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Emilie Duval, docteure en psychologie clinique : «Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui pour nos enfants, pour nos parents ?»

Le diocèse de Port-Louis travaille sur un projet de sensibilisation et de prévention contre des abus sexuels à l’encontre des enfants. Emilie Duval, docteure en psychologie clinique et responsable de l’équipe de discipline en psychologie de l’Institut Cardinal Jean Margéot, nous en dit plus sur le sujet.

Un exercice de sensibilisation et de prévention sur la thématique des abus sexuels à l’encontre des enfants sera bientôt initié. Quel est le but de cet exercice ?

 

C’est de toucher des personnes qui travaillent essentiellement avec les jeunes. Elles vont par la suite être amenées à accompagner les enfants dans leur sexualité. Notre but est surtout de sensibiliser, informer, donner des outils aux personnes qui sont avec les jeunes et les enfants. Cela fait suite aux protocoles mis en place par le diocèse de Port-Louis, indiquant les procédures à suivre par toute personne ; un clerc et/ou des personnes en responsabilité auprès des mineurs se trouvant en présence d’allégations d’abus sexuel sur mineurs. Le diocèse de Port-Louis souhaite s’engager dans un exercice de sensibilisation et de prévention à la thématique des abus sexuels à l’encontre des enfants.

 

Où en est le projet ?

 

Nous travaillons actuellement sur le programme. Une équipe a été mise en place afin de réfléchir ensemble à l’élaboration de divers modules à cet effet.

 

Comment est-ce que cela va se passer dans la pratique ?

 

Cela va se faire en plusieurs phases. Avant d’aborder la question des abus sexuels à l’encontre des enfants, des informations seront données de manière générale sur le développement de l’enfant et de l’adolescent tant sur les plans psychologique, cognitif, social, physique et sexuel (module 1). Les modules 2 et 3 traiteront de la thématique des abus sexuels en abordant les définitions des diverses formes d’abus sexuel, la place de la famille, les facteurs explicatifs, les types d’auteurs ; adultes et mineurs, et les multiples conséquences traumatiques au niveau psychologique, social, sexuel et scolaire. Les aspects de la prévention et de l’intervention seront élaborés lors du module 4 sous deux axes, le premier étant la prévention : l’importance d’investir dans une parentalité positive et de pouvoir donner aux enfants de l’amour, la protection et la sécurité ; comment parler de sexualité aux enfants, la notion du secret (différencier un bon d’un mauvais secret) et des informations sur le cadre juridique.

 

Qu’en est-il de l’autre axe ?

 

Il tournera autour de l’intervention : l’importance d’aider l’enfant à briser le silence, le poids de la révélation, comment écouter un enfant victime et valider son vécu traumatique (choses à dire vs choses à éviter) et quel type d’accompagnement pour l’enfant victime et pour sa famille. Une liste comprenant des DVD, livres pour adultes et pour enfants, et activités sera distribuée à ceux qui souhaitent approfondir cette thématique et mieux accompagner les enfants victimes et leur famille.

 

Des campagnes contre les abus sexuels, il y en a eu beaucoup ces dernières années…

 

Je ne sais pas s’il y en a eu beaucoup mais il y en a eu ! Ce n’est pas tant des campagnes mais des choses à mettre en place dans des lieux qui touchent les parents et les enfants. Par exemple dans des lieux très fréquentés comme les hôpitaux et les dispensaires. Il faudrait mettre en place des services où il y aura des professionnels, des affiches et des informations pour prévenir les abus sexuels.

 

Quelles sont ces informations ?

 

Sur la parentalité, par exemple, sur l’importance de créer un lien d’attachement et de se faire aider si on est en difficulté pour protéger son enfant. Sur les parents qui souffrent de dépression ou de troubles mentaux et qui ont souvent du mal à élever leurs enfants. Donc, c’est toutes ces choses que l’on peut mettre en exergue pour empêcher que les enfants soient agressés, maltraités et négligés, entre autres. Donc, ce sont des services que l’état aurait dû mettre en place et qui auraient dû être accessibles à tous les Mauriciens. Tous les Mauriciens vont voir un médecin quand ils sont malades, tous les Mauriciens font vacciner leur/s enfant/s au dispensaire, toutes les Mauriciennes vont aller, en principe, dans les hôpitaux pour accoucher. Ce sont des lieux où on peut toucher la majorité de la population. Je pense que les autorités auraient dû penser dans ce sens.

 

C’est-à-dire ?

 

Je suis triste, à chaque présentation du Budget de voir qu’il y a toujours des manques sur des sujets importants. On investit des milliards dans l’intelligence artificielle, on investit des milliards dans cette affaire de passeport et notre nationalité qui sont à vendre et ce, au détriment des choses importantes. Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui pour nos enfants, pour nos parents, pour les parents à en devenir et pour s’assurer que notre population puisse être intelligente émotionnellement un jour,  pour qu’elle puisse être pleinement épanouie ?

 

Le cas de cette fille de 13 ans qui est décédée cette semaine interpelle plus d’un car on a appris qu’elle était mariée et enceinte… En tant que docteure en psychologie clinique, quel est votre avis de sur cette affaire ?

 

Dans ce cas, il y a beaucoup de personnes qui ont vu et qui sont restées tranquilles. Combien d’entre nous n’ont pas été dans des situations de non-assistance à personne en danger ? Pourquoi ?

 

Parce qu’on a peur à Maurice, on a peur de dire, peur d’ouvrir la bouche. On a aussi peur des conséquences et on préfère se taire. Il y a un médecin qui a dû suivre cette enfant, il y a une personne qui a marié cette enfant, il y a les parents, les voisins. Des personnes ont bien dû se rendre compte qu’elle ne venait plus à l’école. Qu’est-ce qui doit se passer pour ces enfants ?

 

Il faut les laisser livrés à eux-mêmes ou est-ce qu’il faut s’en inquiéter ? Et si on s’inquiète, est-ce qu’on le fait de son salon ? En tant que citoyen mauricien, si je vois qu’il y a un enfant à côté de moi qui est frappé, qui est maltraité, une enfant qui semble être enceinte et qui a 12-13 ans…qu’est-ce que je fais ? Oui, il y a beaucoup de personnes qui ne voient pas mais ceux qui voient, que font-ils ? Il y va de notre responsabilité.

 

Et l’exercice de sensibilisation et de prévention que vous comptez mettre sur place peut-il changer tout cela ?

 

On ne prétend pas changer quoi que ce soit. Ce qu’on veut montrer, c’est qu’aujourd’hui, l’église catholique prend position sur les agressions sexuelles, que l’église est là pour accompagner ces enfants victimes d’abus et qu’on a à cœur ces enfants, qu’on a à cœur de donner des outils aux parents et aux éducateurs pour pouvoir accompagner nos enfants du mieux que possible. On veut juste montrer qu’on a le souci et qu’on s’inquiète des enfants mauriciens qui sont dans des situations à risques. C’est dans cette perspective qu’on veut apporter notre contribution, si minime soit-elle.

 

Bio express

 

Emilie Duval est docteure en psychologie clinique de l’Université de Sydney, en Australie. Elle est la directrice de projet dans le domaine de la psychologie au SeDEC et responsable de l’équipe de discipline en psychologie à l’ICJM. Elle est aussi formatrice en discipline positive des parents et personne ressource en discipline positive dans l’établissement et dans la classe. Elle est aussi membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien (KDZM) et membre de la Societé des Professionnels en Psychologie de l’île.