution de l’île Maurice n’est pas une Constitution républicaine, c’est une Constitution approriée pour une monarchie constitutionnelle. Et c’est pour cela que nos dirigeants se comportent en monarques. Il faut amener notre Constitution à respecter les normes d’une République parlementaire. Il y a trois manquements : monarchie constitutionnelle, République parlementaire et suprématie parlementaire.