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élections à Rodrigues : Des jeunes et des rêves

Un job quand elle sera grande. C’est ce que souhaite Léa.

De l’eau, des emplois et une meilleure connexion Internet : voilà ce que souhaitent des jeunes Rodriguais pour leur île. Et ils ont l’espoir que cette élection va changer leur quotidien…

Ily a de l’excitation. Une envie d’être au moment tant attendu. De faire enfin comme les grands. Il y a aussi la peur de ne pas être à la hauteur de l’instant. Une angoisse qui n’est toutefois pas partagée par Connie Perrine. Cette première fois est, pour elle, teintée de certitude. Inutile de savoir pour quel parti politique cette jeune fille de 18 ans votera. Les aspirations d’une génération tournée vers le monde vont au-delà d’un choix que beaucoup de jeunes Rodriguais feront, aujourd’hui, dimanche 12 février. 

 

Ambiance fébrile dans l’île au programme avec cette journée placée sous le signe des élections régionales. Une joute électorale opposera principalement l’Organisation du Peuple de Rodrigues (OPR) de Serge Clair, équipe gouvernante sortante, et le Mouvement rodriguais (MR) de Nicolas Von Mally qui a welcome on board Johnson Roussety pour un unique ticket dans la circonscription n° 5 de l’île. 

 

Les dernières heures avant l’election day ont été intenses. Dernières rencontres, derniers canvassings. Accrochages entre les partisans des deux blocs, «entrées» à la police et dénonciations venant des deux leaders concernant des allégations de tricherie autour des votes par proxy (procuration). Mais les deux blocs politiques ont pu jauger leur force sur le terrain lors du jour férié. L’autre événement de cette semaine à Rodrigues a eu lieu le jeudi 2 février, avec le rallye en marge des meetings de l’OPR et du MR. Défilé au départ de Port-Mathurin et ambiance festive dans les deuxbaz

 

À Rodrigues, pas question d’écouter simplement les leaders, ces rencontres sont des moments festifs. D’ailleurs, elles durent longtemps : de 11 heures à 18 heures ! Une journée de concert avec barbecue en plein air pour l’OPR à Malabar. Et pique-nique sur la plage de Mourouk pour le MR. Dans les deux cas, des éléments immuables : le soleil piquant de l’île, la chaleur étouffante d’une journée intense d’été, des T-shirts aux couleurs des partis et une myriade de parasols multicolores. 

 

S’épanouir dans son pays, Connie et ses copines – Aurèlie Meunier, Amélienna Perrine et Kelyann Jolicoeur – en rêvent.

 

Connie Perrine est dans la foule avec une bande d’amies. Son rêve, c’est une île différente, «meilleure» tout simplement, confie celle qui arbore un T-shirt où est inscrit «I <3 OPR». Dessiner les contours de ses envies n’est pas facile. Elle n’y a jamais vraiment réfléchi. Alors, les mots sortent en vrac comme viennent les idées : «Mo le ki pei avanse, qu’il y ait beaucoup de développements et du travail pour les jeunes.» Aller voir ailleurs, partir à Maurice pour trouver un emploi, ça ne l’intéresse pas. Sa vie, elle veut la construire dans son île et pour ça, il faudrait, dit-elle, que plus de touristes viennent chez elle et qu’Internet soit plus facile d’accès et plus rapide (ce qui n’est pas le cas actuellement). 

 

«Du travail pour nous»

 

Léa Palissade a les mêmes préoccupations : «Le plus important, c’est que je trouve un travail quand je serai plus grande.» Pour Mario, 18 ans également, la connexion «ki pa bon ditou» est l’un des problèmes qui freinent le pays : «Il pourrait y avoir des call centers ici aussi. Ça ferait du travail pour nous.»

 

Le jeune homme préfère garder l’anonymat. À Rodrigues, la politique c’est comme une religion. Elle fait partie du domaine de l’affectif et de l’intimité. On s’affiche avec prudence : «L’île est petite. On peut avoir des problèmes. Nu fami kapav pa gagn lavantaz Autre attente qu’il a pour la prochaine équipe dirigeante, c’est la résolution du problème d’eau qui paralyse l’île. «Dilo napa. Dans certaines régions, il n’y a pas d’eau courante pendant 90 jours. Nos réserves d’eau ne suffisent même pas pour nous. Comment nos parents peuvent-ils cultiver la terre ou élever des bêtes ? C’est impossible.» Dans sa voix, pas d’amertume, juste de l’espoir. Il ne veut pas enterrer le parti à qui il a donné son soutien, tout comme ses parents : «On ne peut rien reprocher à l’OPR, c’est un problème qui dure depuis toujours et trouver une solution prend du temps.»

 

 

Franco Grandcourt, Bernila Perrine et Jean-Patrice Swee dessinent les contours de leur île de l’avenir.

À Mourouk, on est en mode «balye mam» et l’amertume est bien présente. Mais l’espoir aussi pour deux jeunes membres du MR : Bernila Perrine, 25 ans, et Jean-Patrice Swee, 23 ans. Pour ce dernier, les jeunes doivent avoir leur place à Rodrigues : «Qu’on nous donne des opportunités, qu’on nous permette de nous épanouir dans notre île. Ça n’a pas étéle cas ces dernières années.» Même s’il n’est pas du même bord politique que les jeunes rencontrés à Malabar, il a les mêmes aspirations : «Il est temps qu’on profite d’une bonne connexion Internet à travers l’installation d’un câble optique.» Dans un monde ultra-connecté, les limites du réseau de télécommunication local semblent être la principale inquiétude des jeunes. Jean-Patrice souhaite aussi de l’eau courante pour tous et la relance de l’agriculture. 

 

Bernila, elle, veut que les choses changent dans l’île concernant le recrutement : «On ne trouve pas d’emploi même si on a les qualifications requises à cause de notre couleur politique.» Celle qui a suivi une formation à l’école hôtelière de Maurice est rentrée dans son pays et a galéré avant de trouver un job : «Cela doit cesser. Il est temps qu’on reconnaisse les efforts des jeunes ici et qu’on nous donne notre chance.» Le président de l’aile jeune de son parti ne dira pas le contraire. Franco Grandcourt estime que les jeunes veulent «vivre bien» dans leur pays. Et cela implique une chose essentielle : abattre les barrières qui les empêchent d’avancer. Parmi celles-ci, une est au centre de tout : le chômage. «Il y a cette tentation de rallier Maurice pour bosser. Mais combien réussissent ? Il est bien là le problème.»

 

D’où l’importance d’une bonne gestion des ressources d’eau potable et de la résolution du problème d’Internet, qui peuvent apporter plus de développements à Rodrigues. Les jeunes Rodriguais placent donc leur espoir dans ces partis qu’ils ont décidé de suivre. Et si le gagnant de cette élection régionale arrive enfin à répondre aux aspirations de cette génération connectée et amoureuse de son île, ce sera bien une… première. 

 


 

Un dimanche politique

 

Les 18 bureaux de vote s’ouvriront dans les six circonscriptions de l’île*. 28 791 électeurs y sont attendus jusqu’à 15h30. Si pour certains Rodriguais, les dés sont jetés, pour d’autres, rien n’est encore joué. Plusieurs interrogations trouveront leurs réponses demain, lundi 13 février, lors de la proclamation des résultats. Serge Clair paiera-t-il le prix de son bilan mitigé ? Nicholas Von Mally et son parti seront-ils pénalisés par le choix du leader de ne pas être candidat first past the post (il est inscrit sur la liste du parti pour la proportionnelle) ? Johnson Roussety fera-t-il la différence et ralliera-t-il les membres du FPR déçus qu’il s’allie au MR ? 

 

Comment ça fonctionne ?

 

Il y a d’abord les élus au suffrage direct : deux candidats qui arrivent en tête de liste dans chacune des six régions. Ils sont appelés les local region members. Puis, il y a les island region members, ceux qui ont été élus grâce au système de représentation proportionnelle. Au moment de voter, l’électeur doit opter pour deux candidats en mode first past the post et ensuite choisir un parti. Ce vote permettra de définir les candidats élus en vertu de la représentation proportionnelle. 

*1 = La Ferme. 2 = Maréchal. 3 = Saint-Gabriel. 4 = Baie-aux-Huîtres. 5 = Port-Mathurin.  6 = Grande-Montagne. 

 


 

MR vs OPR : ce qu’ils proposent

 

Dans leur manifeste électoral respectif, les deux principaux partis de cette joute électorale ont donné les grandes lignes de leur projet pour Rodrigues.

 

MR : eau ; réhabiliter les barrages existants et construction d’autres – facilités pour les entreprises engagées dans la création d’emplois – mise en chantier de projets créateurs d’emplois – agrandissement de l’aéroport de Plaine–Corail et du port de Rodrigues – libéralisation de l’espace aérien – connexion à travers un câble de fibre optique – identification et aménagement de zones agricoles – introduction de cultures hydroponique et aquaponique – création d’une université spécialisée dans l’économie bleue et le repeuplement du lagon – réforme du statut de Rodrigues avec trois députés à l’Assemblée nationale – Promotion du tourisme vert, entre autres. 

 

OPR : eau ; construction de barrages, de 2 000 bassins, d’un réservoir et de retenues collinaires – création de 4 000 emplois – agrandissement du port – extension de la piste d’atterrissage de l’aéroport – projet de câble optique et création d’un Technology Park – construction d’un nouveau Parlement régional et de nouvelles routes – créations de 2 000 logements sociaux, de gymnases et d’un complexe sportif – mise en place d’un système de santé de qualité – promotion de l’innovation, entre autres.

 


 

Tentative d’agression sur Johnson Roussety

 

Il a été victime d’une tentative d’agression à l’arme blanche hier matin au marché de Port-Mathurin. Le leader du FPR et candidat au no 5, qui n’est pas blessé, a consigné une déposition au poste de police de Port-Mathurin. Le suspect Louis Ravel Collet a été interpellé et est en détention policière.