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Ivor Tan Yan : «Les rencontres prébudgétaires sont une perte de temps»

Les consultations prébudgétaires sont terminées et tous attendent l’annonce de la date officielle de la présentation du budget 2018-2019. Ces rencontres auront-elles un impact sur le contenu du discours ? Ivor Tan Yan, négociateur de la Federation of Progressive Union (FPU), nous donne son avis.

Le Premier ministre a enchaîné, ces derniers temps, les consultations en vue du discours budgétaire prévu pour bientôt. Croyez-vous en la pertinence de ces rencontres ?

 

Personnellement, je n’y étais pas cette année. Notre syndicat était conviée par le bureau du Premier ministre et ministre des Finances, mais je ne m’y suis pas rendu pour la deuxième année consécutive parce que, finalement, on se rend bien compte que la compensation – parce que généralement quand, nous, syndicats, allons à cette rencontre, c’est pour parler de compensation – est déjà prédéfinie. On peut faire bouger les lignes de quelques centaines de roupies en gros. Il y a eu, l’année dernière, l’action de Reeaz Chuttoo et de Jane Ragoo qui a fait que cette allowance a été améliorée de quelques centaines de roupies. Mais à aucun moment le gouvernement ne tient compte réellement de l’impact de l’inflation sur les salaires. Il ne tient pas compte de la réalité des travailleurs et donc, pour moi, ces rencontres tripartites constituent un simulacre de démocratie et c’est une perte de temps d’y participer. C’est perdre du temps pour finalement rendre crédible un simulacre de démocratie.

 

Encourager les investissements, stimuler la croissance, éliminer la pauvreté, améliorer les conditions de travail, relancer l’économie ou encore augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs… les acteurs des principaux secteurs nourrissent de grands espoirs en allant à ces rencontres. Donc, ils perdent tous leur temps ?

 

Selon moi, ils participent à un jeu qui est, je le redis, un simulacre de démocratie. Aujourd’hui par rapport à la dette du pays, chaque cadeau que le gouvernement fera sera un cadeau empoisonné. La plupart du temps, le ministre des Finances rencontre tout le monde mais il ne satisfait que quelques-uns. Il n’y a que quelques-uns qui, à la fin, vont dire qu’ils sont contents et pleinement satisfaits. Ceux qui sont pleinement satisfaits tiennent-ils compte de la satisfaction des autres ? Nous sommes dans une société et si moi je sors gagnant mais au détriment d’une centaine d’autres, suis-je vraiment gagnant ? Moi, j’essaie de dire la réalité des choses. Aujourd’hui, notre pays a un niveau d’endettement record – encore que si cela se traduisait par quelque chose de positif pour le pays par rapport au développement, ce serait une autre chose. Aujourd’hui, si quelqu’un habite sur le plateau central, là où habitent la plupart des Mauriciens, Curepipe, Quatre-Bornes, Vacoas, Phoenix, Rose-Hill, Beau-Bassin, Coromandel, il lui faut compter 45 minutes pour arriver à Port-Louis, si ce n’est plus ! Le plateau central n’est qu’une agglomération alors que la majeure partie des travailleurs du pays viennent de ces régions-là. Aver ce niveau d’endettement, on aurait pu s’attendre à des améliorations à ce niveau-là.

 

En tant que négociateur syndical, qu’attendez-vous du prochain Budget ?

 

Ce serait que dans le prochain Budget, le ministère de l’éducation reçoive suffisamment de fonds pour pouvoir engager des professeurs qui pourront gérer des classes car aujourd’hui, on met dans le mainstream des enfants qui ont réussi le PSAC avec ceux qui ont échoué. Il faut des professeurs qualifiés pour intervenir à ce niveau. Sinon, on court à la catastrophe par rapport à la main-d’oeuvre qu’on aura à Maurice dans 10 ans, voire moins ! Sinon dans sept ou huit ans, on aura une main-d’œuvre qui arrivera sur le marché du travail sans savoir lire et écrire. Pour moi, c’est un des premiers secteurs où il faudrait investir. L’autre secteur où il faut investir, c’est la santé. Aujourd’hui, les médicaments et les conditions dans lesquelles les services de santé reçoivent les patients s’améliorent mais doivent s’améliorer davantage. Ce sont des secteurs où le gouvernement devrait œuvrer et donner plus d’argent qu’il n’a l’habitude de le faire pour améliorer les services, notamment en recrutant des médecins, améliorant les services dans les dispensaires, mettant des IRM et, surtout, en les rendant accessibles.

 

N’y a-t-il pas eu suffisament de développement dans ces secteurs ? 

 

Il faut améliorer ces services parce qu’aujourd’hui, on a une population vieillissante. Il faudrait aussi finaliser la construction de l’hôpital gériatrique qu’on attend toujours et, finalement, financer un programme pour soutenir, et non pas punir, les toxicomanes. Parce qu’on a vu ce que la punition donne. Depuis des années, on puni des toxicomances et on les entraîne dans une logique avec la méthadone qui ne les aide pas. Ce sont des gens qui, dans notre société d’aujourd’hui, deviennent un fardeau non seulement pour l’état mais aussi pour les familles et les proches. Qu’on mette en place un programme qui sera positif pour la société et pas un programme de répression. Il faut avoir une ligne pour développer notre société de manière positive.

 

Mais le gouvernement ne travaille-t-il pas suffisament, selon vous, pour améliorer ces choses ?

 

Aujourd’hui la politique, c’est de diviser pour mieux régner. Il y a une chose simple, qui est évidente mais qui semble être un secret de Polichinelle. En 82 et 83, ce sont les travailleurs et les citoyens mauriciens qui souffraient qui ont conduit au pouvoir une nouvelle vague de dirigeants. Cette nouvelle vague de dirigeants est au pouvoir depuis environ 36-37 ans maintenant. Les dirigeants savent que ce sont les gens qui souffrent le plus dans la société qui les ont emmenés au pouvoir, c’est-à-dire, les travailleurs et les classes les plus heurtés par la misère dans le pays. Aujourd’hui, que font ces dirigeants ? Ils font tout pour diviser les travailleurs avec, par exemple, le cassage des syndicats, avec le non-respect des conventions collectives qui existent dans les compagnies paraétatiques.

 

Si vous aviez un conseil à  donner au ministre des Finances, que lui diriez-vous en vue du prochain discours budgétaire ?

 

Aujourd’hui, le ministre des Finances et Premier ministre n’est pas en phase avec la réalité des Mauriciens. Je lui conseillerais d’essayer de faire vivre sa famille avec un budget de Rs 18 000 considérant que sa femme et lui travailleraient et auraient tous les deux un salaire de Rs 9 000. Je lui demanderais aussi d’essayer de faire l’effort – même en théorie – de voir comment il ferait vivre sa famille en finançant trois repas par jour et les autres frais qu’il faut payer pour vivre, et de tirer des conclusions.

 


 

Bio express

 

Détenteur d’un Master en droit avec spécialisation en arbitrage et sécurité bancaire, des universités de Lyon 2 (France) et Newcastle (Australie), Ivor Tan Yan, ex-étudiant du collège Saint-Mary’s, à Rose-Hill, a abandonné un poste d’In-House Counsel dans une firme privée pour se mettre aux services des travailleurs. C’est après avoir été touché par le drame provoqué par les inondations du 30 mars 2013, à Port-Louis ­– qu’il a suivi sur Internet – qu’il a décidé de rentrer au pays.