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François Malherbe : «Le pays n’est pas en mesure de satisfaire l’état d’avancement intellectuel de certains de ses enfants»

Enseignant-chercheur dans une université australienne (Melbourne), François Malherbe, directeur académique pour la faculté de Science, ingénierie et technologie, a choisi de proposer ses services professionnels ailleurs. Il commente le chômage chez les jeunes et la fuite des cerveaux de l’île.

Selon une étude sur l’employabilité des jeunes, 2 290 diplômés sont incertains par rapport à leur avenir. Comment pouvez-vous expliquer le nombre de chômeurs parmi les jeunes d’une part et parmi ceux qui ont fait des études universitaires d’autre part ?

 

Ce phénomène n’est pas unique à Maurice et il n’y a pas qu’une seule cause. Le marché de l’emploi peut être saturé, du fait qu’aujourd’hui on reste actif plus longtemps. L’âge de la retraite est poussé au-delà de 60 ans. On vit plus longtemps, donc on a besoin d’un salaire et on reste employé plus longtemps.

 

Si on considère que le marché offre un nombre fixe d’emplois total, un simple calcul nous dit que si le nombre de départs à la retraite n’est pas égal au nombre de nouveaux chercheurs d’emploi, il y aura automatiquement une augmentation du chômage chez les jeunes. 

 

D’autre part, si on considère que le nombre de nouveaux emplois correspond à la création de nouvelles organisations, il est dans l’intérêt des entreprises de recruter du personnel qualifié, de façon à assurer le succès économique.

 

Il y a quelques questions qui se posent. Par exemple : si je reviens au pays avec une expertise qui n’est pas en demande, je ne peux espérer trouver un emploi juste parce que j’ai un diplôme. Ou si je fais des études trop poussées, il faut se demander ce que le marché mauricien peut offrir.

 

Un document publié par la Tertiary Education Commision (TEC) souligne que les finances ou encore l’informatique ne règnent plus en maîtres sur le marché de l’emploi. Il faut désormais compter sur l’agriculture ou encore l’architecture verte. Que pensez-vous de ces nouvelles filières dites d’avenir ?

 

Tout est une question d’offre et de demande. Est-ce que le pays peut offrir des emplois dans ces filières ? On ne peut pas dire qu’on n’a plus besoin de comptables ou d’informaticiens ! Citons quelques secteurs : énergies renouvelables, agriculture durable, traitement des eaux, santé et sécurité au travail, protection des vulnérables, justice sociale, programmes pour l’environnement. Pour moi, ces filières sont l’avenir mais nous avons un système qui vit dans le passé !

 

Selon la Harvard Business Review, Maurice est le cinquième pays au monde le plus touché par la fuite des cerveaux. Que pensez-vous de ce constat ?

 

Pour moi, cela veut tout simplement dire que le pays n’est pas en mesure de satisfaire l’état d’avancement intellectuel, technologique et professionnel de certains de ses enfants. 

 

Selon ce même rapport, 45 % de ceux qui quittent le pays sont des diplômés universitaires. Qu’en pensez-vous ?

 

Je ne suis pas du tout surpris. Mais encore une fois, il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. Elles peuvent être d’ordre économique ou encore professionnel. Dans le volet économique : 90 % de ceux qui étudient à l’étranger financent eux-mêmes leurs études. Ce qui représente un investissement énorme. Par exemple, pour obtenir un diplôme d’ingénieur en Australie, cela coûtera au total plus de Rs 6 millions. Comment est-ce que je peux garantir un retour sur cet investissement si je n’ai pas un emploi qui paie bien ?

 

Que faut-il, selon vous, pour renverser cette tendance ?

 

Il faut que ceux qui dirigent le pays et ceux qui contrôlent l’économie travaillent sur des solutions réelles pour inciter les nouveaux diplômés à revenir et rester. 

 

Et vous ? Pourquoi avoir quitté Maurice pour travailler ailleurs ?

 

J’ai fait un DEA à l’université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand), après j’ai décroché une bourse d’études de la Communauté européenne pour faire un doctorat européen en collaboration avec BP (British Petroleum). Après un emploi temporaire chez BP, à Londres, j’ai opté pour l’Australie car je ne voyais pas vraiment d’avenir pour moi à Maurice étant donné ma spécialisation : matériaux pour la catalyse. J’avais approché le départment de chimie de l’UoM pour un emploi, on m’avait fait comprendre à l’époque que l’on n’était pas intéressé par ma candidature. 

 


 

 

 

 

Bio express

 

François Malherbe, ancien habitant de Rose-Hill, est docteur ès chimie (science des matériaux). Il est enseignant-chercheur dans une université australienne (Melbourne) et cumule la fonction de directeur académique pour la faculté de Science, ingénierie et technologie. «J’enseigne la chimie, la spectroscopie fondamentale et appliquée ainsi que les sciences de l’environnement, et mes activités de recherche tournent autour de l’environnement, les énergies propres et les impacts sociaux des technologies modernes», nous dit-il. 

 

Dernier des sept enfants d’une famille modeste, son père était ouvrier et sa mère femme au foyer, avec très peu de possibilités pour envisager un avenir. «La générosité d’une soeur et d’autres membres de la famille m’a permis de faire des études en France. Le début du parcours a été “accidentel”, est né d’opportunités mais a été façonné par la détermination. Un de mes profs du lycée m’avait un jour dit : “Malherbe, vous n’êtes qu’un bon à rien !” ça a dû faire mal quelque part et j’ai réagi !»