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«Fixed penalty» pour les usagers de véhicules «marron» : Balade… «lor laplas taxi»

Photo d’illustration : dans la capitale, également, ces véhicules dépannent.

Le transport malere serait un must dans cette localité de l’île. Pour en savoir plus, prenons le pouls de ce lieu central du village.

Température : estivale. Tapaz de fond : celui d’un village en mouvement ; pinpink à tout va, conversations tonitruantes et voitures en mode boîte de nuit. Raison de notre présence : dans cette localité de l’est de l’île, les taxis «marron» seraient nécessaires aux habitants. Nous ne vous en dirons pas plus sur le village pour éviter des soucis à ceux qui ont accepté de nous parler (une tâche ardue !). Au début, le tip – de nous diriger à laplas taxi – a l’air d’une kales kase. Autour de nous, uniquement des véhicules avec leurs plaques jaunes. Des professionnels de la route enregistrés, qui n’ont rien de «marron». Pourtant, sa la rout-la avait un but précis : discuter avec ceux qui opèrent des véhicules illégalement (et contre qui la National Transport Authority (NTA) a décidé de sévir) et ceux qui utilisent ce moyen de transport. Ces derniers devront bientôt payer une fixed penalty s’ils utilisent ces moyens de transport qui opèrent dans l’illégalité. 

 

Cette annonce de la NTA a provoqué une vague de mécontentement dans le pays. Partout, les utilisateurs – ou pas – des véhicules «marron» s’indignent de cette décision. Ils avancent des arguments qui leur parlent : les taxis sont trop chers, les bus trop lents (pourtant, il faut être au travail/à l’école à l’heure, pouvoir se déplacer en cas d’urgence…) et certaines localités ne sont pas bien desservies. Un autobus toutes les heures – quand il vient –, ce n’est pas suffisant. De plus, les taxis malere, qui opèrent dans l’illégalité, n’ont pas d’assurance spécifique et ne sont pas contrôlés. Ils impliquent donc un risque pour la sécurité des passagers, estiment les autorités. Et s’ils sont préférés aux moyens de transport en commun traditionnels, comment les opérateurs entrent-ils dans leurs frais ? Eh oui ! Chaque camp a ses munitions. 

 

Petite combine

 

Retour lor laplas taxi, avec ces véhicules qui ont leur patant. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’ils font tout dans la légalité. «Nou pa gagn drwa kriye. Nou bizin atann ki klian vini. Me travay pa mars kumsa», confie l’un d’eux. Autour de nous, une cacophonie de noms de destination : Bramsthan, Argy, Trou-d’Eau-Douce… Et des taxis qui sont transformés en taxi train où les gens s’entassent pour la direction de leur choix. «Si jamais la police nous arrête, nos clients jouent le jeu. L’un d’entre eux dit que c’est lui seul qui paye la course», confie un autre qui accepte de nous donner un coup de pouce. D’ailleurs, grâce à ses indications, nous assistons à un étrange ballet. Une voiture sombre qui arrive sur la place, un monsieur qui en sort et approche des potentiels passagers en disant un discret : «Port-Louis, Port-Louis.» Il n’est pas le seul. En quelques minutes, plusieurs véhicules – et même un van «marron» – arrivent et repartent rapidement sous le regard des chauffeurs de taxi (voir hors-texte)

 

Une femme d’un certain âge n’hésite pas et prend place dans le véhicule noir. Quand nous l’interrogeons, elle répond : «Ah, ce n’est pas un taxi ? Je ne savais pas, je suis rentrée dedans par hasard. Je suis pressée, alors je prends la voiture qui part le plus vite.» Idem pour l’autre passager. Mais il suffit de leur promettre l’anonymat pour que les langues se délient. à chaque personne, son histoire, ses défis au quotidien. Ici, apprend-on, les autobus sont lents. Pour rallier Port-Louis pour le boulot, c’est la course le matin. Le speed, le stress. Et si on peut gagner quelques minutes en prenant un taxi «marron», c’est déjà ça de pris : «Si ou pa rant dan ler, ou gagn problem.» Courir pour quitter les petits à l’école, aller voir une proche malade. Ne pas rater les heures de cours. «J’arrive à aller à l’université grâce aux taxis ‘‘marron’’», confie un étudiant rencontré sur laplas taxi. 

 

Un employé de bureau s’explique aussi : «Si je ne me fie que sur le bus, je n’ai plus de vie sociale. On y perd un temps fou ! On quitte super tôt la maison. Et on y rentre super tard. Heureusement, que les taxis maleresont là pour nous dépanner.» Si la menace d’un fixed penalty interpelle nos interlocuteurs, la plupart d’entre eux confient ne pas pouvoir se passer de ce moyen de transport : «Pa kone ki pou fer.» Le conducteur de la voiture sombre s’inquiète un peu de cette «menace» de sanction sur ses passagers : «Nous devrons être plus vigilants.» Depuis trois ans, cet opérateur de taxi «marron» prend la route au quotidien : «C’est mon gagne-pain. Ça me permet de faire grandir mes trois enfants. Et puis, nous aidons les gens ici. Nous ne faisons aucun mal.»

 

Pas de choix

 

Tant que le système de transport actuel n’aura pas répondu aux demandes de ses utilisateurs, il y aura de la place pour ceux qui opèrent dans l’illégalité : «La répression, ça ne sert à rien.» Il a perdu son emploi et avait besoin de trouver enn trasman : «Vomie nou tras kumsa olie nou al fer bann move sime.» Un peu plus loin, nous rencontrons un homme qui conduit une voiture qui en a avalé des kilomètres. Sur son véhicule, des traces de son ancienne plaque jaune pour les taxis sont encore là. Mais le rectangle de la légalité s’est fait la malle. Il avait sa patante mais il l’a perdue parce que son véhicule a plus de 20 ans : «J’ai des difficultés à m’en racheter un qui est plus récent.»

 

Du coup, il continoue son job et est passé du côté des «marron» : «Je n’ai pas le choix.» Oui, c’est le leitmotiv de ses rencontres : l’impossibilité de trouver une autre voie que celle de l’«illégalité». Le chauffeur d’un van «marron» a le même discours. Avec son 15 places, il fait la navette jusqu’à Port-Louis. Depuis dix ans, dit-il, il tente de s’acheter une patante : «Il faut avoir de bonnes connexions pour ça. Donn gouss Comme il n’a ni les moyens ni les bons contacts, il a décidé d’opérer quand même : «Mo pe bizin travay.» Surtout qu’il est le seul à le faire chez lui, précise-t-il : «Bizin nouri zenfan.» D’ailleurs, son van rempli, il reprend la route. Direction : la capitale et ses températures estivales. 

 


 

Taxi story

 

Lor laplas, taxis et taxis «marron» cohabitent assez bien. Et s’envoient des petites piques ! Néanmoins, ceux qui ont des permis pour opérer ont, quand même, des choses à redire sur leurs copains sans rectangle jaune. «Sa dekouraz nou», confie l’un deux. Alors que lui paye son assurance spéciale, a dû débourser pour obtenir son permis et doit suivre certaines règles, les «marron» viennent lui piquer son travail. «Me seki pasaze pa kone, pena sekirite ar zot. Nou nou pay lasurans, nou ena nou patant, nou bann veikil an bon leta.» Pour rester dans la course, un chauffeur explique qu’il a dû s’adapter : «Nou pa gagn drwa fer shouting ou taxi-trin. Mais nous le faisons parce que sinon, il n’y a pas de travail. Nous faisons payer le même prix que les taxis malere.» L’hôtel auquel il est attaché étant en rénovation, il tente sa chance dans le centre du village. Lui aussi est donc dans l’illégalité. Tout comme ces taxis qui viennent d’autres régions ! Pour un autre chauffeur, la NTA devrait faire un survey pour savoir quels sont les taxis qui roulent pour de vrai. à qui les patant servent. Lui n’en a pas une. Mais son bourzwa, oui : «Il me paye pour rouler son véhicule.»

 

Dorina : «Je ne prendrais jamais de véhicule ‘‘malere’’»

 

Dorina, habitante de la localité, dit préférer les taxis train aux taxis «marron». Elle s’y sent plus en sécurité.  Et c’est un épisode un peu flippant qui l’a confortée dans son choix : «Je rentrais de l’hôpital où un de mes enfants étaient admis. J’avais besoin de faire vite. J’ai pris un taxi malere et en route, il m’a proposé de faire un tour ailleurs. Dès que j’ai pu, je suis descendue. Je ne prendrai jamais de véhicule ‘‘malere‘‘.»

 

Les nouveaux «marron»

 

Un point en commun. Les taxis a permis et ceux qui n’en ont pas tiennent une autre catégorie de froder à l’œil. Ces personnes qui descendent en voiture pour le bureau et qui font du covoiturage payant. Des «marron» du matin et de l’après-midi, qui jouent sur leurs plates-bandes : «C’est un business. C’est pour avoir un cash en plus tant qu’à faire. Mais c’est déloyal par rapport a nou ki pe mari trase !» confie un chauffeur opérant dans la légalité.