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Élection partielle au nº18 : Le jour du choix est arrivé

Ashley Khemraz a enchaîné de longues journées ces dernières semaines.

Les habitants de cette région du centre de l’île peuvent enfin voter. En attendant d’en savoir plus sur le résultat de ce scrutin, sillonnons les rues de la circonscription… de nuit.

Un trait d’eye-liner bien dessiné. Une ligne de gloss qui retient la lumière des phares de voitures. Avec des copines, Shirley (prénom modifié) flaire le client. Il est minuit et le centre de la ville de Quatre-Bornes est encore vivant (du moins, plus que d’habitude), alors le petit groupe se fait discret. Ces dernières semaines, ces femmes de nuit ont vu leur bout de koltar s’animer. Ce n’est pas le fourmillement de la journée. Mais il y a du mouvement. Campagne oblige ! Shirley a déjà posé son pronostic concernant les résultats de cette partielle. Mais nous ne dévoilerons pas le nom du/de la candidat/e qui devrait l’emporter, selon elle. Ce n’est pas son préféré, non.

 

Mais, elle observe et elle écoute. De rencontre en rencontre, elle tâte le pouls de cette ville où elle tente sa chance. D’ailleurs, elle espère trouver le temps d’aller vote, aujourd’hui : «J’ai 36 ans et ce sera la première fois pour moi.» Ce dimanche 17 décembre, c’est le Jour J pour les habitants de Belle-Rose/ Quatre-Bornes : le voting day où ils choisiront un représentant au Parlement. Qui sera le winner de cette joute ? Un candidat attendu ou un outsider ? Les résultats, devront être proclamés demain, lundi 18 décembre.

 

Pour patienter, suivez-nous dans une balade by night dans un nº18 en dernière semaine de campagne, dans la soirée du mercredi 13 décembre et celle du jeudi 14 décembre. Entre les quartiers endormis et les artères animées autour d’une baz, découvrez ces instants de ville qui n’appartiennent qu’à une élection. Participez à nos rencontres, comme celle de Shirley et de ses amies. Découvrez ces «travailleurs» de l’ombre et ces appétissants menus d’après-terrain. Pour ne favoriser ou ne défavoriser aucun parti, nous nous tairons, néanmoins, sur les mauvaises rencontres, les effluves d’alcool et les commentaires désobligeants (des incontournables, aussi, malheureusement). Et nous raconterons cette épopée de façon chronologique.

 

Prêt ? Allons-y ! Rue Ollier, 21 heures, Roshi Bhadain clôture son congrès en grimpant sur sa voiture. Autour de lui, des jeunes et des ballons jaunes. Des joueurs de percussions survoltés. Et toute une équipe repoussant gens et voitures pour laisser passer celui que de  nombreux «jaunes» appellent «le patron». À quelques pas de là, c’est l’heure du dîner pour des activistes du PMSD. Dan lasiet ? Du riz, des lentilles rouges, enn rougay corned-beef ou une omelette pour ceux qui ne mangent pas de bœuf. Dans leur «b ureau», c’est autour de la même table qu’ils partagent un repas avant de reprendre le boulot. En campagne, on ne termine pas avant 23 heures. Porte-à-porte, préparation de la journée du lendemain et update de la liste des électeurs. C’est une époque à vivre, intensément : «Nous ne sommes pas fatigués ! Nous croyons en notre combat et en notre candidat, Dhanesh Maraye», confie Wendy Delord.

 

Échange cordial

 

C’est le discours standard des activistes, qu’importe le bord politique. Comme un refrain de campagne. Le tube de l’été électoral, quoi. Si on y rajoute les «nou pann touss banderol nou kamarad», «sa (censuré*) ek so lekip ki pe fer dezord», «nou pa aste lalkol pou bann baz», «nou tou benevol», nous obtenons même les couplets. Dans la rue, devant la baz des Mauves,  des activistes du Reform Party, sortant du congrès, croisent ceux du MMM. L’échange est cordial : «Apre tou nou tou kamarad isi», lance le fan de Paul Bérenger, Vijayen Rungen. Dans ce petit coin peint en mauve, décoré de cœurs, d’un tableau d’époque et d’un miroir doré (retour dans le… passé), on joue du karom en écoutant de la musique (sono professionnel lor baz). Pour le casse-croûte : du pain ou du riz avec enn ti kari poul. À partir de 15 heures, explique Vijayen Rungen, les activistes bouz zot transpor, partagent des documents et se mobilisent pour leur candidate, Nita Juddoo.

 

Le retour à la baz, c’est un moment de partage : «Ça fait partie du folklore de l’élection. Ça permet de rassembler et de motiver.» Laissant ces messieurs à leurs occupations, nous reprenons la route. Il est tard et les rues des quartiers résidentiels sont désertes. Certaines fenêtres sont encore illuminées. Mais la ville s’endort peu à peu. À Sodnac, on ne croise que des visages des candidats collés sur des colonnes électriques. Ailleurs, des banderoles de Rezistans ek Alternativ de Kugan Parapen ou du Mouvement 1er Mai, de Jack Bizlall, entre autres. Sur les ronds-points, les krapo de Nitish Joganah apportent de la couleur. L’asphalte, elle, se déploie inlassablement. Pour sillonner nº 18 et ses coins et recoins, il faut se lancer en mode road trip. Après les routes ensommeillées, laplas taxi de Quatre-Bornes et ses petites boutiques – encore ouvertes à 23 heures ! – apportent enn ti lalimier en cette longue soirée. À l’hôpital Candos, le van bardé de rose du Parti Malin est garée sur le parking. Danrajsingh Aubeeluck se serait fait agresser (voir hors-texte).

 

À quelques pas de là, dans un immeuble en construction, c’est l’équipe de Kaviraj Boodhoo et Veeren Nagen qui  pe batt enn ti domino à la lumière crue d’un tube. Autour d’eux, pas âme qui vive. Se retrouver là, tous les soirs, c’est faire passer un message, disent-ils : «Que notre quartier est avec Arvin Boolell.» Et après un après-midi de fer travay aktivis, il fallait bien enn ti sote sosiss poul dans du pain avec son piment vert pou redress lekor. C’est vrai que les nuits sont longues en campagne.

«Gard lespwar»

 

Les policiers et les membres de la SMF, placés non loin du kovil de la montagne, ne diront pas le contraire. Au hasard d’une petite aventure de perdi sime, nous tombons sur Jean-Noël André, qui s’est improvisé colleur d’affiches pour son parti, les Verts Fraternels, et sa candidate, Audrey Cindy Antonio. Pot de colle homemade (recette : de l’eau et de la farine) et pinceau, il fait son taf à la lueur du lampadaire : «Nou bizin gard lespwar. Et ce parti me l’a redonné.»

 

Alors, au volant de sa voiture, il fait le tour des panneaux d’affichage et propage le message des siens. Qu’importe l’heure. Et alors que les baz ferment peu à peu, celle de la Reform Party accueille ceux qui rentrent du congrès. Dans cet univers majoritairement masculin – et très machiste ! – d’une campagne by night, nous tombons sur Santa Trilochun, la responsable de ce coin détente. Pour ce soir, un menu sur le pouce, enn vinday pwason. «Avec le meeting, on n’a pas eu le temps d’en faire plus. Enn ti program brit», confie-t-elle. C’est en famille que la bande à Roshi Bhadain se rencontre dans cette salle verte, karom ou jeu de carte pour passer le temps : «Ou alor nou koz koze. Nous parlons de comment s’est passé le porte-à-porte, les réunions…»

 

À la «gare» Jean-Louis Louvet Trafic Centre, petit embouteillage de minuit. Plusieurs voitures se garent. Des hommes en sortent. Certains grimpent sur des colonnes. D’autres allument une cigarette et/ou engagent la conversation. Mission : attacher des oriflammes rouges et recouvrir – ou presque – ce lieu qu’ils qualifient de stratégique. Ils en ont encore pour de longues minutes. Le temps de quitter Palma pour rejoindre Saint-Jean, là où les activistes du MP sont, dans leur QG, avec leur président, Alan Ganoo (qui nous précise que c’est une réunion privée), et leur candidate, Tania Diolle, pour la rencontre quotidienne. Il est minuit et demi et Ashley Khemraz est venu pour aider un ami à sortir le van-baffle du chemin un peu étroit. Ce soir comme beaucoup d’autres soirs de campagne, il finira vers 3 heures du matin. Le temps de disséquer la journée et de préparer la suivante : «Bizin ena boukou kouraz me nou pe fer li pou nou pei.»

 

Presqu’une heure du matin. Même Shirley n’est plus là. Il est temps de quitter le nº 18 et d’attendre la suite de son histoire électorale…

 

Nº18, pratique

 

Il y a 13 bureaux de vote pour 42 052 électeurs. Les centres de vote seront ouverts de 7 heures à 18 heures. 40 candidats briguent les suffrages. Devant chaque salle de votre centre de vote, une liste de nom est affichée. Une salle pour personne à mobilité réduite est disponible par centre de vote (d’autres dispositions allant en ce sens ont été prises).

 

Une semaine chaude

 

 

Et il n’y a pas que la température qui a grimpé en flèche, cette semaine. Les candidats, leurs partis et certains de leurs activistes ont mis le coup d’accélérateur à la mauvaise foi (mais pas que, heureusement). Et les attaques de ces derniers temps ont connu leur apogée. Normal ! C’était un super concentré des semaines de campagne. Des coups bas, des attaques, des rumeurs de sous-marin (qui serait le candidat caché de qui ?), une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux (mèmes, vidéos et compagnie). Mais aussi des débats d’idées plus intéressants lors des émissions organisées par les médias privés.

 

Parti malin : la «mésaventure» de Danrajsing Aubeeluck

 

Pauvre Monsieur Malin ! Le plus colourful – rose bébé, everywhere - des candidats de cette partielle aurait été agressé. C’est, du moins, ce qu’il a déclaré, cette semaine. Dans la soirée du mercredi 13 décembre, trois hommes armés l’auraient attaqué. Il a porté plainte au poste de police de Quatre-Bornes et s’est rendu à de l’hôpital Candos pour des soins.

 


 

Paroles de candidats…

 

Dernière semaine, dernières déclarations. Voici un petit mix des koze de certains prétendants au titre de «gagnant de la partielle».

 

Arvin Boolell, en conférence de presse, samedi 16 décembre : «Le gouvernement prône l’abstention, mais je lance un appel aux habitants de la circonscription de venir voter. Je suis confiant d’une victoire. Je reconnais le soutien de nombreuses personnes.»

 

Nita Juddoo, en conférence de presse, samedi 16 décembre : «Je suis sereine. C’était une bonne campagne. Je salue la contribution des militants. Et j’espère que l’abstention ne marquera pas cette élection.»

 

Tania Diolle, en congrès le vendredi 15 décembre : «Malgré toutes les tentatives pour nous décrédibiliser, les habitants croient en nous. Nous avons déjà gagné car les partis traditionnels ne peuvent dire que les habitants les suivent.»

 

Roshi Bhadain, en congrès le mercredi 13 décembre : «Avec cette élection, j’ai mis une arme puissante en vos mains. Donnez-nous l’occasion de marquer l’histoire et d’en finir avec les dinozor bater lakol.»

 

Kugan Parapen, lors d’un point de presse, le samedi 16 décembre : «C’est dommage que les autres partis n’aient pas dévoilé leurs dépenses de campagne, comme nous.»

 

 

Jack Bizlall, en réunion le 13 décembre : «Nou pa kapav tap tanbour avan ler. Eski sa eleksion la pou kre enn dinamik ou li pou fer pays  rekil en arier ? Le 18 nou pou gagn repons-la.»

 

Dhanesh Maraye, lors d’un congrès le vendredi 15 décembre : «Ce ne sera pas que la victoire du PMSD, mais aussi la victoire contre la corruption, le communalisme pour plus de démocratie.»

 

Nitish Joganah, lors d’un rassemblement culturel le dimanche 10 décembre: «Lopozision kont lopozision. Koumadir festival de Cannes. Me na pa festival de Cannes sa. Festival karo kann! (…) Mo pe dibout divan zot, mo prop. Pena enn politisien ki kav get krapo dan figir.»

 

Alexandre Barbes-Pougnet, sur sa page Facebook, le vendredi 15 décembre : «Alea jacta est.» Locution latine signifiant «le sort en est jeté».

 

 


 

 

Déclaration de leaders… sur leur candidat

 

Un dernier petit exercice de flatterie pour la route. Les leaders – mais pas uniquement ! – des principaux blocs politiques ont tenu à dire uniquement du bien sur leur candidat. Et assurer leur bonheur d’une victoire. Petite séquence émotion. Sortez les mouchoirs :

 

From Paul Bérenger, with love : «La victoire de Nita Juddoo apportera un vrai changement. Nous avons constaté une vraie évolution et nous pouvons dire qu’elle se dirige vers la victoire.»

 

Amitiés, Navin Ram… euh, pardon, Shakeel Mohamed. Chez les PTr, la situation est un peu plus compliquée. C’est Shakeel Mohamed qui, en conférence de presse le samedi 16 décembre, a défendu le candidat Arvin Boolell, comme pour dissiper tout malentendu : «Je demande à la population de nous faire confiance et de faire confiance à notre candidat.» La veille, c’est Navin Ramgoolam qui avait jeté le trouble sur les relations entre les deux hommes et relancé la polémique sur la cohésion au sein du Labour Party. «C’est moi le leader du PTr, c’est moi qui décide», avait-il répliqué, questionné sur les propos du candidat rouge au nº18. Arvin Boolell avait annoncé que, s’il est élu, Shakeel Mohammed conservera son «poste» de chef de file des Rouges au Parlement. Le 27 octobre, le leader des Rouges avait annoncé que le candidat du PTr prendrait cette place.

 

Affectueusement, Alan Ganoo : «Tania Diolle est la seule à avoir déclaré ses avoirs. C’est cela que nous appelons faire la politique autrement. Tania est une jeune politicienne. Elle donne l’exemple.»

 

Des bisous, Xavier-Luc Duval : «Je suis confiant en la victoire de Dhanesh. Il fait la fierté de son parti.»