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Élections à Rodrigues | Proportionnelle : en attendant sir Anerood Jugnauth

Serge Clair s’en  ira-t-il en guerre contre ce calcul électoral ? Rien n’est moins sûr. Même si, dans ses rangs, on pense qu’il
ne se laissera pas faire.

Dans les rues, des fêtes à n’en plus finir. Une chaleur étouffante malgré quelques gouttes de pluie, de la musique forte partout, une cacophonie des klaxons festifs : Rodrigues célèbre sa nouvelle équipe dirigeante en ce lundi 13 février. Dans la salle climatisée de l’hôtel Cotton Bay, là où les noms des candidats élus à la proportionnelle sont annoncés, il y a une soudaine froideur. Et ce n’est pas uniquement la climatisation qui en est responsable. Serge Clair accuse, le ton glacial. Il ne comprend pas une chose, dit-il : pourquoi son parti, l’Organisation du Peuple de Rodrigues (OPR), n’a pas obtenu de candidat élu à la proportionnelle. Il parle d’injustice. D’un calcul électoral, il a perdu sa confortable majorité (au suffrage direct, l’OPR avait dix élus contre deux pour le Mouvement rodriguais). 

 

Il est un peu plus de 18 heures et Irfan Rahman, commissaire électoral, vient juste d’annoncer qu’uniquement cinq candidats du Mouvement rodriguais (MR), mené par Nicholas Von Mally, obtiendront un siège et deviendront des island region members (ceux qui sont élus en mode first past the post sont des local region members). Et alors que la prestation de serment des nouveaux membres de l’Assemblée régionale de Rodrigues a eu lieu hier (voir plus loin), la polémique enfle toujours autour de la question de la proportionnelle. 

 

Serge Clair s’est énervé. Sir Anerood Jugnauth, ministre de la Défense et de Rodrigues, a abondé dans son sens, lui promettant une rencontre dans les jours à venir. Sans pour autant s’avancer. Xavier-Luc Duval, président du comité qui avait conduit la réforme électorale à Rodrigues, a défendu son bébé. Nicholas Von Mally s’est frotté les mains : lui, en tant que minority leader, et quatre des membres de son parti font leur entrée à l’Assemblée régionale à travers cette formule. Avec la proportionnelle, il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. Le commissaire électoral, lui, n’a pas tenté de parlementer avec le leader de l’OPR : «La loi, c’est la loi. On ne peut rien y faire. Il n’y a rien à en dire.» Néanmoins, en coulisse, Serge Clair affûterait ses armes, croyant en l’espoir que représente un SAJ acquis à sa cause. Sa victoire écrasante transformée en une majorité modeste ne lui convient pas. «Il sait bien que ce sont ses dernières élections. Il veut frapper fort», confie un de ses proches. 

 

Qu’il ait été au courant de tous les changements ayant activement participé à la réforme électorale n’empêche pas Serge Clair de s’indigner. Mais ce serait pour la galerie, prétend quelqu’un qui le côtoie depuis plusieurs années : «Il savait très bien à quoi s’attendre. Et je suis persuadé que rien ne va changer malgré la rencontre avec SAJ.» Parce que rien ne peut changer sans engranger la réforme d’une réforme, explique un professionnel du droit. Ce serait un combat inutile, un non-sens : «La démocratie représentative permet d’assurer que les votes des Rodriguais soient concrètement rétablis dans la réalité à travers les personnes qui vont les représenter à l’Assemblée régionale.» Avec 42,05 % des votes en faveur du MR, la réduction de l’écart entre la représentation des deux partis grâce à la proportionnelle est plus facilement compréhensible. 

 

Ensuite, c’est une question de perception. Comment parler de victoire écrasante en n’ayant qu’une majorité de trois élus ? Difficile. Toutefois, selon notre interlocuteur, quand on participe à une élection, il faut en accepter toutes les composantes. Toutes les subtilités. Serge Clair, lui, a fait ce choix. Mais pour son électorat, il a décidé de s’indigner. «Après tous les efforts que les Rodriguais ont fait pour gagner cette bataille, comment accepter que nous n’ayons qu’une majorité de trois élus ? C’est inacceptable !» disait-il le lundi 13 février. 

 

Le leader de l’OPR pourrait profiter du départ de Xavier-Luc Duval du gouvernement Lepep, apprend-on, et du souhait de SAJ de ternir le leader de l’opposition, qui est désormais pointé du doigt comme l’unique papa de cette réforme. C’est ce qui expliquerait son silence ? Car depuis cette fameuse soirée à Cotton Bay, Serge Clair a évité les questions relatives à ce sujet. S’est-il simplement laissé gagner par l’ambiance des fêtes dans son île ? Peut-être. À suivre… 

 


 

Des joutes… festives 

 

Midi. Lundi 13 février. La Returning officer de la région de Grande-Montagne l’annonce : Serge Clair est élu. Ses partisans sont déjà là, prêts à l’acclamer. Une heure plus tôt, alors que le nom du parti vainqueur de cette élection régionale ne faisait plus aucun doute (même si les résultats officiels n’avaient pas encore été proclamés), les partisans de l’OPR avaient rallié la région du n°6. C’était le début des réjouissances qui devaient durer toute la journée et toute la nuit. 

 

D’abord, un rallye monstre avec embouteillage et scènes de vie à la clé. Ici, une famille qui filme le «cortège» assise sur une «collinette». Là, un motocycliste qui traîne le drapeau vert du MR. Un peu plus loin, une grand-mère et son petit-fils tentent d’avoir un lift pour aller à Malabar. Partout, des chapeaux et des casquettes abandonnés sur la route, volés par le vent. Et de temps en temps, des pétarades assourdissantes pour saupoudrer le tout d’une liesse qui semble impossible à contrôler.

 

La veille, le jour des élections, c’était une autre ambiance. Avec les fameux 200 met. Il s’agit d’une baz dont le nom s’inspire des 200 mètres de distance requis entre un centre de vote et un rassemblement. Comme à Maurice. Mais les similitudes s’arrêtent là. À Rodrigues, c’est ambiance boîte de nuit. L’asphalte, c’est le dance floor. Dans le juke-box, du séga, de la pop et régulièrement l’hymne respectif des deux partis principaux de la joute électorale du samedi 12 février : Koul ti bato pour l’Organisation du Peuple de Rodrigues et Balye OPR pour le Mouvement Rodriguais. Sous des abris de fortune, les partisans ont organisé l’open bar : boissons gazeuses et massepains à volonté.

 


 

Comment ça fonctionne ? 

 

lIl faut d’abord une Party list : chaque parti qui a présenté des candidats à ces élections régionales soumet, s’il le souhaite, une Party list. Y figurent les candidats qui seront soumis à la représentation proportionnelle. Elle contient un maximum de
12 personnes. Aucun candidat qui brigue le suffrage direct n’y est accepté et pas plus de deux candidats du même sexe ne doivent venir en succession sur la liste, entre autres exigences.

 

lAu moment du vote, l’électeur doit opter pour deux candidats en mode First past the post et ensuite choisir un parti. Ce vote, l’Island region vote, permettra de définir les candidats élus en vertu de la représentation proportionnelle sur la Party list

 

lLa prochaine étape, c’est le calcul des island regional figures en prenant en compte le vote pour le parti et le nombre de candidats élus de chaque parti à travers le suffrage direct. Seuls les partis ayant soumis une Party list et ayant atteint un minimum de 10 % des suffrages sont concernés (ce qui explique pourquoi le Mouvement indépendantiste rodriguais (MIR) n’a pas obtenu de candidat à la proportionnelle).

 

lComment ça se calcule ? On parle d’exercices mathématiques pour définir le degré de proportionnalité ou ratio entre les résultats du suffrage direct et ceux de l’Island region vote. Pour mieux comprendre, il est plus aisé de partir sur un cas concret partagé par un professionnel qui connaît bien Rodrigues.

 

Le scénario – Trois partis : A, B et C. Résultats recueillis par chaque parti : A = 10 000. B = 7 000. C = 3 000. Nombres de candidats élus en mode First past the post : A = 10. B – 7. C= 0. Pour le calcul des Island regional figures, il est nécessaire d’ajouter un candidat à chaque chiffre (pour que le parti C ne soit pas mis à l’écart. Ensuite, il suffit de diviser le nombre de vote par le nombre de candidat + 1 pour obtenir un premier résultat. Ce sont ces  figures qui permettent de définir qui de quel Party list viendront les élus issus de la proportionnelle. 

 

Mais pourquoi sont-ils tous du MR ? Le parti élu au suffrage direct doit maintenir sa majorité avec au moins trois élus de plus que ses opposants. C’est ce qui est le cas actuellement. Si après la désignation des candidats proportionnels, l’OPR n’avait pas cette majorité, la commission électorale aurait été dans l’obligation de choisir un candidat sur sa Party list

 


 

Du côté de la prestation de serment

 

Elle a eu lieu samedi 19 février, au monument de l’Autonomie, à Malabar, en présence de la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim. Serge Clair a, sans surprise, était nommé chef commissaire lors de la prestation de serment. Le poste de chairperson de l’assemblée a été, pour la première fois, alloué à une femme, Price Anjela Spéville. L’équipe des commissaires ne change presque pas (reste à savoir, si leurs attributions resteront les mêmes) : Richard Payendee, Rose de Lima Edouard, Daniel Baptiste et Simon Pierre Roussety. Franchette Gaspard Pierre-Louis, qui était, avant la dissolution de l’Assemblée régionale, adjointe du chef commissaire, occupera désormais cette fonction. Celui qui la remplace est Nicolson Lisette.