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Forum des Panafricaines au Maroc : des femmes journalistes s’engagent pour un traitement humain sur les migrants

Des spécialistes des questions migratoires : Ana Fonseca, chef de mission de l’Agence des Nations unies, Raffaella Consentino, journaliste de la chaîne de télévision Rai, en Italie, Patrick Otim, membre de l’organisation Refugee Law Project, Driss El Yazami, président du Conseil national des Droits de l’Homme au Maroc, Larry Macaulay, fondateur et rédacteur en chef de Refugee Radio Network, en Allemagne, et Samira Sitail, directrice adjointe de l’information pour le groupe 2M (Maroc) qui a dirigé avec talen

D’abord, une volonté : réunir 200 femmes journalistes du continent africain. Ensuite, un objectif : discuter, débattre et prendre l’engagement pour un regard humain, un traitement juste et réel sur les migrants. À l’arrivée, un forum sur deux jours, l’organisation d’un réseau de femmes journalistes africaines et un comité chargé du suivi de la mise en place des résolutions prises les 26 et 27 octobre à Casablanca, au Maroc, où s’est tenue une enrichissante rencontre des représentantes des médias.

«Les migrants qui font l’actualité aujourd’hui sont montrés du doigt, sont souvent stigmatisés, parce que nous ne connaissons pas leur histoire. Nous, médias, sommes tous responsables de ce regard, c’est nous qui informons l’opinion publique, c’est nous qui relayons chaque jour les drames.» Quand Fathia El Aouni, rédactrice en chef radio à 2M (groupe de presse au Maroc à l’initiative de ce forum des femmes journalistes d’Afrique), prononce de sa puissante voix ces mots, la salle retient son souffle tant cet extrait du discours résume, à lui seul, toute la thématique de la deuxième édition du Forum des Panafricaines.

 

Fathia El Aouni, entourée de différents chefs d'ateliers faisant partie du comité de suivi des Panafricaines. 

 

À l’ouverture de cette rencontre, à Casablanca, le matin du 26 octobre, 200 femmes journalistes issues de tout le continent africain sont présentes ainsi que des experts et autres spécialistes des questions migratoires. L’objectif : rassembler les voix des journalistes femmes africaines en donnant une image plus juste et humaine des migrants, contrairement à une majorité de représentations. «Nos confrères européens montrent sans cesse une Afrique en souffrance, des familles jetées sur les routes, des jeunes sur des embarcations de fortune qui tentent de rejoindre au péril de leur vie les côtes européennes. C’est une réalité, certes, mais ce n’est pas la seule. L’information est malheureusement incomplète. Il n’y a pas de déferlante migratoire puisque quatre migrants sur cinq restent sur notre continent. Nous avons donc une responsabilité, nous journalistes, pour déconstruire les mythes et rétablir une bonne fois pour toutes la vérité», dit Fathia El Aouni.

 

Afrique unie

 

Et c’est justement pour éviter des traitements inexacts, pour dire non à une désinformation et pour que l’Afrique parle d’une voix unie autour d’une brûlante actualité, que plusieurs ateliers de travail ont eu lieu au travers d'une variété d'angles sur les migrants, allant du traitement journalistique aux mobilités féminines, en passant par la gestion des mineurs en errance. Ateliers, débats, échanges pour une présentation et ensuite des résolutions, ici sur la nécessité d’une charte d’éthique, là sur une vigilance autour de la sémantique, ou là encore pour un meilleur espace au traitement journalistique lié à la migration. Bref, des engagements qui ne vont pas rester au stade de la théorie, à écouter la rédactrice en chef de la radio 2M : «Nous avons un comité de suivi qui va porter des actions au niveau continental et international. Nous avons aujourd’hui un bureau permanent qui va chapeauter les Panafricaines et nous avons souhaité respecter la tradition africaine avec la mise sur pied d’un comité des sages regroupant des femmes journalistes expérimentées. Au total donc, c’est un comité de 30 personnes qui s’assurera de tous les suivis et engagements pris pendant cette rencontre de la deuxième édition.»

 

Fathia El Aouni, rédactrice en chef radio pour le groupe 2M au Maroc, est à l'initiative de ces Panafricaines.

 

Mais pas que ! Car si la rencontre de tous les journalistes d’Afrique ont permis de faire connaissance et de partager des expériences, ce forum a aussi pour but de créer un réseau d’informations entre les Panafricaines. «Aujourd’hui, nous travaillons sur des dépêches mondiales, alors que chacune d’entre nous a ses propres canaux. Imaginez ce que cela peut apporter pour le continent», ajoute cette rédactrice en chef, elle-même à l’initiative de la rencontre entre femmes journalistes africaines et dont la première édition a eu lieu l’an dernier.

 

«L’idée est venue en 2017 quand, à l’occasion du 8 mars, les journalistes donnent la parole pour essayer de mettre en avant de belles initiatives de femmes. Et nous nous sommes dit, au sein de notre groupe de presse 2M (télé, radio et plateforme digitale) : pourquoi ne pas donner la voix à celles qui la donnent aux autres ? C’est alors qu’on s’est lancé un pari. Celui de réunir une centaine de femmes journalistes du continent. C’était difficile et lourd financièrement mais on ne pouvait pas s’arrêter pour des problèmes d’argent», commente Fathia qui est, non seulement, allée jusqu’au bout l’an dernier, mais qui a porté le projet à bras le corps lors de cette édition de 2018, entourée d'une formidable équipe. D’une édition à l’autre, de 100, elles sont passées à 200. Seront-elles 300 en 2019 ?

 


Trois questions à… Malika El Kabbaj, attachée de presse

 

Comment elle a réuni les femmes des médias   

 

À Casablanca, pas une seule journaliste invitée aux Panafricaines ne la connaissait pas. Son téléphone toujours à portée de main, ne se départant jamais de son sourire, Malika El Kabbach, attachée de presse des Panafricaines et responsable logistique, est celle qui a relevé le challenge de trouver et de réunir les femmes des médias de l’ensemble du continent africain.

 

Comment fait-on pour trouver 200 femmes journalistes du continent, soit 120 de 54 pays et 80 venant du Maroc ?

 

D’abord, en s’appuyant sur le petit réseau créé lors de la première édition en 2017. L’an dernier, l’objectif était d’avoir 100 femmes et nous étions uniquement sur la presse francophone. Cette fois, on s’est dit que seule la presse francophone ne représente pas toute l’Afrique. Et qu’il était important d’aller aussi sur la presse anglophone, arabophone et lusophone. C’est vrai que pour nous, au Maroc, nous avons des facilités avec certains pays, avec lesquels nous sommes en lien, à l’exemple du Sénégal, de la Mauritanie ou de la Côte d’Ivoire. Mais il y a d’autres pays qui nous échappaient.

 

L’an dernier, 30 pays étaient invités, et cette année, 54, quelles en sont les raisons ?

 

En fait, au début, l’idée était d’avoir plus de pays que la première édition. Nous nous sommes dit que nous allions passer de 30 à 35. Ensuite, le chiffre a progressé, puis nous sommes tombés d’accord qu’il était impératif d’avoir l’ensemble de tout le continent pour que chaque pays, chaque partie de l’Afrique soit bien représentée. Ma question était alors comment faire pour trouver toutes ces femmes journalistes…

 

Et la réponse est…

 

Au-delà du réseau existant de la première édition, j’ai utilisé plusieurs autres canaux : les amis, les amis de mes amis, les réseaux sociaux, les sites Internet. Parce qu’il fallait des profils intéressants, parce qu’il fallait des gens qui se sentent aussi africains. C’était un critère important pour être sûr que celles qui venaient se sentent interpellées par les problématiques du continent. On recherchait aussi des journalistes qui sont connus dans leur pays, qui militent déjà et qui ont de l’influence.

 


 

 

Awa Meite Van Til, militante pour les droits des migrants : «La vulnérabilité des femmes accentuée»

 

C’est la réalisation de son film-documentaire So kadi paroles de migrants, qui l’a conduite à Casablanca, en tant qu’experte d’un atelier, celui de «Migration féminine, une nouvelle dynamique migratoire», auprès des Panafricaines. Parmi les leçons que cette Malienne retient après son travail de terrain, et de longs va-et-vient Afrique-Europe, «c’est que la vulnérabilité des femmes est accentuée avec ce phénomène. Il y a des femmes qui perdent leurs enfants en mer, d’autres sont violées». Awa a choisi de faire son film «en donnant la parole aux migrants, sans déformer leur réalité, sans avoir recours aux voix off» pour s’assurer d’une image juste projetée. Parce que nous dit Awa, «nous avons l’impression que l’Afrique vit ce drame mais a du mal à s’exprimer dessus avec ses propres mots, ses sentiments…»

 


 

 

Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères au Maroc : «Le Maroc ne sera pas le gendarme de qui que ce soit»

 

Il a été le tout premier homme politique à être interpellé par les journalistes du réseau Panafricaines. Lui, c'est Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères au Maroc. Il ne s’est pas défilé, reconnaissant au contraire la pertinence de cette thématique, qui a lieu à quelques semaines de la rencontre du Pacte mondial des Nations Unies pour les migrations dont la signature sera faite les 11 et 12 décembre, à Marrakech. Et son message a été plutôt clair : «Le Maroc ne sera pas le gendarme de qui que ce soit.» Et quelle est la posture du gouvernement marocain autour de la question migratoire ? À cette question, Nasser Bourita explique que son pays a régularisé 50 000 demandes de migrants, ceux-là qui ont respecté les critères, sur 60 000.

 


 

Pourquoi j’ai répondu présente à l’appel de Casablanca

 

Qu’est-ce qui a poussé les journalistes du continent à participer à ce forum ? Trois d’entre elles témoignent…

 

 

Patsy Athanase, Télésesel

 

«Il s’agit de médias, de femmes journalistes et du continent africain. Souvent, nous faisons notre travail, chacune de notre côté, en traitant des mêmes sujets problématiques, alors qu’avec l’unisson de nos voix, nous serons définitivement plus audibles. Il y a peut-être ceux qui penseront que les Seychelles n’ont pas de problème de migration (thématique de cette rencontre), parce que nous sommes une petite île de l’océan Indien qui est considérée comme éloignée de tout. Mais même s’il n’y a pas une migration de masse, nous y sommes aussi confrontés au travers des personnes qui viennent travailler et parfois vivre aux Seychelles. Et la question est : comment les accueillons-nous ? Quel regard jetons-nous sur eux ? Une question pertinente et qui me permet désormais d’appréhender ce sujet dans une nouvelle perspective, d’en parler et aussi d’éduquer la population. Au-delà des thématiques abordées, cette rencontre nous permet aujourd’hui de devenir un mouvement et je suis contente de faire partie des journalistes de l’océan Indien présentes à ce forum en sachant que la voix d’une île lointaine a été entendue. C’est une force.»

 

 

Fatima Charef, radio algérienne

 

«Ce thème choisi est d’une telle actualité qu’il fallait que je sois présente. La migration aujourd’hui ne touche pas un ou deux pays mais elle touche le monde entier. Tous les continents sont confrontés à cette problématique. Et en tant que journalistes, il est tout aussi important de donner notre avis que de savoir traiter de la bonne manière cette migration clandestine, c’est-à-dire en ne regardant pas les choses sous un angle négatif. Tout comme il est important pour nous de poser les bonnes questions. Quelles sont les raisons qui poussent un migrant à quitter son pays ? Pourquoi ne peut-il ou ne veut-il plus rester sur sa terre natale ? Chez moi, en Algérie, par exemple, il y a pas mal de mes compatriotes qui s’en vont émigrer ailleurs mais il y a aussi ceux qui viennent pour avoir de meilleures conditions de vie. Heureusement, d’ailleurs, qu’il y a des structures pour les accueillir. »

 

 

Mariama Diallo, Studio Kalangou, Niger

 

«La rigueur dans l’information, l’importance de communiquer sur les chiffres réels, et la volonté de donner la voix aux migrants. Des valeurs répétées lors de la rencontre des Panafricaines et qui font écho en moi. Car elles me confortent sur la façon de faire mon métier et me disent que je suis sur la bonne voie. Tous ces échanges et ateliers ne peuvent que m’aider à m’améliorer, sachant que j’ai moi-même réalisé des reportages autour des migrants et à quel point il est important de leur donner la parole. Par exemple, je viens du Niger qui est considéré comme un pays de transit. Différents migrants passent par le Niger pour atteindre le Maroc ou l’Algérie. Et lors de mon travail sur le terrain, j’ai pu constater, par exemple, que souvent, ces migrants-là, quand ils arrivent chez moi, ils s’arrêtent pour exercer des petits métiers qui leur permettent d’économiser et de vivre. Et il y a ceux qui finissent même par abandonner l’idée de partir ailleurs et commencent à s’intégrer et veulent rester au Niger. Du coup, c’est un autre visage des migrants dont il est aussi important de faire état. Et il y a une réelle volonté des Panafricaines d’aller de l’avant avec les résolutions votées.»

 


 

Naissance d’une plateforme d'expertes

 

 

Elle a vu le jour pendant le forum des Panafricaines et se porte déjà en pleine forme. Son nom ? Africa Women Experts, soit une plateforme qui a pour but de devenir une immense base de données des femmes expertes et journalistes africaines. Son but ? Encourager les compétences féminines du continent à dialoguer, échanger, partager toute forme de collaboration dans leurs domaines respectifs. Repère : africawomenexperts.com.

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