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Initiative citoyenne : Un bol de soupe, un bol d’amour

Tous les mercredis, dans le centre de Grand-Baie, on vit un beau moment de partage. Share the love !

Ilss’accrochent au ciel. Pour encore quelques minutes de belle luminosité. Quelques filaments orangés, d’un soleil qui vient de se coucher, jouent les prolongations. Mais pas pour longtemps encore. C’est le moment, suspendu entre deux soupirs, où la terre hésite entre la nuit et le jour. Bientôt, la magie du soir imposera son rythme au cœur de Grand-Baie.

 

Il est 18 heures, l’éclairage public s’invite à la ronde, la plage se déshabille pour la nuit, les rues accueillent ceux et celles qui rentrent chez eux après une journée de boulot. Sur la grande route, en face de l’océan, un petit coin de village s’anime. Juste à côté du restaurant Spur, une table accueille un contenant assez inhabituel : une immense marmite, presque une cuvette ou un bake, souvenir de barbotage d’enfance. De cette imposante karay– où pâtes, haricots et tomates font la danse des saveurs – s’échappe une bonne odeur et un… parfum d’amour.

 

Mais que se passe-t-il ? Tous les mercredis, à partir de 17h30, un groupe d’hommes et de femmes donnent de la soupe aux nécessiteux (oui, c’est le concept de la soupe populaire). Car si Grand-Baie a connu un développement touristique rapide et impressionnant, que les hôtels et les villas y coulent de beaux jours, qu’en apparence les touristes y ont droit à leur petit bout de paradis, derrière la façade bling-bling(night life, centres commerciaux et compagnie), de nombreuses familles vivent dans la pauvreté. Alors, une fois par semaine, des personnes, qui ont le cœur sur la main, se réunissent et offrent ce qui est, pour beaucoup de bénéficiaires, le seul repas complet de la semaine. Et, en ce début de soirée, ils sont nombreux à venir chercher leur soupe, partagée dans des gobelets en plastique.

 

Quelques enfants s’avancent avec des  bols, afin d’en ramener pour toute la famille, des hommes avalent un gobelet rapidement avant de disparaître, des SDF, qui dorment sur la plage, sont invités à se resservir, des personnes âgées passent et hésitent avant d’approcher. C’est vrai que notre présence gêne un peu les habitués de la soupe populaire et de ce rendez-vous du mercredi. Nouer la conversation n’a rien d’aisé en ce début de soirée. Pourtant, confie Reetanand Seebaluck, un des bénévoles, d’habitude, on s’arrête pour papoter, pour échanger des nouvelles. Aujourd’hui, les regards sont baissés et fuyants : il est souvent difficile de parler de son besoin d’aide.

 

Timidité

 

Une question de dignité, certainement. Reetanand respecte cette soudaine timidité. Cet habitant de Pointe-aux-Canonniers sert de la soupe avec sa femme Anna depuis quelques années maintenant. «C’est un moment important de notre semaine. Il y a la rencontre avec l’autre, le partage et l’impression d’apporter quelque chose de bien à d’autres personnes», confie-t-il. Le Dr Ian Ramdin répond aussi présent quand il n’est pas on callà l’hôpital depuis trois ans. Ce geste – donner de la nourriture – est pour lui porteur d’espoir : «Je le fais pour les enfants. Leur donner un bon repas, c’est, d’une certaine façon, participer à leur épanouissement.» Une autre volontaire, qui ne souhaite pas dévoiler son identité, explique, elle, que ces rendez-vous du mercredi sont attendus par beaucoup de personnes de la localité : «Pour beaucoup d’entre eux, c’est le seul repas équilibré de la semaine.»

 

Elle a rejoint la teamd’Andries Bestow, un Sud-Africain qui vit à Maurice depuis cinq ans. L’homme a continué l’œuvre de l’ancien propriétaire de Spur qui vit désormais en Australie. C’est de lui que vient l’idée de la soupe populaire : «Je le connaissais et j’ai trouvé que c’était une belle initiative. Alors, nous nous sommes lancés.»«Nous», c’est sa femme Anita mais aussi ses copains d’église (il s’agit d’une initiative de Living Word, mais au-delà de l’aspect religieux, nous retenons l’engagement humain). Chaque semaine, ce groupe fournit les ingrédients à Spur et les employés du restaurant concoctent la soupe (pour environ 150 gobelets !), différente à chaque fois pour varier les plaisirs. Les morceaux de pain servis avec ? Des cadeaux de La boulangerie de Pamplemousses.

 

Une chaîne humaine et de solidarité dont vous pouvez faire partie (voir hors-texte)sans pour autant rejoindre une église (on le précise, au cas où). Au fil des années, au-delà de la soupe, c’est tout un accompagnement qui s’est mis en place.  Dans quelques semaines, la petite troupe de bénévoles se lancera dans les célébrations autour de Noël, avec la distribution de cadeaux, de matériel scolaire et la préparation de hot dogs. Chantal Jaune, habitante de Grand-Baie, engagée dans le social dans son quartier, ne rate jamais ces mercredis-soupe. Avec son tupperware, elle en prend un peu pour les personnes âgées de sa connaissance qui ne peuvent pas se déplacer. Cette retraitée a vu Grand-Baie changer de visage au fil des années, un développement rapide qui n’a pas touché tout le monde, explique-t-elle.

 

Beaucoup de familles comptent donc sur ce repas offert une fois par semaine : «C’est un rendez-vous très important. Et ça fait un bien fou à beaucoup de gens qui, parfois, n’ont pas de quoi nourrir leurs enfants.»D’ailleurs, dès que des filaments orangés s’accrochent au ciel, ils savent qu’ils doivent s’approcher de l’énorme marmite.

 


 

Un petit coup de pouce ?

 

C’est possible d’en donner un. Comment ? En offrant des ingrédients pour la soupe (ou en sponsorisant une soirée de soupe de temps en temps), en venant servir ce repas tous les mercredis à Grand-Baie ou les samedis à Barkly ou en aidant financièrement l’achat des ingrédients. On le précise encore une fois : le but n’est pas de soutenir l’église mais bien une démarche empreinte d’humanité.