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Impliqués dans des accidents mortels, ils témoignent…

Bruno Tabany : «Il fallait réapprendre à vivre»

Vaincre la peur de reprendre le volant et se reconstruire après avoir été impliqué dans un accident de la route où il y a eu mort d’homme, cela relève parfois du domaine de l’impossible. Si certains arrivent à vivre avec ce douloureux souvenir au fil du temps, ils concèdent toutefois qu’il leur est impossible d’oublier. Témoignages.

Bruno Tabany : «Il fallait réapprendre à vivre»

 

Le 12 janvier 2011. Voilà une date que Bruno Tabany n’oubliera jamais de toute sa vie. D’ailleurs, dès que quelqu’un lui parle de ce jour-là, les images se bousculent dans sa tête. Des cadavres ici et d’autres là. Il ne pourra jamais effacer cette scène d’horreur de sa mémoire. Il s’efforce tant bien que mal de ne pas y penser au quotidien, mais les récents accidents de la route survenus dans l’île le plongent inévitablement dans son propre drame.

 

Le 12 janvier 2011, il a été impliqué dans l’un des accidents les plus meurtriers que le pays ait connus. Onze personnes sont mortes sur le coup alors qu’une douzième a rendu l’âme quelques jours après son hospitalisation. Le drame avait également fait trois autres blessés graves. Retour en arrière.

 

Ce matin-là, la visibilité est mauvaise sur la route de St Julien d’Hotman. Il pleut à verse. Dans un virage en phase d’agrandissement dans cette région, un minibus, avec à son bord des travailleurs bangladais, quitte sa voie et entre en collision avec le poids lourd conduit par Bruno Tabany, employé chez Gamma. L’impact est brutal. Les travailleurs bangladais sont éjectés de leur siège et projetés au sol. Dix d’entre eux périssent sur le coup, ainsi que le chauffeur de la fourgonnette, un Mauricien. Quelques jours plus tard, un onzième Bangladais rend l’âme sur son lit d’hôpital.

 

Pour Bruno Tabany, c’est le cauchemar. Sollicité par la presse, il retiendra les services d’un avocat et plaidera non coupable d’homicide involontaire. «Je n’étais pas responsable de cet accident, mais il fallait réapprendre à vivre. Les faits sont là. Il y a eu 12 morts. Je ne peux rester insensible. Car des familles ont perdu un être cher. Des enfants ont perdu leur père», confie-t-il. Si au départ, il ne dormait pas et avait du mal à chasser ce cauchemar de son esprit, il reconnaît toutefois que le temps a fait son travail. Surtout depuis que le jugement final dans cette affaire a été rendu en octobre 2014. «On m’a trouvé non coupable. Je peux maintenant dormir tranquille.»

 

Depuis, dit-il, il a également été promu superviseur. De ce fait, il est rarement sur la route. «Je conduis seulement quand un chauffeur est absent et que je dois le remplacer. Et puis, je suis devenu grand-père d’une petite fille, ce qui m’aide à surmonter ce drame. J’ai aussi l’appui de toute ma famille.»

 


 

Vashish : «Chaque accident fatal me rappelle le mien»

 

C’est le jour le plus long et le plus dur de sa vie. Un jour qu’il n’est pas près d’oublier. Et à chaque fois qu’il entend parler d’un accident fatal, des images terribles lui reviennent en mémoire. Celles de l’accident dans lequel il a été impliqué il y a plusieurs années et qui l’a marqué à jamais. «Chaque accident fatal me rappelle le mien», souligne Vashish*.

 

Le jour fatidique, il rentrait chez lui au volant d’un véhicule de la compagnie pour laquelle il travaille, en début de soirée, lorsqu’il a heurté un jeune motocycliste qui n’avait, selon lui, pas de phare et n’aurait pas respecté la ligne blanche dans une intersection. Vashish est alors arrêté et passe la nuit en cellule policière.

 

Il retrouve la liberté conditionnelle le lendemain. «C’est très dur de faire l’impasse sur un épisode aussi terrible de sa vie. En plus, les procédures qui suivent l’accident sont trop longues et lourdes. Vous devez vous rendre à plusieurs reprises en cour. Le regard des autres est également très dur à supporter», dit Vashish. L’affaire est toujours devant les tribunaux.

 

Même si ce drame l’a, dit-il, dévasté, cela l’aide aussi à être un meilleur conducteur : «D’habitude, je respecte le code de la route et les limitations de vitesse. Mais depuis mon accident, j’ai adopté une conduite défensive. J’invite les autres automobilistes à en faire de même pour leur propre sécurité et celle des autres usagers de la route.»

 

(*prénom fictif)

 


 

Le chef inspecteur Mohit Ramah de la Traffic Branch : «La nouvelle loi vise à sanctionner et améliorer le comportement des automobilistes»

 

 

La police est à pied d’œuvre afin de limiter les morts sur nos routes. Le CI Mohit Ramah de la Traffic Branch nous en dit plus sur la stratégie des forces de l’ordre.

 

Comment expliquez-vous qu’il y ait autant de victimes sur nos routes ?

 

En juillet seulement, il y a eu 14 morts. Il y a plusieurs causes aux nombreux cas d’accident. La première est l’excès de vitesse. La violence des impacts et des dommages subis par les véhicules accidentés en dit long. La deuxième est la vitesse inappropriée et les conditions de la route comprenant, entre autres, la météo et la visibilité en hiver. Des accidents se produisent lorsque les automobilistes ignorent les règles élémentaires. Il y a d’autres facteurs, à savoir l’indiscipline et le non-respect du code de la route.

 

Et l’alcool dans tout ça ?

 

Oui, l’alcool au volant est un autre facteur qui entre en jeu dans de nombreux accidents. La police note également qu’il y a des accidents avec des motocyclettes modifiées qui ont un gros problème de freinage. J’en profite pour lancer un appel à tous ceux qui y ont eu recours ; arrêtez de jouer avec votre sécurité. La fatigue est aussi à l’origine de plusieurs accidents. Elle affecte le jugement d’un automobiliste. Une personne n’a pas les mêmes réflexes lorsqu’elle est fatiguée.

 

Que fait la police pour sensibiliser davantage la population à l’importance de la sécurité routière ?

 

La police sort des sentiers battus en ce moment, en sus de nos campagnes de sensibilisation habituelles ciblées avec les étudiants, les personnes âgées, les compagnies privées qui ont une flotte de chauffeurs ou encore les compagnies d’autobus. Tout récemment, nous avons eu une rencontre avec les gérants et propriétaires des discothèques, pubs, night clubs et autres dans un but précis.

 

Nous sollicitons leur collaboration en matière de sécurité routière. Nous avons d’ailleurs déjà eu 10 sessions de travail ensemble sur les dangers de l’alcool au volant. L’accueil est favorable. On travaille sur plusieurs aspects. La police et les gérants et propriétaires comptent placer des display boards avec des informations importantes, notamment des slogans. Ils travaillent aussi sur la possibilité de fournir des facilités de transport à leurs clients après les soirées.

 

Les victimes d’accidents sont de plus en plus jeunes. Qu’est-ce qui est prévu pour sensibiliser les jeunes ?

 

À la rentrée des classes, nous allons animer plusieurs sessions de travail sur la sécurité routière avec les étudiants. Ils sont les automobilistes de demain. Nous avons déjà parlé avec des officiers du ministère de l’Éducation, les directeurs de zones ainsi que des maîtres d’écoles à ce sujet. J’en profite pour lancer un autre appel : ceux qui sont témoins des infractions à la loi sur la route peuvent téléphoner gratuitement au 148. Votre information sera traitée en toute confidentialité.

 

Pensez-vous que les nouveaux amendements vont remédier à la situation ?

 

Oui. La loi est importante. Les nouveaux règlements le sont aussi. Il est prévu, dans le National Road Safety Strategic Plan du ministère des Infrastructures publiques et du transport en commun, que la police mette sur pied une nouvelle squad comprenant essentiellement des motards. Cette nouvelle équipe a un objectif précis : faire appliquer la loi.

 

Comment va-t-elle procéder ?

 

Il y aura plus de contrôles routiers pour faire respecter la loi. On va appliquer la Multi-Agency Approach. Les policiers vont être plus présents sur nos routes. Il y aura plusieurs unités, à savoir la Traffic Branch, la District Traffic Police, la District Supporting Unit et la Special Supporting Unit. Il y aura aussi des Road Blocks afin d’assurer une présence physique quasi permanente et ainsi calmer les ardeurs de ceux qui ne respectent pas la loi.

 

Qu’en est-t-il des speed cameras contrôlant les excès de vitesse ?

 

Valeur du jour, elles ne sont pas opérationnelles. En revanche, la police va utiliser les radars mobiles à travers toute l’île pour les contrôles d’excès de vitesse. Il y aura aussi des opérations ciblées les week-ends. La nouvelle loi a pour objectif de sanctionner et d’améliorer le comportement des automobilistes, car dans la grande majorité des accidents, il y a le facteur humain qui est en jeu. La police compte beaucoup sur la nouvelle loi en matière de sécurité routière.