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Fayzal Ally Beegum : «On me taxe d’anti-patriote quand je dénonce les conditions de vie des travailleurs étrangers»

Selon le Human Trafficking Report 2018, Maurice est égratignée pour la troisième année consécutive. Ce qui est reproché au pays : la rétention des passeports des travailleurs étrangers, l’absence d’aide pour leur rapatriement et de registre répertoriant les victimes de trafic humain, entre autres. Fayzal Ally Beegun, qui milite depuis de longues années pour de meilleures conditions de travail pour les travailleurs étrangers, nous donne son avis sur le sujet.

Quelle est votre analyse du dernier Human Trafficking Report 2018 qui égratigne Maurice ?

 

Les rapports de ces trois dernières années parlent de quelques changements et améliorations dans le pays concernant le trafic humain. Mais cela ne veut absolument pas dire que tout va bien. Il y a encore des situations qui entachent l’image du pays, ce qui est un danger pour l’économie de Maurice. Depuis 25 ans que je defends les travailleurs étrangers de l’île, je peux affirmer que ce qui se passe a été toléré par les différents gouvernements qui se sont succédé au pouvoir. Ils sont les complices des agents recruteurs. Je me demande même s’il n’y aurait pas de trafic humain au sommet de l’État.

 

Je n’arrête pas de dénoncer des agents recruteurs et à cause de mon engagement et de mes actions contre ces derniers, on me taxe anti-patriote menaçant de me poursuivre. À ce qu’il paraît, je ternis l’image du pays quand je dénonce les conditions de vie des travailleurs étrangers et montre du doigt les agents recruteurs qui sont majoritairement des Bangladais qui se sont mariés à Maurice et qui sont venus dans l’île comme machinistes avant de se reconvertir en agents recruteurs.

 

La source du problème, ce serait donc ces agents recruteurs ?

 

C’est facile de les retracer. J’ai moi-même des informations sur les agents recruteurs qui demandent Rs 150 000 à Rs 200 000 pour faire venir un seul travailleur bangladais à Maurice. C’est de l’abus ! Ils ont dépassé les limites. Ils agissent sans craindre les autorités et font ce qu’ils veulent. Le gouvernement actuel, comme les précédents, tolère les agents recruteurs, ce qui aggrave l’image que projette l’île en matière de trafic humain. Je prédis que le prochain rapport américain l’attestera et soulignera la situation qui prévaut dans le pays.

 

Ces derniers temps, il y a eu des déportations ; et des grèves suivant la déportation des travailleurs ; des usines ont fermé leurs portes, laissant plusieurs travailleurs étrangers sans salaire ; des mouvements de grèves d’employés qui contestaient leurs conditions de vie comme la situation dans leurs dortoirs ; et la vente d’un travailleur étranger pour Rs 50 000. Bref, autant de passe-droits qui font une mauvaise pub à notre île.

 

Où en est la situation dans l’île ?

 

Le problème est vaste. Sur un plateau radio, un policier a récemment dit que, lorsqu’on parle de trafic humain, il faut aussi parler de prostitution et je suis tout à fait d’accord avec lui. Il y a toujours ces cas qui sont tristes et qui ne devraient pas continuer à exister. Les Rodriguais aussi sont concernés.

 

Pour ma part, ces derniers sont considérés comme des travailleurs étrangers sur le sol mauricien, par certaines compagnies. Ils sont, par exemple, exploités par des propriétaires qui leur louent des maisons à des prix exorbitants. Il y a même des Rodriguais qui dorment à même le sol dans certaines régions, par exemple à Petite-Rivière, Grande-Rivière ou encore à Sainte-Croix. C’est pour cela que j’ai toujours affirmé que les Rodriguais sont considérés comme des travailleurs étrangers à Maurice, même s’ils sont mauriciens, parce qu’ils sont exploités.

 

Ce trafic humain touche aussi de plus en plus les femmes car, selon certaines informations, de jeunes Bangladaises, dans une région de la côte Est, seraient même poussées vers la prostitution. Il faut arrêter cela pour éviter que la situation ne s’aggrave.

 

Il y a récemment eu une première condamnation de trois ans infligée par un tribunal mauricien pour trafic humain, à un oncle qui a voulu vendre sa nièce. Les autorités arrivent-elles à gérer ce fléau, selon vous ?

 

Je dis tant mieux s’il y a des condamnations. Cela permet de mettre en lumière un fléau qui perdure. Le problème est là et il est réel. Toutefois, je n’ai pas peur de dire que le trafic humain à Maurice empire. Quand j’ai commencé mon combat, les agents recruteurs prenaient Rs 80 000 pour faire venir un travailleur à Maurice. Maintenant, la somme tourne autour de Rs 150 000 à Rs 200 000. Les travailleurs bangladais sont les plus concernés. Il faut faire une enquête sur ces agents recruteurs. Des Banglandais qui se sont mariés à Maurice, sont aujourd’hui devenus une mafia et sont tolérés par les différents gouvernements qui se sont succédé. La confiscation des passeports est une forme moderne d’esclavage. Ces usines qui confisquent les passeports des travailleurs étrangers donnent un mauvais signal.