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Incarcéré injustement pour le meurtre de sa belle-mère

Vimala a toujours cru en l’innocence de son époux.

Il est rempli d’amertume. Ce quadragénaire a été arrêté à tort et jeté derrière les barreaux pour le meurtre de sa belle-mère. Alors qu’il n’y avait aucune preuve de sa culpabilité, il a séjourné cinq jours en cellule. Aujourd’hui relâché et lavé de tout soupçon, il réclame justice pour le préjudice qu’il a subi et revient sur son calvaire.

Il semble porter tout le poids du monde sur ses épaules. Les traits du visage marqués par la fatigue et les yeux cernés, Vadivel Canagasabay, 49 ans, n’est plus que l’ombre de lui-même. Assis dans sa modeste demeure à Vallée-Pitot, il reste pensif, silencieux, le regard perdu dans le vide. Son épouse Vimala, qui se tient à ses côtés, n’ose pas rompre ce silence qu’elle dit comprendre.

 

Mais au bout de quelques minutes, c’est par un soupir que Vadivel Canagasabay brise lui-même cet instant de calme. «J’ai vécu un cauchemar à Alcatraz», lâche-t-il dans un énervement, comme pour exprimer l’injustice qu’il dit avoir subie. «On m’a frappé pour que je confesse un crime que je n’ai pas commis. On m’a torturé moralement en évoquant ma foi», affirme-t-il. «‘‘To prie Kali, to mars lor dife, dir la verite’’, m’a lancé un enquêteur, avant de continuer à me rouer de coups. Je suis aujourd’hui un homme traumatisé par tout ce que j’ai subi en cellule», se révolte ce père de trois enfants. C’est pourquoi il a décidé de porter plainte à la Human Rights Commission le vendredi 7 novembre. «J’ai entamé cette action, car mes droits n’ont pas été respectés. J’ai eu très mal lorsqu’en rentrant chez moi le jour de ma libération, mon fils de 6 ans m’a dit qu’il savait que j’avais été enfermé à cause de la mort de sa grand-mère», confie-t-il.

 

«Les policiers m’ontroué de coups»

 

Son cauchemar a commencé le mardi 28 octobre. Ce jour-là, n’ayant plus de nouvelles de sa belle-mère, Mardaye Sornum, 80 ans, depuis plusieurs jours, son épouse lui demande de se rendre au domicile de la vieille dame, à Roche-Bois. Mais sur place, il tombe sur une scène d’horreur. «On l’avait vue pour la dernière fois le jour de la fête de Divali. Depuis, plus de nouvelles. Le lundi 27 octobre, je suis passé devant sa maison, mais la porte était fermée. Je me suis dit qu’elle était partie rendre visite à quelqu’un. Mais le lendemain, quand j’y suis retourné, j’ai tout de suite remarqué qu’il y avait quelque chose d’anormal. Il n’y avait pas de seau d’eau devant la porte comme chaque matin, la porte n’était pas cadenassée et une forte odeur émanant de la maison m’a conduit à faire le tour de la demeure. C’est à travers la fenêtre que j’ai vu le corps de ma belle-mère dans la salle de bains.

 

 

J’ai d’abord prévenu ma femme et ma fille, puis la police», soutient Vadivel Canagasabay, employé à la municipalité de Port-Louis. «Pour les besoins de l’enquête, poursuit-il, on m’a emmené au poste pour écouter ma version des faits. Mais plus les heures passaient, plus les questions devenaient gênantes et on m’a dit que je n’allais pas rentrer chez moi. Le jour même, on m’a roué de coups alors que je suppliais les policiers d’arrêter, car j’ai un problème cardiaque. Mais ils me frappaient encore et encore pour me faire avouer le crime. J’ai été traduit en cour le lendemain, le mercredi 29 octobre. Là, j’ai clamé haut et fort mon innocence, avant de regagner ma cellule, à Alcatraz. Mais je me suis une fois de plus attiré les foudres des policiers. On m’a frappé avec un bâton sur la plante des pieds et on m’a donné des coups dans les parties. Je souffrais tellement que j’ai demandé à ce qu’on me conduise à l’hôpital où j’ai reçu des soins.»

 

En attendant, chez lui, à Vallée-Pitot, personne n’arrive à comprendre la raison de son arrestation. Surtout Vimala qui a toujours cru en son innocence. «Je savais que mon mari était innocent depuis le début. Il est calme et doux de nature. Puis, il ne jouit pas d’une santé de fer pour pouvoir commettre ce genre d’atrocités. Les enquêteurs ont dit qu’ils avaient retrouvé deux vieux gants appartenant à mon mari chez ma mère et que c’était une des raisons pour lesquelles on le maintenait en cellule. Mais ce n’était pas juste et les gants en question n’étaient pas les siens», soutient-elle.

 

«Notre honneura été sali»

 

Vimala a toujours privilégié la piste d’un vol qui aurait mal tourné pour expliquer le crime dont sa mère a été victime. Et le temps lui a finalement donné raison. Le vendredi 31 octobre, Michael Jugnah, 22 ans, Kamlesh Mangli, 20 ans, et Enrico Marie, 24 ans, ont été arrêtés et ont avoué le meurtre de Mardaye Sornum. «La Major Crime Investigation Team a fait un travail remarquable en retraçant la carte de pension de ma mère. C’est ce qui a permis d’innocenter mon mari et de conduire les enquêteurs sur la piste des meurtriers», explique Vimala.

 

Le lundi 3 novembre, son mari a retrouvé la liberté. Quelques jours plus tard, un adolescent de 17 ans, soupçonné d’avoir participé à ce meurtre, et Jeremy Lerace, 24 ans, ont été appréhendés à leur tour. Si l’un clame son innocence, l’autre a avoué sa participation et reconnaît que c’est lui qui a porté le coup fatal à la victime. Il a participé à une reconstitution des faits le jeudi 13 novembre (voir hors-texte). «Ils méritent la peine capitale pour avoir tué ma mère de cette façon. Ils n’ont aucun respect pour la vie des gens. Ils ont mis la maison sens dessus dessous, ont emporté de la vaisselle neuve, des bijoux, entre autres», raconte Vimala, fille unique de la victime.

 

Elle souhaite vivement que la mort de sa mère ne reste pas impunie. Mais elle demande aussi réparation pour son mari. «Notre famille a été traînée dans la boue. Notre honneur a été sali. Les responsables doivent rendre des comptes», dit-elle.

 

Contacté au sujet des brutalités policières dont Vadivel Canagasabay dit avoir été victime, le service de presse de la police nous a fait la déclaration suivante : «Si une plainte formelle a été déposée à la Human Rights Commission, c’est cette instance qui enquêtera. Ce sera une enquête indépendante. Donc, on ne peut pas faire de commentaire.» Vadivel Canagasabay et son épouse, eux, n’espèrent qu’une chose : obtenir justice.  

 


 

Reconstitution des faits

 

Quatre suspects avouent et racontent le crime

 

Ils ont agi de sang-froid, à en croire leurs propres aveux. Interrogé par la police au sujet du meurtre de Mardaye Sornum, Jeremy Lerace, 24 ans, a relaté, dans les moindres détails, comment ses complices présumés et lui s’en sont pris à la victime le vendredi 24 octobre. Selon lui, ils auraient attendu que Mardaye Sornum termine ses prières dans la cour, avant de la suivre discrètement pour faire irruption chez elle. Une fois à l’intérieur, ils auraient immobilisé l’octogénaire, qui se trouvait dans sa cuisine, et lui auraient ligoté les mains et les pieds avant de la tuer. Jeremy Lerace aurait lui-même assené le coup fatal. «J’ai écrasé son cou avec mon pied», a-t-il avoué aux enquêteurs, lors de la reconstitution des faits qui s’est déroulée le jeudi 13 novembre  à Roche-Bois.

 

Une fois cet exercice terminé, les complices auraient déplacé le corps sans vie de Mardaye Sornum dans sa salle de bains. Avant de se mettre à la recherche de sa carte de pension – qu’il n’ont pas trouvée – et de faire main basse sur la somme de Rs 600, des bijoux appartenant à la victime, des ustensiles de cuisine et de la vaisselle neuve.

 

C’est la carte de pension de la victime qui a conduit les enquêteurs sur la piste des meurtriers présumés. La signature du suspect Jugnah y figure. Ce dernier avait touché la pension de Mardaye Sornum le 17 avril. En suivant cette piste, les enquêteurs ont pu le retracer, de même que ses complices présumés, grâce aux renseignements obtenus auprès du bureau de poste de Sainte-Croix où la victime touchait sa pension chaque mois. L’enquête se poursuit.